Desolate Shrine, voilà un nom qui revient souvent ces dernières années lorsqu’il s’agit de désigner de jeunes groupes de death metal talentueux à l'aura unique. Forts de trois albums, les Finlandais n’ont pour le moment fait aucun faux pas, nous gratifiant d’un death terriblement sombre, lourd, nébuleux et dissonant, à l’aura presque religieuse, à mi-chemin entre
Portal, Lvcyfire et
Spectral Voice. Depuis le
Tenebrous Towers de 2011, leur musique a su séduire nombre d’amateurs d’ambiances ésotériques et brumeuses, et ce n’est pas Delivrance from the
Godless Void, leur quatrième full lenght, qui sort sur
Dark Descent, qui viendra inverser la tendance, bien au contraire.
Dès les premières secondes, The
Primordial One laisse éclater sa fureur dans un déferlement de blasts et de riffs dissonants qui copulent en un chaos assourdissant dans les profondeurs de la terre : d’emblée, la violence de la musique nous précipite dans un gouffre noir et sans fond, loin de toute vie humaine. On se retrouve là où l’album précédent nous avait laissé, au coeur des Enfers, asphyxié, isolé à des kilomètres sous la surface de la terre, on s’affole et on perd ses sens, tâtonnant dans le noir à la recherche d’un chemin, cognant contre les murs froids et impénétrables de ces abysses millénaires. Le trio alterne attaques blastées et mid tempi lourds et rampants dont les riffs bourdonnants sont sournoisement soutenus par l’action de la double pédale, et les voix possédées de ML et RS, véritables incarnations de la souffrance, de la folie et de la mort, nous guident dans ce labyrinthe tortueux et sombre.
Son extrêmement grave et distordu, voix démoniaques qui exhalent leur souffle putride, coups mats de la batterie qui se répercutent dans la voûte vide de ces galeries souterraines comme d’insupportables coups de marteau sur un cercueil, nappes de clavier discrètes et insidieuses qui vous enveloppent d’un brouillard à la fois funéraire et angoissant, l’ambiance est posée. Le tout sonne extrêmement sombre et possédé, renforcé par une basse très présente qui nous enfonce six pieds sous terre, avec un son certes un peu moins étouffé et plus « clair » mais plus puissant que sur les opus précédents. Ce mélange indéfinissable de death, de doom et de black nous file à la fois la chair de poule et la trique, nos peurs se réveillant en même temps que nos instincts les plus primaires dans la pénombre aveugle et rassurante du noir le plus total.
L’exploit de
Desolate Shrine, c’est finalement de proposer une musique hermétique et opaque qui se veut paradoxalement assez accessible tant elle est composée intelligemment et sème insidieusement le long de ces 58 minutes de discrets éléments mélodiques qui nous font épouser plus facilement la cause ignoble des ténèbres (les claviers d’Unmask the Face of False, l’arpège qui ouvre The Graeae, la plage d’orgue purificatrice de …Of
Hell en sont les exemples les plus évidents). Distinguons Unmask the Face of False, titre de 10,17 minutes aux relents glacés de funeral doom, qui s’ouvre sur cette plainte aussi mystérieuse qu’angoissante avant de se fendre en saccades de guitares lourdes et vomitives intensifiées par les secousses de la basse. Puis l’ambiance se fait plus impalpable, presque spirituelle, et le trio évolue dans des sphères plus hypnotiques, rappelant un improbable mélange d’
Imperial Triumphant et de
Morgion, avec ces mélodies de clavier fantomatiques et cette majesté déchue qui flottent dans le vacuité désolée de ces boyaux souterrains.
En conclusion, Delivrance from the
Godless Void est une fois de plus une admirable réussite dans la discographie des Finlandais, ajoutant une nouvelle pierre d’obsidienne à l’édifice de
Desolate Shrine qui semble d’ores et déjà s’annoncer comme un monument fier et indestructible du death metal. A recommander chaudement à ceux qui n’ont pas peur de se délivrer des illusions fallacieuses d’un Dieu faible et inutile et de se retrouver seuls avec eux-mêmes dans des ténèbres désespérément vides.
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