Liste des groupes Metalcore Ashen (FRA) Chimera

Dans le petit monde du metalcore, il y a un nom qui a tendance à revenir de plus en plus souvent en ce moment, celui d'Ashen : les frenchies sont actifs sur plusieurs fronts, sur scène, et maintenant avec un premier album, "Chimera". Le groupe mené par son frontman Clem Richard avait jusque là mené sa barque un single après l'autre, puis un EP, avec à chaque fois une vidéo n'ayant pas à rougir de la concurrence, même si elle était faite avec les moyens du bord. Ashen aurait tout aussi bien pu tout compiler pour en faire un premier long format, mais tant qu'à enfin sauter le pas, le groupe a choisi de mettre en boîte un véritable album. Les parisiens se sont mis à composer et enregistrer en mode marathon, se jetant à corps perdu dans la construction musicale et l'enregistrement.
Leur premier album, qui devait sortir au printemps, à été retardé à l'automne, ce qui n'a pas empêché Ashen de tourner, avec un passage remarqué au Hellfest 2025, adoubé par un feat sur scène de Will Ramos de Lorna Shore. "Chimera" est enfin paru le 12 septembre 2025 chez Out Of Line, avec une très belle pochette sculpturale, qui mélange le classique minéral et le futuriste.

Sur "Chimera" comme il l'a fait par le passé, Ashen montre un double visage, avec un metalcore émotionnel par la voix de son chanteur Clem en butte à un environnement sonore à la modernité étouffante, pouvant soudain devenir sauvage et brutal en essayant de pousser la rage et le high gain à fond, façon Slipknot voire presque Slaughter To Prevail ( la fin de Crystal Tears ", ou "Cover Me Red"). Les refrains addictifs sont la marque de fabrique du quatuor, comme celui du morceau titre "Chimera", ou de "Sacrifice" qu'on on a instantanément envie de chanter en chœur. C'est à mon avis un des trucs qui a bien fait monter la mayonnaise lorsqu'ils étaient sur la Mainstage du Hellfest...
La progression des morceaux montre une maturité d'écriture : Ashen prend parfois le temps de les développer sans chercher à surprendre absolument, sur "Meet Again" par exemple. Leur musique est à la fois simple par ses hooks évidents et ses gros riffs, et complexe par les multiples couches de guitares et de plages de bidouillages séquencés. Chaque titre a sa direction propre, et forme un tout qui illustre le thème de la chimère, ici une entité du moi qui pousserait vers un idéal utopique, le tout dans une ambiance moderne et dystopique. Cela se distille dès la courte intro "You Were Always Here", et un "Chimera 's Theme" aux couches qui se croisent et s'entremêlent comme des nuages cybernétiques, et se poursuit jusqu'à la fin de l'opus avec le morceau aérien "Clone of a Clone".
Cet album varié et haut en couleurs n'affiche aucune des tares de jeunesse qui affligent les premiers albums. Même lorsqu'il se fait un peu moins convaincant sur "Oblivion", par exemple,un solo lumineux et excellemment construit vient illuminer la composition et lui apporter un point qui attire l'attention, comme quand on ajoute une montagne en dessinant la ligne d'horizon d'un paysage.

Niveau chant, Clem confirme toute l'étendue de ses capacités. Sa versatilité, sa justesse et ses nuances sont impressionnantes : la voix claire varie les intonations, le jouet d'émotions qui ne demandent qu'à sortir. Les explosions de screams visent l'effet destruction de cordes vocales, mais on sent qu'il ne risque pas de se flinguer la voix : il en maîtrise toutes les techniques pour hurler à foison, et en profiter autant qu'il peut.
Le domaine rythmique mélange une batterie très groove, avec pour Tristan Broggia de nombreux changements de rythmiques et breaks efficaces, et un fourmillement de beats et samples qui étoffent la musique percussive, comme si l'humain était déconstruit/reconstruit par des machines.
La basse est finalement assez discrète et remplit bien son rôle d'élargir l'assise du mur du son, tout en collant au kick pour le grossir encore un peu plus.
Les guitares sont assez foisonnantes, mais se rejoignent pour faire de gros murs de grattes bien heavy ; le guitariste rythmique Antoine Zimer et le lead Niels Tozer utilisent à plein les différences de leur jeu, particulièrement sur les couplets, pour étoffer les riffs. Par contre, avec toutes les couches superposées les unes sur les autres, avec en plus claviers et samples, je trouve que par moments, les guitares sont un peu noyées. Quelque part, j'aurais aimé les voir les ente plus en relief, quitte à ce que l'enrobage de couches se fasse plus discret. Cela n'empêche que la production est tout à fait efficace dans le genre gros-son-core-dans-ta-face, surtout lorsqu'arrivent les inévitables breakdowns.

Pour son premier album, Ashen a totalement réussi l'exercice de passer du single après single au format d'un d'un opus au long cours . "Chimera" est parfaitement construit, abouti et cohérent. On savait le groupe ambitieux et perfectionniste au coup par coup, il montre qu'il sait élargir sa vision, et a peut mener à bien un tel projet, et relever la tête du guidon. Il me semble évident que le groupe en a encore sous la pédale, et est capable de faire encore mieux en matière d'écriture, peut-être en élaguant les couches d'effets et samples pour être plus efficace... Aussi, couvrant plusieurs styles, il se garde toutes les options ouvertes pour évoluer.