La rareté rend encore plus précieux le contenu …
Il est vrai que
Hacride n’est pas de ces groupes volubiles dont on ne passerait un mois sans avoir de nouvelles, écumant les pays de concerts ou encore martelant les réseaux sociaux d’actualités constantes, qu’elles soient musicales ou extra-musicales. Non,
Hacride est un groupe rare se faisant désirer, au risque dans notre monde actuel de se faire oublier …
Quand Sam Bourreau quitte le groupe mais que sort "Back to Where You’ve
Never Been", tout le monde fut non seulement rassuré mais époustouflé par la qualité de la musique, son intelligence et le talent de son remplaçant, Luis Roux au chant. Une tournée plus tard, plusieurs annulations, certains membres occupés avec le très prisé
Carpenter Brut puis le silence …
C’est presque par hasard, sans promotion ni support de label et suite aux divagations du net que l’on découvre la sortie de "Chapter I – Incosolabilis", uniquement en dématérialisé. Quatre titres, trente minutes et la promesse d’un album complet pour lui donner une suite.
Le premier rapport au produit est évidemment un artwork toujours aussi étrange et sensiblement dérangeant, dont il est difficile de discerner le réel fond, si ce n’est se faire sa propre interprétation. Quant à la musique, la patte de
Hacride et d’Adrien en particulier est évidente et ce, dès l’introduction lourde et suffocante de "We Do not
Mourn". La production est épaisse et parfaite, une multitude de détails saute déjà aux oreilles de l’auditeur jusqu’à la première intervention vocale de Luis, sublime et solennelle, libéré des instruments, avant que le riff principal ne refasse surface mais en s’étant démultiplié et complexifié, tel un puzzle musical dont les poitevins sont si familiers.
Très progressif dans l’âme,
Hacride continu son exploration dans les limbes d’une musique entre agression et atmosphère, entre riffs lents et glauques et nappes ambiantes laissant libre l’ambiance et l’émotion. Le temps d’un death technique et arythmétique à la
Meshuggah ou
The Dillinger Escape Plan est très loin, tant on sent en
Hacride désormais cette volonté de devenir un alchimiste du son, d’aller plus loin sans aucune restriction de genre ou de style. Ainsi, ce premier pavé trouve en son centre un long passage ethnique où des percussions embrasent des sonorités étranges, le tout supervisé par un chant transcendé faisant presque office de litanie, de prière.
"Treasure this
Pain" suit évidemment cette même direction mais de façon plus instinctive, plus radicale et laisse éclater plus de rage et de noirceur, notamment par l’intermédiaire de Luis qui est décidément un vocaliste impressionnant tant il excelle dans tous les registres. Son chant extrême s’éloigne tellement des standards et des clivages black/death/core qu’il en ressort une identité et une authenticité de plus en plus difficile à trouver dans la musique dites extrême. Florent Marcadet impressionne également derrière ses futs avec un jeu certes complexe mais toujours au service de la musique, parfois intimiste mais parfois plus démonstratif, comme en démontre les multiples cassures rythmiques qui parsèment ce titre. "These Walls
Won’t Tremble Anymore" constitue le second gros pavé du ep, lui aussi sur un mid-tempo très lourd au riff dissonant, évoluant sous nos oreilles pendant presque neuf minutes.
Hacride donne l’impression d’étirer au maximum ses riffs et ses idées, d’une manière complètement logique comme si chaque break, chaque changement de structure, chaque nouvelle inspiration vocale avaient un sens et une raison d’être. A aucun moment le groupe ne parait trop en faire ou tourner en rond, notamment grâce à une superbe production impressionnante de lourdeur mais toujours aérée et équilibrée, notamment dans les passages les plus ambiants. Il est inévitable de mettre l’accent sur le long solo plein d’inspiration de ce troisième titre, rappelant dans l’esprit le long effort de "
Ghost of the Modern World" sur l’opus précédent, définissant qu’un solo n’est pas forcément un étalage de technique démonstrative mais bien un vecteur d’émotion pouvant être plein de feeling.
Le quatuor termine ce premier chapitre sur un titre acoustique, "
Road Oak
Tree", exercice nouveau pour eux mais s’inscrivant parfaitement dans leur esprit musical actuel. On pourrait penser à
Porcupine Tree ou
Anathema mais la personnalité d’
Hacride reste prépondérante. Le chant éraillé de Luis est un délice émotionnel qui permet finalement au groupe de se renouveler là où nous pensions un temps que le départ de son chanteur fondateur serait une épreuve insurmontable.
En attendant, cet ep nous permet non seulement de patienter en attendant le cinquième album longue durée mais aussi de démontrer la bonne santé d’
Hacride, ainsi que son inspiration qui n’est pas tarie. Difficile de savoir de quoi sera fait l’avenir tant les possibilités sont nombreuses. A l’instar de
Klone, dont ils sont proches (création quasiment en même temps, membre commun, originaire de Poitiers…), le groupe vit désormais dans un monde dont lui seul possède les clés. Il est capable d’ouvrir de multiples portes et d’emprunter plusieurs chemins…seule leur inspiration les guidera. Une seule chose est certaine : nous voyagerons avec eux.
Ca fait plaisir de voir le groupe revenir à des morceaux plus longs, progressifs et ambiants, en revanche ils ont l'air de s'être calmés, je trouve la musique plus posée, moins agressive, certains passages m'ont presque fait penser À du Pink Floyd. Ce qui n'est pas une mauvaise chose, mais pas nécessairement ce que j'attendais.
En tout cas ta chronique m'a donné une éclairage différent et l'envie de le réécouter.
Très bonne chronique au passage!
Bon après avoir acquis et écouté l'album en boucle, je rejoins ton point de vue. Cet EP est vraiment une sacrée claque, on ressent à la fois le savoir faire d'Hacride, leur identité reconnaissable entre mille mais avec une saveur différente. Effectivement le groupe semble ici se défaire de l'étiquette de groupe polyrythmique, là où la technique semblait parfois être le propos, elle n'est ici que le support. Je trouve pour ma part des influences d'Opeth, Porcupine Tree et effectivement un peu d'Anathema mais à la sauce Hacride. Les morceaux sont complexes mais tout s'enchaîne à la perfection, chaque morceau est un voyage, une progression logique qui arrive tout de même à nous surprendre à chaque écoute.
Et que dire du chant? Ici exploité parfaitement, plus calme certes, mais qui laisse encore exploser sa rage ca et là. On sent que le groupe a cette fois ci pris le temps d'exploiter le chant de Luis, contrairement à l'album précédent où, bien qu'excellent, il ne reste qu'une pièce rapportée.
Sincèrement si ce groupe avait décidé de s'exporter, de se promouvoir, ils seraient actuellement une référence mondiale du Metal extrême progressif à l'instar de Gojira. Mais le groupe préfère rester discret et se concentrer sur sa musique, ce qui ne le rend que plus admirable.
En tout cas merci encore pour ta chronique.
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