Loin de suivre le faste imposé par moult formations de metal symphonique gothique à chant féminin, certaines, plus discrètes, ont opté pour un message musical plus éthéré, voire obscur, un brin mélancolique, dont ce duo de rock'n'metal atmosphérique gothique né à Split, en Croatie, sous l'impulsion commune du pluri instrumentiste Marin Tramontana et de sa femme, Katarina, frontwoman au cristallin grain de voix assorti de puissantes inflexions, dans le sillage de Cristina Scabbia (
Lacuna Coil). Déjà à la tête de deux singles («
Years of Heaven » et «
Suspiria », sortis en septembre et octobre 2021 successivement), le duo réalisera dans la foulée son premier et présent album studio, «
Burning the Night » ; auto-production de neuf pistes, dont les deux singles, dispatchées sur un ruban auditif de 47 optimales minutes. Quelles seraient alors les armes permettant au combo croate d'espérer jeter un pavé dans la mare, au point de nous assigner à résidence, in fine ?
Dans ce dessein, nos deux acolytes nous immergent au sein d'une œuvre à la fois délicate, tonique, intrigante et romantique, où fusionnent les influences de
Lacuna Coil,
Autumn,
The Gathering, Vetrar
Draugurinn et
Dying Passion. Ce faisant, des lignes de guitares aux distorsions effilées, conférant intensité et atmosphère romanesque au propos, se conjuguent le plus souvent à de puissants et métronomiques coups de boutoir. Intégralement composé par Marin et écrit par Katarina, ce set de compositions bénéficie, en outre, d'une qualité de production d'ensemble de bonne facture ; mixé et mastérisé aux Slaughtered studio, à Moscou, par le producteur, compositeur, et batteur/claviériste Theodor Borovski (
Second To Sun,
The Lust, Goot...), également connu pour avoir assuré la production d'albums de Age Of
Rage,
Dissector,
Alkonost,
Drunemeton, entre autres, l'album n'accuse pas l'ombre d'une sonorité résiduelle tout en jouissant d'un bel effet de relief acoustique. Mais laissons nos deux compères nous ouvrir les portes de leur intimiste royaume...
C'est en partie sur des charbons ardents que s'effectue la traversée, non sans quelques pépites disséminées çà et là sur notre chemin. Ainsi, sous couvert d'orientalisantes sonorités, et non sans rappeler
The Gathering, le vitaminé « Under the Stars » décoche des riffs corrosifs adossés à une frondeuse rythmique tout en sauvegardant une mélodicité toute de fines nuances cousue. Et le sauce prend sans tarder. Dans cette lignée, on retiendra non moins l'entraînant «
Years of Heaven » tant pour son refrain catchy mis en habits de lumière par les magnétiques patines de la déesse que pour la qualité de ses enchaînements intra piste. Moins tubesque certes mais impulsant une énergie aisément communicative doublée de truculentes séries de notes, «
Burning the Night » poussera le chaland à un headbang ininterrompu.
Plus ''lacunacoilesque'' en l'âme, l'endiablé «
Suspiria » impactera, lui, à la fois pour ses intarissables coups d'olives et ses arpèges d'accords d'une efficacité redoutable. Mais le combo croate aurait d'autres arguments encore en réserve plaidant en sa faveur...
Quand la cadence se fait moins alerte, le duo trouve à nouveau, et sans mal, les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce qu'atteste, d'une part, « Against the
Stream », ''lacunacoilesque'' mid tempo aux riffs émoussés, infiltré d'un fin picking à la lead guitare et de grisants gimmicks aux claviers; un propos pétri d'élégance et recelant une sente mélodique certes déjà courue mais des plus enveloppantes, sur laquelle se greffent les chatoyantes impulsions de la sirène. Difficile également de se soustraire à l'onde vibratoire insufflée par l'''autumnien'' mid tempo « Mother ». Dans ce bain instrumental aux doux remous, couplets finement ciselés et entêtants refrains glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis. Dans l'ombre de
Dying Passion, « Until the
End of Time » et « Seekers of the Sense », pour leur part, aspireront prestement le tympan aussi bien par leurs gimmicks guitaristiques d'une confondante fluidité que par leurs fondants refrains.
Lorsque les lumières se font plus douces, toute tension s'évanouira d'un coup d'un seul, l'inspiré duo parvenant alors, d'un battement de cils, à générer la petite larme au coin de l'oeil. Ce qu'illustre «
Midnight Sun », ballade atmosphérique gothique généreuse de ses 6:29 minutes, à la frontière entre
Autumn et Vetrar
Draugurinn. Sur un soyeux riffing sous-tendu par de grésillantes distorsions d'une guitare lascive, glissant le long d'une radieuse rivière mélodique et mise en habits de soie par les pénétrantes volutes de la maîtresse de cérémonie, nul doute que la tendre sérénade ralliera l'aficionado du genre intimiste à la cause de nos deux acolytes.
Au final, se dessine un propos à la fois palpitant, enivrant et pétri d'élégance, poussant à une remise du couvert sitôt l'ultime mesure évanouie. Bénéficiant d'une ingénierie du son de bonne facture, faisant montre d'exercices de style variés, témoignant parallèlement d'une technicité instrumentale et vocale maîtrisée et de la féconde inspiration mélodique de ses auteurs, sans accuser l'ombre d'un bémol, l'opus n'aura pas tari d'armes pour assurer sa défense. Aussi, c'est d'un seul tenant que s'effectuera la traversée dans cette mer limpide à la profonde agitation intérieure, Il conviendra simplement que nos compères consentent à quelques prises de risques supplémentaires et développent des arpèges un poil plus personnels qu'ils n'apparaissent afin de permettre au projet de gagner en épaisseur artistique. Etat de fait qui n'empêchera nullement de déceler-là un frissonnant et gracieux effort en guise de message de bienvenue...
Note : 15,5/20
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