Dans l'actuel et si engageant mais foisonnant, et parfois létal, espace metal symphonique à chant féminin, quelles seraient les chances pour un nouvel entrant d'essaimer ses riffs et, plus encore, d'assurer sa pérennité ? Redoutable défi qu'a pourtant souhaité relever ce sextet international né en 2017 d'une idée originale du batteur allemand Gerit Lamm (
Xandria, ex-Interdiction) et de Zoë Marie Federoff (ex-
Insatia), chanteuse américaine au cristallin grain de voix et coach vocal (Andrada Polytechnic School of Rock).
Dans ce dessein, loin de chercher à brûler les étapes, nos deux maîtres d'oeuvre ont précisément laissé le temps nécessaire au projet de gagner en maturité de composition et d'écriture. Et ce n'est que deux ans plus tard que les rejoindront le bassiste Matt Federoff, père de Zoë Marie, le guitariste canadien Kaelen Sarakinis (ex-
Insatia) et le claviériste américain Jonah Weingarten (
Pyramaze,
Echoterra, ex-
Teramaze...), sans oublier la guitariste américaine Chëna Roxx, en 2020. De cette étroite collaboration émergera prestement un projet rock'n'metal symphonique aux relents cinématique, progressif et death mélodique, dans le sillage de
Nightwish,
Xandria,
Delain,
Within Temptation,
Tristania,
Leaves' Eyes et consorts, la touche personnelle en prime. Avant d'aller plus en avant, revenons un instant sur les prémisses de leur histoire.
Après avoir rencontré le groupe et été séduit par le-dit projet, l'expérimenté vocaliste et musicien allemand Alexander Krull (
Leaves' Eyes,
Atrocity), également connu pour avoir participé à la production de certains albums d'
Elis,
Midnattsol,
Delain,
Darkwell,
Velvet Viper,
Battlelore, entre autres, décida de produire et d'enregistrer leur premier et présent album éponyme, et ce dans son propre studio, aux Mastersound Studios à Stuttgart, en Allemagne. Ce faisant, les 12 pistes de l'opus jouissent d'un mixage parfaitement équilibré entre lignes de chant et instrumentation ainsi que d'une belle profondeur de champ acoustique, sans accuser, par ailleurs, une quelconque sonorité résiduelle. Indice révélateur d'une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos six gladiateurs...
Dans un souci de valorisation de ce set de partitions, pour l'occasion, ont été intronisés des invités de marque, dont le vocaliste Jake E (Cyhra, Enigmatic
Entrance, ex-
Amaranthe, ex-
Dream Evil, guest chez
Hammerfall,
Dragonland,
Dream Ocean,
Scardust...) ainsi que les guitaristes Thorsten Bauer (
Leaves' Eyes,
Atrocity, guest chez
Doro,
Savn,
Obscura...), Micki Richter (
Leaves' Eyes,
Atrocity, guest chez
Blood Red Soul...), Harri Hytönen (Hammerhed,
Clown Parade, ex-
The Scourger...) et Bill Hudson (
Circle II Circle, Northtale, ex-
UDO, ex-
Avian, ex-membre live chez
Doro,
Kobra And The Lotus,
Power Quest,
Trans-Siberian Orchestra...). Et pour mettre les petits plats dans les grands, l'artwork a été laissé aux petits soins du photographe et graphiste allemand Stefan Heilemann, sollicité à cet effet par
Beyond The Black,
Atrocity,
Crematory,
Diabulus In Musica,
Epica,
Kamelot,
Leaves' Eyes,
Mayan,
Xandria, parmi tant d'autres. Tous les voyants seraient donc au vert pour une traversée en haute mer des plus sécurisées...
C'est le plus souvent au sein d'un vaste champ de turbulences que déambulera le chaland, nos acolytes lui ayant par là même concocté ces séries de notes aptes à le retenir plus que de raison. Ainsi, suite à la cinématique et troublante entame instrumentale aux arrangements ''nightwishiens'', « With Only the Sun as My Witness », c'est en de magmatiques espaces que nous projette volontiers le combo. A commencer par ses voisins de bobine, « Projection of My Mind » et « Condemn Me to Chaos », mid/up tempi metal symphonique à la croisée des chemins entre
Xandria et
Delain pour l'un, dans l'ombre d'un
Within Temptation de la dernière cuvée pour le second. Dotés d'un refrain catchy mis en exergue par les fluides inflexions de la sirène, jouissant chacun de grisantes montées en régime de son corps orchestral et de finitions passées au peigne fin, ces deux tubesques méfaits ne se quitteront qu'à regret. Dans cette énergie, on ne pourra davantage éluder le bouillonnant et orientalisant « Break Even » tant pour ses enchaînements intra pistes finement esquissés qu'au regard de son infiltrant cheminement d'harmoniques.
