A l'heure actuelle, comment espérer s'illustrer dans un registre metal aussi concurrentiel que le metal symphonique à chant féminin sans se voir prématurément débouté de cette scène aussi exigeante qu'impitoyable pour les projets verts ou mal assurés ? A la différence de nombre de ses homologues stylistiques, cet expérimenté quartet étasunien originaire de Portland (dans l'Oregon) a moins cherché à se terrer dans l'ombre d'
Epica et consorts que de diversifier ses points d'ancrage, alliant l'atmosphère doom de
Draconian,
My Dying Bride,
The Flaw à
Nightwish, en passant par
Tristania ou encore
Theatre Of Tragedy, avec de vagues réminiscences classique en arrière-fond. Un éclectisme loin d'être anodin...
Ce dynamique et mélancolique message musical repose sur une démarche prudente, mûrement réfléchie, à l'image d'une démo 4 titres égrainés sur un ruban auditif de 30 minutes. Et ce, même si cette initiale offrande sort un an à peine après la création du combo. Mais nos acolytes n'en sont pas à leur coup d'essai, chacun des membres ayant déjà à son actif un enviable palmarès. En effet, cette modeste mais généreuse rondelle est l'oeuvre conjointe de :
Sara Fallico (ex-Midnight
Winter) au chant ; Vladimore (
Forsaken Eternity, ex-
Beyond The Red Horizon) à la guitare et aux claviers ; Brian
Rush (
Blood Freak, Thonis,
Mountain Grave...) à la basse et au chant ;
Jason Borton (Throne Of Awful Splendor, ex-
Mortal Plague...) à la batterie. L'expérience de nos compères aidant, le panel de compositions dispensées, à l'inspiration féconde et à la fine plume, témoigne d'un travail minutieux en studio, laissant percevoir un enregistrement de bonne facture et un mixage tout à fait acceptable pour une production de cet acabit. Alors, entrons sans plus attendre dans la danse...
La quasi totalité de la galette se cale sur une juxtaposition opportune des lignes de chant, mixtes pour la plupart, à une orchestration volontiers estampée doom gothique symphonique, l'ensemble suivant des portées rigoureuses dans leur principe de production et d'émission. Si l'opus ainsi affrété offre plutôt de longs espaces d'expression artistique, l'entame fait exception à cette logique de construction compositionnelle. Ainsi, le laconique mais néanmoins envoûtant titre d'ouverture « Where Lovers
Rot (Intro) » est une rayonnante et originale interprétation du célèbre Chi Mai d'Ennio Morricone. Sur fond de craquements d'un vinyle érodé par le temps, de sinueuses nappes synthétiques évoluent en osmose tant avec la progressive et enjouée section rythmique qu'à la lumière des célestes et caressantes volutes de la mezzo-soprano. Une manière propre et élégante d'annoncer les hostilités.
Le combo a essentiellement basé son propos sur d'amples et énigmatiques plages oscillant entre d'angoissants passages et quelques moments vaporeux, voire évanescents. Rien qui ne nous pousse à la désaffection des lieux mais qui nécessite toutefois quelques écoutes circonstanciées pour en déceler la substantifique moelle et s'imprégner durablement de ces atmosphères crépusculaires.
D'une part, d'inspiration néo-classique et doom, le sculptural acte «
Through the Gardens and the Archways » déploie à pas feutrés ses 09:40, fièrement mais sans technicité ostentatoire, laissant entrevoir des gammes effilées et empreintes de moult nuances atmosphériques. Sous le joug des pénétrantes et radieuses patines oratoires de la sirène, le chaland pense déambuler en terres sereines. Ce serait oublier la présence de growls inquiétants éructés d'une bête en rogne, corroborés aux inflexions de sa comparse, conférant une touche de noirceur à cette épique tirade. Et ce, non sans rappeler l'ambiance gorgonesque de
Draconian, avec un zeste de
Tristania eu égard aux harmoniques investies, le brûlot nous glaçant alors le sang par moments. Ainsi, on est à la fois chahuté par les attaques en règle d'une instrumentation en proie à quelques accès d'une folie passagère mais contrôlée et interpellé par de gracieuses oscillations mélodiques. Ce faisant, on craint de se perdre au cœur de cette pléthorique et un tantinet complexe orchestration qui, au regard des séries d'accords octroyées, ne se laisse pas aisément dompter. D'autre part, des arrangements à mi-chemin entre
Anathema et
Nightwish nous propulsent dans la méandreuse fresque doom atmosphérique gothique « Our Last
Sunrise ». Au fil des 10 minutes d'un voyage tourmenté, mystérieux, suivant quelques insoupçonnés chemins de traverse, on plonge dans une atmosphère éthérée, agrémentée par quelques lueurs en substance à l'instar des infiltrantes et angéliques impulsions de la déesse. On tendrait à être aspiré par la force oppressante des éléments et, paradoxalement, pris dans un tourbillon ascensionnel. Ou l'art de savoir faire cohabiter le ying et la yang.
Enfin, de manière singulière, le collectif a livré un éclairage alternatif à son propos. Ainsi, un somptueux duo féminin en voix claires aux accents orientalisants introduit le plantureux et lugubre «
Nightshade », titre doom gothique symphonique à la fois tortueux et mélancolique, dans la veine de
My Dying Bride. Viscéralement attachée à ses sordides marécages, la bête growleuse se manifeste à l'envi, s'intercalant parfois dans le corps oratoire, contribuant à nous octroyer un vaste et saisissant champ de contrastes. On regrettera néanmoins de devoir suivre une ligne mélodique plutôt linéaire et un découpage insuffisamment efficient entre couplets et refrain pour en faire un moment véritablement immersif. Etat de fait d'autant plus dommageable que la progressivité du convoi instrumental réserve son lot de surprises et d'émotions.
Au final, on effeuille un manifeste au carrefour de plusieurs sources et styles qui en fondent son originalité et son caractère propre. Ce qui offre au combo américain toute latitude par rapport à moult formations metal symphonique classique à chant féminin. D'autant plus que les potentiels technique et artistique affichés laissent augurer une aventure au long cours pour nos quatre mousquetaires. Si cette oeuvre ne souffre que de rares notes parasites, il conviendra néanmoins que la sarabande affûte encore ses armes pour mieux faire entendre sa voix, que ce soit en termes de variété atmosphérique, de diversité architecturale des pistes, de pluralité de l'offre rythmique et vocale. Et ce, à l'instar d'un album full length que l'on espère prochainement voir accouché. Wait and see...
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