Sur une terre sud-américaine de plus en plus sensibilisée aux vibes des
Nightwish,
Epica,
Within Temptation et autres formations metal symphonique à chant féminin majeures, et notamment au Brésil, en l'absence de quelques précautions et d'un minimum de talent, il devient hasardeux de se lancer à corps perdu dans ce chaudron bouillonnant où sévissent déjà
Silent Cry,
Vandroya,
Noturna,
Errana, parmi tant d'autres. Mais l'envie de se voir exaucer le souhait de rejoindre les valeurs montantes d'un registre en plein essor dans ces contrées est plus fort, et en a décidé plus d'un(e) à s'y coller à son tour. Ainsi, tentée par l'aventure, et surtout habitée par le sentiment de pouvoir ajouter sa pierre à cet édifice metal, l'auteure, compositrice et mezzo-soprano brésilienne Aline Happ fit naître son projet en
2012. En fin d'année, le jeune artiste présenta le single «
Reflection », inspiré par le mythe de Narcisse, qui reçut un accueil favorable aussi bien en
Europe qu'aux Etats-Unis. Forte de ce succès, elle poursuivit son projet, secrètement.
Ce ne sera qu'en 2013 que viendront la rejoindre le bassiste et vocaliste Thiago Zig et le batteur Eliezer Andre, ayant chacun minutieusement oeuvré pour accoucher un an plus tard, et notamment grâce à une campagne de récolte de fonds, de leur premier bébé, ce présent «
Catharsis », galette auto-produite de 10 titres égrainés sur les 41 minutes que compte l'opus. L'artwork d'inspiration romantique utilise l'image du miroir comme pour nous signifier qu'un parcours introspectif nous attend sur cette rondelle metal symphonique alternatif faisant un clin d'oeil à l'électro, au heavy, voire au dark gothique. Cet album inspiré conjointement par
Lacuna Coil,
Evanescence,
Nightwish, avec quelques airs d'
Escapist et de
Bare Infinity, a été soigneusement enregistré, correctement mixé et mastérisé par Celo Oliveira pour un résultat offrant un confort auditif satisfaisant autorisant un parcours du skeud d'un seul tenant.
Ce qui interpelle de prime abord c'est cette capacité qu'a le combo a composer les accords qui font mouche et à les placer dans une architecture instrumentale souvent cohérente, avec quelques hits au programme, et ce, quel que soit le point de vue stylistique choisi. A commencer par un mémorable morceau pour le groupe. Ainsi, un piano/voix nous est octroyé en introduction du confondant «
Reflection », premier single réalisé par la maîtresse de ces lieux. Une entraînante ritournelle heavy sympho nous est livrée, dans le sillage atmosphérique conjoint d'
Autumn et
Evanescence. Le dessin mélodique proposé est apte à éveiller en nous d'authentiques plaisirs, sur cette chatoyante piste toute de soyeuse lave vêtue. On ne passera donc pas outre cette solaire offrande ayant déjà taquiné les charts au moment de sa sortie. D'autre part, une gracieuse flute/voix nous accueille sur la fausse power ballade « What Do You Want from Me », dotée de riffs abyssaux et de rayonnants refrains. De sémillantes gammes échappées d'une graveleuse lead guitare enjolivent d'autant une plage suivant une sente mélodique éminemment sécurisante. On aurait souhaité que le voyage se prolonge encore un peu, pour goûter à nouveau aux délices de l'instant posé que n'aurait probablement pas renié
Evanescence lui-même.
Usant de quelques sonorités électro un tantinet envahissantes, l'entraînant «
Revenge » nous plonge dans une tourmente que l'on suivra de bout en bout, mis en exergue par un duo mixte de vocalistes. L'accroche sur le refrain s'effectuera sans anicroche, sur un passage qui n'est pas sans renvoyer à
Evanescence sur le plan des séries d'accords investies. Entrecoupé d'un inaltérable flow rap, le magmatique instant aux allures d'un hit en puissance, où une lead guitare vient ajouter un zeste de pugnacité, se révélera plutôt immersif.
Enfin, d'obédience heavy sympho, non sans rappeler les premiers
Amberian Dawn, l'engageant «
Jester » livre le magnétisme de ses gammes aussi bien sur ses couplets que sur ses refrains. Morceau servi avec les honneurs par la sirène qui, sans user d'un quelconque lyrisme, parvient à stimuler notre fibre émotionnelle. Une ligne mélodique d'une précision d'orfèvre et fort agréable habille cette plage, nous convaincant des talents du combo en la matière, plage qu'on ne quittera alors que pour mieux y revenir.
