Toute personne s'intéressant à la scène
Doom, en particulier ses tendances les plus extrêmes, n'ignore pas l'existence du label russe
Solitude Productions. Premier et plus gros pourvoyeur de
Funeral Doom,
Gothic Doom et
Doom/Death dans les pays russophones, le label s'est ensuite diversifié avec son sous-label BadMoodMan Music (toujours du
Doom, mais plus avant-gardiste) puis plus récemment avec
Slow Burn Records (Post-
Metal et assimilés). Ce dernier avatar ne fait que continuer à explorer l'univers de la musique lourde et lente, en s'intéressant à des groupes qui mêlent l'esprit du
Doom et des genres plus modernes.
Ce qui nous amène à
EndName. Le groupe moscovite est l'un des plus anciens pratiquant du genre dans les pays russophones, à égalité avec Somnolent, et a réussi à sortir deux albums auparavant malgré les habituels problèmes de line-up. "Demetra" est donc leur troisième disque, le premier a bénéficier réellement du soutien de label professionnel. Comme souvent dans le genre,
EndName est un groupe strictement instrumental, ce qui leur permet de pousser un peu plus loin les expérimentations progressives typiques du genre. La production est bonne (on distingue très clairement chaque instrument), la maitrise instrumentale parfaite (les parties à la basse sont magiques) et chaque morceau contient des idées intéressantes et bien développées.
L'enchainement des morceaux se fait correctement, l'album donnant ainsi plus l'impression d'être un unique titre divisé en quatre mouvements distincts. Si "Duplication Of The World" se révèle être le plus classique (l'influence
Neurosis est palpable), "
Union" et "
Forest" se révèlent par la suite plus captivants. Chacun d'entre eux se présente comme un titre purement athmosphérique : le premier joue tout sur une classique montée en puissance, avant de finir sur un magnifique mélange entre chant de gorge mongol et choeur féminin orthodoxe (seul passage vocal de tout l'album, mais de toute beauté) lesquels laissent la place à des samples du vent dans les arbres de la taïga annonçant "
Forest". Longue pièce musicale très dépouillée, celle-ci s'apprécie encore mieux au casque et démontre l'inventivité d'un groupe qui ne cherche pas à copier les ténors du genre (en premier lieu The
Red Sparrowes, auxquels la première écoute du duo "
Union"/"
Forest" m'avait fait penser), mais au contraire trace sa route en se servant des indications laissées par les précédents explorateurs.
L'album pourrait s'arrêter là et n'être déja qu'une excellente surprise. mais il faut bien parler du mouvement/morceau final, lequel semble logiquement prévu pour causer un choc avec l'auditeur autant que pour servir de rupture avec la mélancolie précédente. Comme son nom l'indique, "DOTW RX" est un remix de "Duplication Of The World" par un certain Alex Senko. celui-ci est l'ingé' son live du groupe, ainsi que le designer de son identité visuelle. En totale opposition avec le reste de l'album, sa version du morceau d'ouverture est une refonte totale en mode Noise/Industriel.
Abrasive et déroutante, elle se révèle pourtant très subtile au fil des écoutes et en parfaite adéquation avec l'identité musicale générale de l'album : finir comme l'on a commencé, sur de la violence. Accessoirement, elle représente aussi assez bien des paysages d'usines en ruines, de terrains vagues en friche, image qui colle parfaitement à ce type de musique pratiqué par des musiciens russophones (et sert justement de thématique à de nombreux groupes du cru, comme
Emptiness).
Comme souvent dans le cas des groupes de Post-
Metal, voilà un album qui s'apprécie autant au calme que dans le chaudron bouillonnant d'une salle de concerts. Trippant de bout en bout, "Demetra" est un petit bijou qui comblera tous les amateurs du genre.
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