A l'heure où sévissent les cadors de cet espace metal –
Nightwish,
Epica,
Within Temptation et
Xandria en tête de cortège –, les nouvelles recrues n'ont qu'une marge de manœuvre limitée pour tenter de faire entendre leur voix. Conscient de cet état de fait, c'est sans complexe mais non sans prudence que ce groupe allemand originaire de Chemnitz se lance dans l'arène ; cofondé par le guitariste Sören
Eyes, la chanteuse Ines Mardon (Dilechmoor) et le batteur Jörg Meyer (dit ''Josch'') en 2005 – après leur départ du groupe de dark gothique allemand
Felsenreich –, le combo ne sortira son introductif et présent album studio, «
Delights and Tears », que trois ans plus tard. Ce faisant, les 12 pistes que compte la galette autoriseraient-elles le collectif teuton à rejoindre les sérieux espoirs d'un registre metal symphonique à chant féminin que l'on sait être en proie à une sévère concurrence ?
A cette première aventure, participent également Alex Senf, à la guitare, Martin Schüller, à la basse et Dennis Hartzsch (ex-
Felsenreich), aux claviers et au chant clair. Le sextet ainsi constitué nous immerge au cœur d'un environnement rock'n'metal symphonique gothique et progressif doublé d'une touche pop-rock mélodique et atmosphérique calibrée 70s/80s ; un set de compositions fusionnant habilement les styles convoqués, dont les sources d'influence seraient à chercher du côté de
Xandria,
Sirenia,
The Gathering, All About Eve,
Therion et Caravan. Se dessine alors une œuvre à la fois rayonnante, enivrante et pétrie d'élégance, laissant entrevoir une technicité instrumentale bien huilée et des mélodies, certes, déjà courues mais des plus engageantes, renvoyant à la féconde inspiration de leurs auteurs. Enregistrées au EOR Mediastudio, à Chemnitz, les quelque 58 minutes de la rondelle ne concèdent que d'infimes sonorités résiduelles ; un mix bien ajusté et des arrangements orchestraux aux petits oignons complètent la panoplie, contribuant de fait à rendre la traversée des plus agréables. Autant de qualités nous intimant d'embarquer sans plus attendre à bord de l'imposant navire...
La troupe interpelle, tout d'abord, par son habileté à concocter de sémillantes séries de notes, aptes à rester durablement inscrites dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan. Ce qu'elle prouve, en premier lieu, à la lecture de ses passages les plus enfiévrés. Ainsi, c'est cheveux au vent que l'on parcourra « Under the Same Sun , mid/up tempo rock'n'metal gothique aux riffs crochetés, dans le sillage de All About Eve ; introduit par un fin legato à la lead guitare, et disséminant de vibrants couplets relayés chacun d'un entêtant refrain mis en habits de lumière par les fluides ondulations de la belle, dans la veine de Julianne Regan (All About Eve), l'entraînant effort poussera à un headbang subreptice. Dans cette dynamique, l'aérien et cadencé «
The One » aspirera le pavillon tant par l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre et la ferveur de son groove que par son vibrant solo de guitare. On pourra encore retenir l'énigmatique et ''xandrien'' « Purple Rivers », au regard de ses chatoyantes sonorités orientales et de son énergie aisément communicative, l'endiablé « Your Fear », eu égard à la soudaineté de ses grisantes accélérations et à la lumière d'un invitant refrain, ainsi que le trépidant «
Lost in the
Past », pour sa jovialité et ses jolis effets de contraste rythmique.
Dans une perspective progressive, le combo trouve non moins les clés pour nous aspirer dans la tourmente, loin s'en faut. Ainsi, recelant de délicats arpèges au piano en guise d'entame, paré d'un éblouissant solo de guitare à mi-morceau, auquel succède une insoupçonnée et grisante gradation du corps orchestral, et mis en exergue par les cristallines inflexions de la sirène, «
Persephone's Light » se pose tel un poignant low/mid tempo rock'n'metal atmosphérico-symphonique, à la confluence de
Xandria,
The Gathering et All About Eve. Dans une même logique, on ne saurait davantage éluder le ''therionien'' mid tempo progressif « Ask » eu égard à son caractère enjoué, à ses enchaînements intra piste ultra sécurisés et à un refrain immersif à souhait, relevé par un duo mixte en voix claires en parfaite osmose ; éminemment organique et écourtée par rapport à l'originale, la version remix de ce titre un brin cadencé se mue alors en un low tempo aussi velouté qu'enivrant. Et la sauce prend, là encore. Dans une visée rock progressif, cette fois, et non sans rappeler Caravan, le low/mid tempo « Hopes » se voit à la fois encensé par les limpides oscillations de Denis et pourvu d'une sente mélodique finement esquissée et des plus enveloppantes.
Quand ils nous mènent en des espaces ouatés, nos compères en profitent pour nous adresser leurs mots bleus les plus sensibles. Ce faisant, la petite larme ne saurait tarder à perler sur la joue du chaland sous l'impact des poignants schèmes d'accords dont se nourrit «
Onyx Eyes », ballade pop-rock progressive d'une sensibilité à fleur de peau. Investi d'un slide à la guitare acoustique tout en légèreté et mis en habits de soie par les troublantes modulations de la maîtresse de cérémonie, l'instant privilégié ne pourra que difficilement se voir esquivé par l'aficionado de moments intimistes. Dans un registre alternatif, un piano/voix masculine d'une confondante fluidité vient nous caresser le tympan sur « Interlude », ballade a-rythmique ô combien délicate et inattendue, dont on ne pourra que regretter la brièveté du message musical délivré. Et comment ne pas se sentir happé par les vibes enchanteresses exhalant des entrailles de «
Siren » ? Cette ballade romantique jusqu'au bout des ongles, aux airs d'un slow qui emballe et aux relents vintage, à la confluence de Caravan et All About Eve, est, elle, portée par deux vocalistes bien habités et en totale symbiose. Et la magie opère, une fois encore.
Résultat des courses : le sextet allemand nous plonge au sein d'une œuvre à la fois solaire, intimiste et des plus engageantes, se savourant à chaque fois davantage au fil des écoutes. Variant ses phases rythmiques et ses ambiances à l'envi, calé sur une ingénierie du son de bonne facture et essaimant des lignes de chant difficiles à prendre en défaut, cet opus se suit de bout en bout sans encombre. Toutefois, pour espérer l'emporter plus largement ou, pour le moins, combler les attentes d'un tympan déjà familiarisé avec les grandes signatures de ce registre metal, il conviendrait que nos acolytes diversifient davantage leurs exercices de style qu'ils ne l'ont consenti, instrumentaux et fresque manquant cruellement à l'appel, qu'ils consentent à l'une ou l'autre prise de risque et s'affranchissent progressivement de leurs sources d'inspiration. Cependant, une heureuse fusion de styles, une technicité instrumentale bien maîtrisée et des mélodies aisément immersives sont à mettre à l'actif du combo teuton, concourant, de fait, à le hisser dores et déjà parmi les sérieux espoirs de ce registre metal. Bref, un essai aussi chatoyant qu'éclectique en guise de message de bienvenue, qui pourrait bien n'être que la première page d'une histoire au long cours...
Note : 14,5/20
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