Mais nos compères se sont montrés plus virulents dans leurs frappes, plus saignants dans les attaques de riffs, sans nous égarer dans d'ésotériques ou ostentatoires plans technicistes. Aussi, le saillant mid/up tempo « The
Phoenix Rebirth » livre ses atours au fur et à mesure de son effeuillage. Ne manquant ni d'aplomb, ni d'agressivité, il livre aussi un cheminement harmonique difficile à prendre en défaut et ne s'écarte jamais de son rayonnant tracé mélodique, magnifié par les sulfureuses patines de la douce sur un refrain catchy. Entre ombre et lumière notre cœur balance, sur une piste qui s'enfièvre pour mieux nous dispenser ses gourmandises, à savourer sans modération.
Plus offensif encore, le frondeur «
Insanity » assène ses riffs corrosifs arc-boutés sur une rythmique vivace, au moment où la princesse, aux faux-airs d'Amy Lee, parsème ses volutes étirées et au placement d'une précision absolue, avec quelques saisissantes montées en puissance, notamment sur le refrain.
Mordant à souhait, cet envoûtant brûlot dans l'ombre de
Lacuna Coil enflamme le tympan par ses colériques harmoniques, et ce, sans perdre de vue le fil mélodique du morceau, au demeurant bien engageant même s'il est en proie à quelques répétitions.
Outre ces pistes cadencées, le collectif attire aussi le tympan lorsqu'il ralentit son tempo, à l'instar de plusieurs îlots, avec quelques réussites en substance. Dans cette mouvance, des riffs graveleux attirent le tympan sur le démoniaque « Light and
Darkness », rageur mid tempo dont la flamme est habilement entretenue tant par une mezzo-soprano bien inspirée que par une tumultueuse instrumentation. Si le refrain recèle quelques subtilités harmoniques aptes à nous retenir, le couplet, en revanche, s'offre moins aisément au chaland. Pour sa part, le vrombissant mid tempo aux allures d'un
Lacuna Coil des premiers émois « The
True War » fait rugir ses riffs crochetés et, par contraste, met en regard les cristallines inflexions de la belle et les sombres serpes oratoires de son growler de comparse. Cette frondeuse piste sympho-gothique en demi-teinte atmosphérique offre de fines harmoniques mais pas suffisamment d'oscillations mélodiques pour nous aspirer plus que de raison. En cela, cette piste reste en-deça de celle sus-citée.
On ne passera pas non plus sous silence les mots bleus finement esquissés et joliment restitués par nos inspirés acolytes. Ainsi, le caressant et touchant « The
Phoenix Cry » offre de subtiles variations au fil des célestes pérégrinations de la déesse, cette dernière ouvrant son spectre vocal d'un cran. On découvre alors un intimiste instant où des riffs émoussés s'adossent sur une sereine rythmique, nous laissant entrevoir de délectables couplets alternant avec des refrains qu'il serait vain de chercher à esquiver.
Pas de doute, une subreptice émotion pourra gagner ceux qui s'y seront engagés. Et ce n'est pas le joli solo de guitare qui démentira ce sentiment. Par ailleurs, au son d'une guitare acoustique, on embarque pour une enchanteresse traversée en pays de cocagne, à l'aune de « Craven », émouvante ballade, rappelant
Arven, nous amenant à flirter avec les espaces immaculés de sereines contrées. Quelques notes en suspension d'une libertaire lead guitare contribuent à rendre inoubliable l'instant fragile. Bref, un set où le collectif brésilien se sent particulièrement à son aise, où il communique habilement ses émois, que l'on reçoit alors sans sourciller, si ce n'est avec la petite larme au coin de l'oeil glissant sur nos joues attendries.
En définitive, le périple s'est opéré en eaux vives et claires d'où l'appel de la sirène saura faire chavirer plus d'un cœur en bataille. Sans témoigner d'un soupçon d'originalité, ni d'une substantielle diversité atmosphérique, l'oeuvre embrasse un corpus stylistique non dénué d'intérêt, sachant harmoniser une humble et éprouvée technicité et d'enviables qualités mélodiques. En dépit d'une qualité de production de bon aloi, il faudra encore que la formation brésilienne assoit son aura en personnalisant davantage ses compositions, en prenant quelques risques et surtout en gagnant encore en épaisseur artistique. Pour l'heure, la troupe sud-américaine a de quoi tenir la dragée haute à ses homologues générationnels de son registre metal d'appartenance. De quoi conseiller aux amateurs de metal symphonique à chant féminin déjà sensibilisés aux gammes et aux arpèges de leurs sources d'inspiration à entrer dans l'univers chimérique de nos valeureux gladiateurs...
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