Sur un même modus operandi, le groupe a cherché à élargir le champ des possibles oratoires. Bien lui en pris... Aussi, nous offre-t-il un saisissant duo mixte en voix claires à l'instar de «
Cognitive Dissonance », un mid/up tempo mélodico-symphonique et opératique dans le sillage de
Visions Of Atlantis, où les angéliques impulsions de la belle et les claires patines de Jake E évoluent à l'unisson. Voguant sur un sillon mélodique des plus enchanteurs et complété d'un fringant solo de guitare signé Micki Richter, l'engageant effort ne poussera pas moins à un headbang bien senti.
Lorsqu'il teinte son propos d'une touche death, le collectif ne s'est guère montré plus malhabile, loin s'en faut. Ce qu'atteste, en premier lieu, « Mother Dearest », une anxiogène et tonique offrande aux riffs acérés au carrefour entre
Draconian et
Tristania, eu égard à ses insoupçonnés changements d'atmosphère et de tonalité, ses growls glaçants et à son vibrant solo de guitare. Dans cette veine, difficile d'esquiver «
Nowhere Near Dead Yet » sans éprouver de tenaces regrets. Non sans rappeler simultanément
Leaves' Eyes et
Within Temptation, conjuguant habilement un rayonnant paysage de notes avec de discrètes mais effectives lacérations grunteuses, cette sémillante offrande folk death symphonique n'a pas tari d'armes pour asseoir sa défense.
Quand elle ralentit un tantinet le rythme de ses frappes, la troupe parvient à nouveau à nous assigner à résidence. Ce qu'illustre, d'une part, « Twice Upon a Time », poignant mid tempo symphonico-cinématique dans la lignée coalisée de
Delain et
Lunatica. Déversant de délicats arpèges pianistiques et recelant des couplets finement esquissés et encensés par les limpides volutes de la déesse, ce hit en puissance aura bien peu de chances de rater sa cible. Dans cette dynamique, c'est sans ambages que le ''xandrien'' mid tempo progressif « Not Even
Once » imposera son enveloppante sente mélodique tout comme la finesse de ses arrangements instrumentaux. Et comment pouvoir esquiver un headbang subreptice sur le refrain immersif à souhait dont se pare le vibrant et ''delainien'' mid/up tempo syncopé « Without Anesthesia » ?
Que l'aficionado de moments tamisés se rassure, nos compères ne l'auront nullement laissé pour compte.
Plus encore, l'émotion requise dans cet exercice de style sera assurément au rendez-vous des plus exigeantes de ses attentes. Ainsi, glissant le long d'une radieuse rivière mélodique, inscrivant dans sa trame d'élégantes gammes échappées du maître instrument à touches ainsi qu'un seyant legato estampé Bill Hudson, et mise en habits de soie par les troublantes modulations de la maîtresse de cérémonie, c'est d'un battement d'ailes que la romantique ballade folk atmosphérique «
Chasing the Ghost » fera voler en éclat toute tentative de résistance à son assimilation.
Comme pour boucler la boucle, le voyage s'achève comme il a commencé, à savoir par un instrumental d'obédience cinématique voguant sur d'ondoyantes nappes synthétiques. Ainsi, telle un générique de fin d'une production hollywoodienne, l'outro « One and Counting » dissémine ses gammes effilées et ses riffs émoussés dans une atmosphère emplie de sérénité, nous ramenant alors à bon port. Une manière par trop classique mais non sans élégance ni délicatesse de clôturer ce premier chapitre.
Au final, force est d'observer que la troupe est parvenue d'un claquement de doigts à transformer l'essai. Aussi, ressent-on l'irrépressible envie de remettre le couvert sitôt l'ultime mesure envolée, histoire de s'immerger à nouveau dans ce tourbillon de saveurs exquises. Varié sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, jouissant d'une ingénierie du son aux petits oignons, témoignant parallèlement d'un réel potentiel technique et transpirant la féconde inspiration mélodique de ses auteurs, l'arsenal du solaire méfait semble dores et déjà suffisant pour espérer maintenir la concurrence en respect d'où qu'elle vienne.
On regrettera cependant l'absence de fresque, exercice de style souvent requis dans ce registre, tout comme le manque cruel de prises de risques au moment où l'ombre de leurs maîtres inspirateurs plane encore sur nombre de leurs arpèges d'accords. Arguments à prendre en compte pour se démarquer de leurs pairs, toujours plus nombreux à affluer, et surtout caresser l'espoir d'une carrière au long cours dans cet espace metal. Mais nos acolytes ont encore le temps de rectifier le tir et, quoi qu'il en soit, disposeraient dès à présent d'une force de frappe suffisante pour les propulser parmi les sérieux espoirs du genre. Premiers émois et première ogive aux effets dévastateurs...
Note : 15,5/20
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