Une fois n’est pas coutume,
Onirism est un one man band qui porte bien son nom. Voyant le jour en 2014 sous l’impulsion d’Antoine Guibert, musicien reconnu sur la scène black hexagonale puisqu’il officie également chez les confrères de
Kerifern et de
Belenos, ce projet solo laisse de côté l’étiquette pagan et les inspirations celtiques pour se concentrer sur un black symphonique et atmosphérique qui nous fait délicieusement voyager dans un monde de brumes, de rêves et de chimères. Ce premier rêve cosmique, à la pochette mystérieuse illustrant à merveille le contenu du disque, nous emporte durant 76 minutes dans un univers fantastique et coloré le long de compositions riches, épiques, mélodiques et sensibles.
On commence doucement avec une intro de 4,08 minutes, Purple Sky, s’ouvrant sur quelques notes cristallines et lointaines que viennent bientôt renforcer les sanglots mélancoliques d’un violon. Puis ce sont ces percussions, feutrées et aériennes, et ces chœurs célestes, qui viennent renforcer cette impression de sérénité et d’élévation spirituelle qui se dessine plus précisément au fur et à mesure que le morceau avance, avec ces claviers apaisants qui nous emportent loin du tumulte de ce monde terrestre et nauséabond. Une lente et paisible montée progressive qui débouche sur Beginning of A New Era, pièce épique par excellence, qui s’ouvre sur ces cuivres rutilants un brin kitch à la
Oath of Cirion et enchaîne sur plus de six minutes d’un black symphonique de haute volée, où riffing black et envolées des claviers s’équilibrent parfaitement, avec une alternance appréciable de passages blastés et agressifs et de plages instrumentales plus introspectives (la fin de The
Old Man et ses envolées guitaristiques célestes, le long break central de Weavers of Time, mêlant piano et guitares larmoyantes avec une sensibilité presque complaisante).
D’ailleurs, il se dégage de certaines pièces une touche cinématographique particulièrement bien rendue, et on appréciera que sur cette galette les différentes introductions et interludes soient des morceaux à part entière, qui plus est très réussis, et qui apportent beaucoup à l’ensemble en terme de cohérence et d‘ambiances (le début de The
Old Man avec cette plage de clavier sombre aux relents dramatiques, le superbe Epehemeral World I avec ces parties orientales de toute beauté qui dégage une chaleur lascive et lénifiante, At the
Heart of the
Desert For the
Eternity, que l’on croirait sorti d’une grande saga épique).
Antoine Guibert maîtrise incontestablement son sujet, et on sent qu’il a beaucoup écouté les maîtres du genre même s’il parvient à restituer une musique finalement assez personnelle : outre l’influence inévitable des précurseurs que sont
Obtained Enslavement dans cet art parfaitement ciselé équilibrant à merveille côté cru du black et atmosphères enivrantes (les plages virevoltantes de clavier sur The
Curse of
Ahriman, la majesté grandiloquente de Weavers of Time), on retrouve parfois la folie décomplexée et épico-fantastique d'un
Bal Sagoth (même si le Français reste toujours bien plus sobre), ainsi que la lenteur solennelle et fantastique d’un
Summoning lors de ces passages contemplatifs rehaussés de ces cuivres guerriers et de ces claviers envoûtants qui enveloppent le voyage de cette brume épique (Epehemeral World II, qui fait aussi beaucoup penser à
Sear Bliss au début).
Ce côté solaire, élevant l’âme de l’auditeur et le perdant dans les méandres d’un univers apaisé, loin du tumulte humain et des préoccupations matérielles, peut également faire penser à l’art noir de Fanisk, même si, musicalement comme thématiquement, le one man band français n’a rien à voir avec le duo américain et son idéologie nauséabonde. Non, à l’instar d’un
Obsidian Gate, dont la musique est d’ailleurs parfois assez proche dans cette complexité symphonique,
Onirism s’attache avant tout à mettre en musique le rêve, le voyage spirituel, et la suggestion d’un espace lointain et fantastique.
La production, comme souvent dans ce genre de metal, fait la part belle aux orchestrations et aux claviers, laissant la voix, aiguë et écorchée, agir en fond comme un instrument à part entière, ainsi que la boîte à rythmes un peu en retrait afin que les nombreux blasts n’étouffent pas le reste des instruments et que la dimension symphonique nous emporte plus facilement dans son tourbillon de notes ébouriffant.
A ce propos, on appréciera qu’
Onirism ne fasse jamais dans la surenchère et sonne toujours juste, malgré des compos s’élevant souvent à plus de sept minutes et un ensemble de quand même 72 minutes, et que les différentes couches sonores ne nuisent pas à la fluidité de l’ensemble qui garde une belle cohérence grâce au parti pris du musicien qui mise de façon évidente plus sur les mélodies et les atmosphères que sur la violence pure.
Que dire de plus ? On pourrait largement s’attarder sur une telle œuvre, chacun des douze titres composant l’album étant suffisamment riche et varié pour mériter un paragraphe à lui seul. Nous nous contenterons de conclure que ce
Cosmic Dream est une excellente réalisation, qui, sans être d’une originalité à toute épreuve, présente un art noir symphonique parfaitement maîtrisé et largement inspiré. Une réussite qui ne passe pas loin du coup de maître, surtout lorsque l’on sait que ce que l’on a entre les mains n’est qu’une première réalisation.
Onirism s’impose d’ores et déjà sur la scène symphonique française comme un groupe à suivre de très près, car son prochain opus, s’il parvient à gagner un peu en puissance et en personnalité, pourrait être littéralement un chef-d’œuvre. Et inutile de préciser qu’avec un tel patronyme, le rêve est plus que permis…
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