Wormfood est un groupe à part dans l'univers
Metal Français. Pour ainsi dire, il est quasiment impossible de coller une seule étiquette, si ce n'est celle de l'hybridation du Death
Metal parmi de très nombreux débordements stylistiques, mais gardant comme trame scénaristique son style très théâtral atypique, entre cirque humain et autres déviances, où la
Mort domine ce monde extrêmement torturé que l'on appelle ... La vie. Sombre, ironique et inspirée. Une personnalité propre qui colle à
Wormfood, quel que soit le style adopté.
Après avoir opté pour un style radicalement différent avec «
Posthume », Emmanuel Lévy, seul rescapé de la formation originelle, et
Apathia Records décidèrent de dépoussiérer le premier disque de la formation : «
Eponyme », sorti en 2002 à plus ou moins 250 exemplaires. Autant dire que le disque est quasiment devenu introuvable. Mais ce n'est pas tout. Hormis la remasterisation de l'album par Axel Wursthorn (ex-
Carnival In Coal, où Lévy a joué) au " Walnut Groove Studio ", l'album contient le concert du groupe au
Blast Fest de 2005 ainsi que deux reprises de
Type O Negative et Serge Gainsbourg, deux artistes ayant largement influencé la musique du groupe. Le tout savamment nommé « Decade(nt) ». Nous avons donc affaire à 18 titres retraçant chacun une partie de la vie du groupe.
«
Eponyme » est le premier souffle de vie de
Wormfood. De ce fait, le groupe adopte un style complètement différent d'aujourd'hui. La décrire est particulièrement difficile, on pourrait dire que nous avons affaire à un mélange sauvage de Death, de
Doom, de Black, d'une intense touche groovy et de nombreuses sonorités
Dark et Industrielle, tout cela avec un côté extrêmement avant-gardiste et débridé, n'hésitant pas à franchir les barrières de la provocation. Le chant d'Emmanuel est très régulièrement growlé, mais toujours empreint de folie glaçante, n'empêchant pas quelques lignes déclamées presque clairement afin d'insister sur le côté très théâtral de l'œuvre.
L'introduction «
Carpathian Carousel » nous fait pénétrer dans cet inquiétant train fantôme. Des cris, des rires pervers, le bruit de ce wagonnet grimpant les rails de l'attraction et «
Human Circus » débute. Les guitares lourdes se taisent parfois pour laisser la basse prendre le devant, le chant d'Emmanuel se fait excessivement sombre, les régulières plages de silence apposées aux morceaux n'en sont ainsi que plus inquiétantes. L'alternance de voix anglaise/française nous pousse davantage à rentrer dans ce cirque dégénéré.
Au fond, «
Eponyme » peut être vu comme la version démo des titres de «
France », «
Human Circus » pour le « Miroir de Chair » ou bien la
Doom et incantatoire «
The Dead Bury the
Dead » pour « ? = Ø » à la basse martiale et aux toms résonnants. Il est particulièrement difficile de trouver ses repères, le groupe jouant un
Metal extrême n'étant pas dans la puissance brute, préférant davantage son atmosphère glaçante et très gothique, comme la bande sonore de la folie pure, comme pour la dérangée «
Abortion Exit », entre pleure de bébé, chant clair très agité et growls complètement fou. Les touches électro du début ou la présence d'orgue insisteront davantage sur l'impression d'écouter un groupe qui était alors en recherche de son style.
Orgue que l'on retrouvera sur la surprenante « The
Night of the Elderly » contenant une version plus Rock de « Dans la Halle du Roi de la Montagne ». Ce n'est pas vraiment
Doom, ni Black, ni Death. C'est rapide et extrême, sans jamais être brutale. Toujours électronique sur les breaks et accompagné d'orgue. Et quitte à rentrer de plein-pied dans le lugubre, « Licking the
Bones » propose une inspiration presque Black Symphonique, des couplets hystériques de cris en tous genres et des passages plus " posé " de symphonie et de guitares torturées.
Il y a peu de respiration à prendre dans l'univers malsain du groupe, hormis la perverse « Grandpa's Remission ». Un fond sonore avec la musique de « Douce Nuit », un rythme cardiaque qui s'accélère et un souffle dans un respirateur qui s'emballe. Il y a aussi des titres plus " classiques " comme la davantage Death « Hunger
Anger », ses bruitages dérangeants et ses chœurs célestes ou encore le groove particulier de « Schlachthaus ». Voix d'outre-tombe et passage de basse extrêmement groovy, particulier, mais très intéressant. Puis l'album s'arrête sur l'atmosphère bruitiste et assourdissante de « Acouphène »... «
Eponyme » est un disque intéressant à plus d'un titre.
Outre le caractère collector de la chose, il est intéressant de suivre l'évolution musical de l'ensemble, aussi éloigné que proche de «
France ».
Place à la deuxième partie : le live ! Quand on sait que le groupe est relativement rarement sur les planches, c'est tout de même agréable de se plonger dans l'univers grand-guignolesque de la bande à El Worm, même en CD. Pour le live, on retrouvera cinq titres de «
France » avec un son très correct (quelques mini-soucis, mais rien d'énorme). L'ambiance est extraordinaire, le public est très réactif, Emmanuel haranguant la foule avec malice et énergie, insistant encore et encore sur l'atmosphère théâtrale du tout. Au final, intégrer ce concert est une très bonne idée, ressentir la manière dont
Wormfood fait vivre ses multiples ambiances et sa farandole de titres extrêmement élaborés sur scène est grisante.
Dernière partie de l'album : les reprises. Deux artistes, deux influences majeures de
Wormfood. La première concerne
Type O Negative. Le groupe du regretté Peter " Steele " est une énorme source d'inspiration du groupe. Au terme de 12 minutes d'ambiance,
Wormfood s'approprie le « Christian Woman » des Américains. Une saveur orientale, des chœurs féminins et arabisants, de nombreux passages en français, davantage ancrée dans le
Metal actuel des Rouennais ...
Wormfood s'éloigne finalement de l'œuvre originale pour intégrer parfaitement cette reprise à l'univers des vers. Douze minutes à la fois sombres et poétiques, à découvrir. Pour « La Decadanse », on touche un air beaucoup plus calme mais empli de malaise, entre
Doom et Gothique... Un choix très audacieux, à la convenance de chacun.
Cette réédition ne se moque pas de nous ! Pouvoir revenir à l'origine et au premier balbutiement de ce groupe complètement barré est totalement délicieux, la rétrospective est véritablement intéressante et la progression dans les différentes parties de l'album plutôt instructive.
Wormfood est comme un grand cru, il faut lui laisser le temps pour le déguster de la meilleure des manières. Et pouvoir (re)découvrir «
Eponyme » près de dix ans après est vraiment une excellente idée de la part d'
Apathia Records.
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