Cela fait tout de même vingt ans que
Cryfemal sévit sous la bannière de son « necro mental », un true black metal particulièrement dépressif qui nous enveloppe dans les miasmes étouffants du malaise et du désespoir.
Evoluant d’abord sous le patronyme d’Agaliareth, et enregistrant de nombreuses démos assez confidentielles, ce n’est qu’en 2003 que le one-man-band madrilène sort son premier full length et commence à se faire connaître, produisant dès lors régulièrement de très bons albums d’un black toujours extrêmement noir et négatif, suintant un malaise aussi morbide que fascinant.
C’est désormais sur
Osmose que
Cryfemal sort son septième full length,
D6s6nti6rro, après une longue hibernation de quatre ans, et Infestacion nous saute directement à la gorge, sans aucune sommation, comme pour nous montrer que la Bête est toujours bien vivante, avec ces riffs sales, hypnotiques et malades, ces blasts explosifs, et les vocaux damnés d’
Ebola qui hurle sa peine et sa douleur comme un possédé. Le rythme est varié, les guitares, noires et roulantes, nous envoûtent de leurs notes damnées pour un excellent premier titre, rapide, étouffant et sans concession.
S’ensuit Atmsofera de
Tristitia, morceau très atmosphérique qui s’ouvre sur un arpège à la simplicité touchante, des choeurs féminins évanescents, apparitions angéliques fugitives comme égarées par hasard dans ce charnier de mort et de désolation, et le roulement métronomique de la batterie qui emporte ces guitares à la mélodie plaintive, belle et déchirante, presque insoutenable. Le rythme est lent et traînant, rappelant les lentes oscillations d’un pendu au bout de sa corde, mais le plus impressionnant reste la voix déchirée d’
Ebola, très expressive dans les émotions insanes qu’elle véhicule, pitoyablement humaine.
Ces deux premiers titres montrent idéalement les deux facettes complémentaires de Cryfemalentre accès brutaux de folie et de haine et longues plaintes d’agonie vibrantes de douleur.
Le son est excellent, Necromorbus oblige, le coulis bourdonnant des grattes et de la basse érigeant un mur de distorsion sale et abrasif qui nous noie dans un océan de négativité particulièrement claustrophobe, nous donnant l’impression d’être enterré vivant dans un cercueil.
D’ailleurs, excellent point qui rehausse fortement cette ambiance brumeuse et désolée, la basse est bien mise en avant et parfaitement audible, nous offrant des parties extrêmement mélancoliques qui ajoutent à la profondeur et au côté émotionnel de la musique.
Pour le reste, Bornyhake, recruté comme batteur de session, tape, imprimant au fer rouge dans nos âmes possédées ce blast mid tempo, lourd et moribond, et de ces guitares de suie s’élève des riffs fantôme à la majesté grandiloquente et désolée qui nous fait vaciller.
Le seul reproche qu’on peut faire à
D6s6nti6rro, c’est ce côté très linéaire qui se dégage de ces 39 minutes extrêmement compactes, la voix d’
Ebola ne variant pas beaucoup, et la batterie se contentant d’imprimer le rythme sans grande variation, usant trop souvent de tempi similaires.
On peut aussi s’interroger quant à l’agencement des titres, l'Espagnol choisissant d’enchaîner BajoAstral, Ultima Palabras, et Perdido No Cemiterio, trois des titres les plus longs, lents et mélancoliques de la galette, ce qui donne une fin d’album redondante qui s’essouffle et manque d’intensité. Heureusement que Espectros de
Belmez vient clore l’enregistrement de belle manière, avec un rythme plus rapide et des parties de guitares envoûtantes et lancinantes. On a même un break central aérien où l'artiste fait entendre un chant clair apaisé et païen qu’on ne lui connaissait pas.
En définitive,
D6s6nti6rro est encore un bel album qui honore dignement les vingt ans de carrière de
Cryfemal. Le tout n’est pas exempt de défauts, proposant notamment un enchaînement maladroit de ses pistes et ne parvenant pas à éviter quelques redondances, mais l’ensemble reste d’une intensité maladive qui devrait séduire tous les amateurs d’un black metal déchiré et émotionnel fleurant bon la dépression. A écouter dans un cimetière un soir de pleine lune pour profiter pleinement de ses aigres fragrances de charnier.
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