Liste des groupes Death Metal Abyssal Ascendant Chronicles of the Doomed Worlds - Part II. Deacons of Abhorrence

"That is not dead wich can eternal lie" : cette citation résume bien l'impact qu'a l'œuvre du maître de Providence, H.P. Lovecraft, sur la scène metal actuelle. Et en particulier les groupes de Death metal, qui récitent, parfois jusqu'à l'écœurement, leur petit Cthulhu illustré. Alors comment se démarquer de cette masse fuligineuse et cyclopéenne, surtout si on pratique un death plutôt orienté années 90 ? Tout simplement en proposant de la bonne musique pardi !!

Formé en 2012 dans l'Est de la France , Abyssal Ascendant sort rapidement un EP en 2013 ("Unleashing the Outer Plagues") et le full-length "Chroniques of the Doomed World – Pt1 : Enlighment from Beyond" en 2015. Paru chez Dolorem records (label de bon goût qui produit aussi Nephren-Kâ et Slave One), cet album reçoit un bon accueil sur les sites spécialisés. Fidèle au label et après s'être étoffé en 2017 en incorporant Lucien, second guitariste, le duo non euclidien Flo (voix, guitare) et Fanny (basse) replonge en 2020 dans les abymes tourmentées pour composer la suite des chroniques, intitulée "Deacons of Abhorrence".

"Offering Flesh to the Stars", premier des 9 titres proposés ici, débute sur une intro symphonique et légèrement orientale que ne renierait pas Blind Guardian. De courte durée, elle laisse place à un mid-tempo ravageur et écrasant, dans la lignée de ce que proposait Morbid Angel période "Gateways to Annihilation". Les étoiles carnivores se régalent d'un riffing fouillé sur fond de double grosse caisse et d'une accélération vicieuse en fin de morceau. Le growl de Flo s'avère lui aussi convaincant, passant d'un guttural profond à des intonations proches des vociférations de John Tardy.
"The Church of Free-Will" se base sur le canevas similaire d'un puissant mid-tempo maléfique. Il permet aussi de saisir les recherches et la connaissance de l'univers lovecraftien animant le groupe. S'éloignant des sempiternels R'lyeh et autres "Cthuluh fhtagn", il préfère rôder dans les cryptes des nouvelles et écrits moins connus du mythe (Lovecraft et consorts) pour trouver l'inspiration des titres et paroles.

Bien lancé, le groupe s'appuie sur le jeu carré, subtil et puissant de Krzysztof Klingbein, batteur de session qui abat ici un travail remarquable. En atteste la doublette "Dissolved into the Great Hive of Shaggai's Progeny" et "The Dweller Awakens" qui, grâce à leur durée, permet à Abyssal Ascendant de démontrer de grandes aptitudes dans l'écriture de morceaux. Le riffing riche, dont certains agencements rappellent l'immense Robert Vigna (Immolation), est réhaussé par la basse de Fanny, bien présente et charnelle telle une entité rampante. La même Fanny qui renforce de ses cris typé black certaines lignes de chant pour un effet garanti. Farcie de breaks, de fluctuations d'ambiance et d'entrelacs rythmiques, la musique proposée ici nécessite des écoutes successives pour bien saisir ses nombreuses nuances.

Le combo poursuit encore plus avant son élaboration d'ambiance sur l'imprononçable (et difficile à écrire) "NILGH'RI VULGT'MAH EH'YEOG UH'EOG". N'ayant pas sous la main mon Necronomicon de poche, je n'oserai la traduire mais nul besoin de grimoire pour décrire la richesse de ce titre. La superbe incorporation d'un passage symphonique au sein de ce morceau assez violent évoque les meilleurs travaux de Nile. Assurément un des meilleurs titres de cet album à mon goût.
Cette direction est d'ailleurs entérinée sur "Wombs of Torment" un peu plus loin sur l'album, enjolivée de brillants soli de guitares et de chœurs fort à propos.

La dimension rapide et brutale chère au death metal n'est pas occultée grâce à la terrible "Martyrs of Morddigian" qui fera son petit effet dans les pits qu'on espère retrouver très vite. Et pour le sabbat ultime des diacres de l'horreur, le groupe lâche le brutal "Coven of Agony" et conclut son récit sur des notes synthétiques, réminiscences du chaos cosmique d'où ont émergé les Très Anciens.

Supervisés par Steph Tanker et Mobo, l'enregistrement et le mastering de l'album mettent en valeur l'ensemble des instruments, tout en conférant une atmosphère subtilement incarnée. Toujours en référence aux indicibles terreurs qui constitue le terreau créatif du groupe, l'artwork de l'artiste italien Daniele Lupidi suggère plus qu'il ne montre, par petites touches qui renvoient aux toiles impressionnistes.

Manifestement au taquet en 2020, Dolorem Records sort, après Slave One, un nouvel atout de sa poche avec ce 2ème album d'Abyssal Ascendant bien charpenté et inspiré. Respectant les codes écrits par les précurseurs tout en y injectant une bonne dose de modernité et de personnalité, il devrait susciter l'intérêt de bon nombre d'amateurs et aider les créatures à répandre l'informulable peur. "S'uhn-ngh athg li'hee orr'e syha'h", qu'on se le dise !!