Liste des groupes Deathcore To The Grave Director's Cuts

Groupe en devenir sur la scène australienne, To The Grave n’a certes pas encore la notoriété de leurs compatriotes de Thy Art Is Murder mais sa vision notamment lyrique lui permet de s’échapper des sentiers classiques. Si les compositions du quintet n’ont pas été des plus extravagantes jusqu’à présent, le collectif peut néanmoins compter sur un scénario digne d’un blockbuster américain. Cette perspective cinématographique ne s’extériorise pas seulement dans le travail lyrique qui traite en grande partie du véganisme et de l’urgence climatique, mais aussi dans des clips vidéos, résolument sombres, souvent choquantes mais d’un réalisme qui fait froid dans le dos et qui permet de prendre conscience de la destruction causée par l’homme.

Après un premier opus Expect Resistance, sorti depuis presque une décennie et qui est totalement passé sous les radars, la formation australienne a connu un premier succès modéré fin 2019 avec Global Warning, un disque qui allait poser les fondements écologiques du collectif. Mais c’est bien deux ans plus tard que nos musiciens ont franchi un cap majeur avec sa signature au sein du label Unique Leader Records et la publication d’Epilogue, une reprise totale de sa précédente parution complétée par seulement huit nouveaux titres qui, malgré une production soignée, nous avait laissé sur notre faim. Pour rectifier le tir, notre quintet nous propose une quatrième œuvre nommée Director’s Cuts et toujours éditée sous Unique Leader.

Sans rentrer directement au sein de cette nouvelle galette, on peut déjà observer une imagerie forte de la part des Australiens avec une pochette représentant une chèvre probablement tuée par l’homme, une preuve de plus de la lutte portée par notre combo contre la maltraitance et l’abattage animal. L’introduction Warning Shot est déjà une prémisse de ce qui attend l’auditeur à savoir une atmosphère putride, pesante mais aussi alarmante avec ces guitares dissonantes, ce rythme languissant et ce spectre vocal varié entre growl, chant écorché et grognements. En d’autres termes, avec ce petit avant-goût, les Australiens nous emmènent dans une ambiance dévastatrice et sauvage, comme si nous étions la victime de cette boucherie.

Ce sentiment d’être martyr se confirme lors du morceau suivant Red Dot Sight où notre groupe ajoute pour plus de réalisme des petites touches ingénieuses et pertinentes. Ces tournures se caractérisent par des bruitages comme le moteur d’une tronçonneuse ou encore des cris d’effroi. L’immersion est sensationnelle et même si cette démarche aurait mérité d’être plus développée, elle n’en demeure pas moins saisissante. L’aura du titre se veut oppressant, rustique, toujours avec ces guitares discordantes et ce tempo assez lent. Cependant, on sera très agréablement surpris par un attrait un peu plus mélodique lors des refrains qui vient contrebalancer ce sentiment néfaste. Le breakdown se montre assez simpliste dans sa construction mais ne vient pas jouer dans la surenchère de longueur et de lenteur comme d’autres formations de deathcore en ont la fâcheuse tendance.

Ce qui convainc en premier lieu sur ce Director’s Cuts, c’est la variété aussi bien instrumentale que vocale du groupe. Bien que le deathcore épais et pesant soit la base même de l’album, on peut toutefois observer d’autres conduites de la part du quintet australien. Avec Protest & Server en collaboration avec Sam Crocker (Antagonist A.D), c’est d’une exécution un peu plus symphonique certes légère mais suffisante pour amener plus d’authenticité. La composition introduit également un riffing groovy plus proche d’un death metal classique, nouvelle preuve d’une tangibilité sans limites ainsi qu’un autre chant crié, celui de l’invité, pour une empreinte orienté hardcore. Pour une apparence mélodique, le collectif nous fait même l’honneur d’un solo de guitare qui aurait sans doute mérité un peu plus de matière mais qui répond tout de même à nos attentes.

Pour le panorama vocal, toutes les chansons possèdent un large catalogue de techniques mais certaines proposent des mélodies plutôt inhabituelles. C’est notamment le cas avec Found Footage qui voit son introduction au chant clair, murmuré pour exposer une atmosphère mélancolique. Le titre rappelle d’ailleurs la trilogie Pain Remains de Lorna Shore ou certaines pièces de Whitechapel, un aspect émotionnel encore peu exploré dans la scène deathcore. Die, Rise reprend cette même base avec une durée peu conventionnelle (plus de huit minutes) et une multitude de rebondissements pour nous tenir en haleine. Passage symphonique, solo de guitare, apparences mélodiques ou encore breakdown implacable, tout a été choisi pour construire une solide mélodie progressive et pour signer un final en apothéose.

Director’s Cuts est une quatrième œuvre complète et singulière dont le principal message est de nous donner un aperçu sur notre sinistre futur. Sur ce point, To The Grave remplit largement son objectif avec une musique écrasante, grinçante, presque universelle, le tout accompagné d’instants plus mélodiques et mélancoliques. L’album rate de peu l’excellence et doit ses quelques points perdus par une production parfois un peu confuse et surchargée ainsi que par des structures assez prévisibles car répétées (Protest & Server, Cut Off The Head). Mais pour le reste, le disque ne souffre de presque aucune faiblesse et montre un sérieux gain de maturité et d’assurance. Nul doute que l’on devra désormais compter sur notre quintet à l’avenir et de le voir prochainement sur de grandes tournées.