Quiconque s’intéresse un minimum à la scène black française a forcément entendu parler de BST, membre incontournable et hyperactif de l’underground parisien qui a évolué ou évolue encore dans une foultitude de combos reconnus (
Aosoth, Maleficienta,
Aborted,
Balrog,
Garwall,
Genital Grinder,
The Order of
Apollyon). Les amateurs de black hexagonal ont donc eu de quoi se réjouir quand ils ont appris que le fameux bassiste avait décider de s'allier au non moins talentueux INVRI, compagnon d'armes chez
Aosoth et ex membre d'
Antaeus, pour former une nouvelle entité impie et destructrice.
VI, c’est comme ça que s’appelle la bête, ne perd pas de temps et sort l’année suivante une démo qui rencontre un franc succès, lâchant un black iconoclaste, ravageur et dissonant. Après un split avec
Aosoth (tiens tiens !) en 2010, long silence radio, et ce ne sera finalement qu’en 2015 que le groupe opérera son grand retour et sortira son premier full length,
De Praestigiis Angelorum, continuation logique de l’EP de 2008 tant dans la thématique que dans la musique.
Sur ce nouvel opus, tous les éléments qui faisaient de VI un groupe extrême et atypique ont été poussés à leur paroxysme : l’ensemble est très rapide, violent et dissonant, avec des riffs tranchants comme des lames de rasoir, des vocaux agressifs et haineux et un batteur infatigable (c’est tout juste si on remarque que la boîte à rythmes a été remplacée par Blastum tellement le jeu du bougre est rapide, millimétré et mécanique, la ressemblance étant entretenue par un son volontairement très froid et synthétique qui pourra en gêner certains).
Après une intro religieuse et bruitiste qui nous plonge directement dans l’ambiance, Par le Jugement Causé par ses Poisons nous agresse d’emblée sur un blast soutenu, des guitares acérées qui sifflent comme un essaim de mouches bourdonnant sur une plaie, et la voix hurlée de INVRI. Sur certains passages, les riffs se tordent à l’extrême, nous vrillant les tympans et nous ébranlant le cerveau avec une violence inouïe, avec une batterie qui se fait plus larvée, muant les assauts de la caisse claire en un tapis de double pernicieux mais tout aussi meurtrier. Le titre est long, déroulant un chaos destructeur savamment organisé, et prenant le temps d’instaurer quelques ambiances plus sulfureuses et rampantes sur quelques ralentissements qui donnent l’illusion à l’auditeur damné d’avoir un moment de répit.
Une Place Parmi les Morts, nous prend directement à la gorge, avec ces riffs tournoyants à nous foutre la nausée et ce matraquage de batterie lourd qui nous affolent et annihilent tous nos repères. La fin du morceau est plus pernicieuse, avec ces arpèges lancinants qui étiolent leurs notes malades jusqu’à l’insanité, et ces larsens brefs et vibrants qui ne parviennent pas à recouvrir pleinement ces quelques chuchotements impies.
De Praestigiis Angelorum sonne parfois comme un black indus crade et dégénéré qui expurge impitoyablement tout élément humain de sa musique, notamment via ces dissonances insoutenables, dont l’apogée s’incarne dans le début malade de Voilà L’Homme Qui Ne Te Prenait
Pas Comme Seigneur, et cette batterie implacable de vitesse et de régularité qui confèrent à ces 46 minutes de destruction glaciale une aura de folie et de dévotion palpable ; de même, sur certains passages, on sent une sorte d’exaltation guerrière et sauvage rappelant parfois
Crystalium (le riff terriblement enivrant de Par le Jugement Causé Par ses Poisons, les boucles de guitares aussi martiales que lancinantes de La Terre ne Cessera de se Consumer, qui nous étourdissent et nous élèvent en même temps). Quoi qu’il en soit, une chose est claire, VI ne vise qu’à la destruction et au chaos, aidé par les terribles blasts de Blastum et cette cascade de petites note vicieuses et stridentes vomies par une guitare possédée qui virent volontiers en larsens bruitistes pour mieux nous lacérer les chairs.
Néanmoins, le groupe distille intelligemment quelques passages plus calmes et hypnotiques, misant sur la répétition de quelques notes simples et prenantes pour mieux nous envoûter ou crachant une pluie de notes aigues aux mélodies fêlées (le break mid tempo envoûtant de Regarde tes Cadavres car Il ne Permettra
Pas Qu’On les Enterre, la fin de Voilà L’Homme Qui Ne Te Prenait
Pas Comme Seigneur, et ces longs passages rampants qui égrainent inlassablement les mêmes notes vénéneuses à la fin Il Est Trop
Tard Pour Rendre Gloire, Ainsi la Lumière Sera Changée en Ombre, avec cette explosion de notes confuses et faussement lumineuses qui affole nos sens).
En huit titres et 46 minutes, BST et INVRI ont balancé toute leur haine, et on sort littéralement épuisé de ce
De Praestigiis Angelorum à l’intensité furieuse. L’album, suffocant et hermétique, parfois répétitif et abrutissant par sa violence extrême et ce pilonnage intensif, est difficile à s’enfiler d’une traite, mais les quelques initiés qui parviendront à se plonger dans l’art sombre et décadent de VI auront du mal à s’échapper de cette prison sonore dérangée qui corrompt délicieusement l’âme et le cœur. Il est clair que l’auditeur ne sortira pas indemne d’une telle expérience, mais après tout, ne dit-on pas que la vraie passion ne se mesure qu’à l’aune de la souffrance ? Ecoutez, subissez et jouissez.
Amen.
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