Bleaker Beater

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16/20
Nom du groupe Phobos (FRA-2)
Nom de l'album Bleaker Beater
Type Album
Date de parution 15 Décembre 2021
Style MusicalMetal Industriel
Membres possèdant cet album1

Tracklist

1.
 Pyrocene Antibodies
 05:39
2.
 Haemophiliac Stomp
 05:16
3.
 Basalt Ganglia
 04:48
4.
 Hyperkalem Pathogens
 06:00
5.
 Procollapsolog
 04:19
6.
 Solve et Coagula
 05:46
7.
 Granulahar Toxin
 05:26
8.
 Beta Blocker
 03:50

Durée totale : 41:04

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Phobos (FRA-2)


Chronique @ JeanEdernDesecrator

16 Décembre 2021

Blue Screen Of Death

L'humain vient de s'apercevoir qu'il a fait entrer sa planète dans l'ère antropocène. Il a une action significative sur son environnement, au point que celle-ci aura laissé une trace irrémédiable. Dans le même temps, il a aussi délégué les modalités de cette action aux machines, puis aux ordinateurs, aux algorithmes, et créé un écosystème interface complet sur le point d'acceder au vivant. L'antropocène n'a pas duré longtemps.
Cela s'applique aussi à la musique, malgré un conservatisme qui a par exemple figé l'objet "guitare" dans la forme qu'il a acquis dans les années 60. La musique s'est électrifiée, machinisée, technonologisée. Le son, ce sont des fréquences, précises. L'industriel en est une parfaite illustration, et P.H.O.B.O.S. peut apparaître comme une mise en abime de ce concept. Mon stage d'écriture "Houellebecq en cinq semaines" de passe bien, merci.


A l'origine de P.H.O.B.O.S., on trouve une âme créatrice, Frédéric Sacri, et le but de créer des chansons sombres et lourdes, sans aucun artifice, avec un line-up aussi austère que sa musique. Parfois seul, et tantôt épaulé par un ou deux complices, il recréée en studio une image sonore cauchemardesque, laissant à l'auditeur le loisir de l'interprétation. Boîtes à rythmes, guitare (l'instrument de prédilection de Frédéric), une basse, des vocaux caverneux et des couches d'effets étaient les ingrédients d'une musique immédiatement reconnaissable. Métal industriel, doom, black ? Des étiquettes bien réductrices pour décrire les albums de P.H.O.B.O.S. depuis leur tonitruant premier album "Tectonics" jusqu'à l'aboutissement de leur cinquième et dernièr LP en date, "Phlogiston Catharsis" (2018).
Après un silence de trois ans, l'annonce de la sortie de "Bleaker Beater" arrive enfin, avec comme seuls indices que cet album est fait sans instruments classiques, et en duo resserré avec Mani Ann-Sitar (machines, effets), qui fait partie de l'aventure depuis "Phlogiston Catharsis". L'album a été enregistré et produit par Frédéric et Mani au studio Sapel Lomor (France), et masterisé par Tore Stjerna (Mayhem, Watain,…) au studio Necromorbus (Suede).

Au vu de la discographie des parisiens, une chose était sûre : ils ne font jamais deux fois le même disque. En étant honnête (je suis un gros menteur d'habitude), le premier titre révélé m'avait plongé dans le doute, et j'ai eu un peu peur de ne pas accrocher à une version aussi synthétique et mécanique de l'enfer.
"Bleaker Beater" sort le 15 décembre 2021, sur Megaton Mass Records, label réservé aux bons soins de P.H.O.B.O.S., et pour les fans, la version Double CD comporte une version réarrangée, remixée et instrumentale de l'opus : "Blxykxr Bxytxr". La magnifique pochette créée par Synckop, figure un sang explosé aux antipodes de ce que propose son contenu. Si à mes oreilles "Tectonics" était lave et entrailles grondantes, si "Phlogiston Catharsis" était un purgatoire en cathédrale inversée, "Bleaker Beater" m'évoque un monde machine désincarné, froid et inhumain, en plein Blues Bcreen Of Death. Pourtant, son thème tourne autour du corps, des maladies, des problèmes cardiaques.

Le kick est comme un battement de cœur, sourd, multiforme, qui change de son, de distorsion, de note, au gré des morceaux. Les voix sont filtrées, saturées, cuttées, lointaines et pile entre vos oreilles. On pourrait se croire dans une rave electro obscure destinée à écraser soniquement le vide.
Le pattern est tout, scansion d'une vie tranchée à intervalles fluctuants par un charley sec, recouvert par des vagues bégayantes qui soufflent des données hyperboliques.
La musique est comme un cœur cybernétique, qui bat en pulsations. La mélodie semble totalement absente au premier abord, mais elle est là, souvent une note, martelée sans répit, puis, parfois une autre. Le larsen électronique crie, sature, puis s'éteint enfin. Le beat est industriel, avec un kick sec et un synthé obsédant qui martèlent un pattern ( "Granulahar Toxin"). La voix susurre, éructe une réalité fantôme, intermédiaire, répète, répète des phrases. S'il vous faut quelques lointains points de repères, je me risquerais à Kraftwerk, The Prodidgy, Scorn, Amon Tobin, le tout régurgité dans un mélange de dub extrêmophile et de black opaque.

Un enchainement de notes hypnotique essaie de me laver le cerveau, la machine vit peut-être. Si la machine faisait du reggae pour la population de processeurs qui peuplera la terre en 2521, elle jouerait "Basalt Ganglia". Une snare de boite à rythme du vingtième siècle tape en suivant des contre-temps hésitants. Comme si une machine pouvait hésiter…
"Procollapsolog", Ah ! Ah ! Ah ! La machine peut aussi faire un calembour, elle a appris, machinelearné à tronquer-recoller les mots, pour en faire un autre, qui ne manquera pas de flatter la régression anale d'un humain, qui comme tout être vivant évolué, est un tube avec un orifice pour ingérer à un bout, et un orifice pour excréter à l'autre extrémité. Une machine en somme, qui fonctionne à notre insu. Machine, machine, machine.

Laisse-toi guider par le rythme de la danse, robot-machine, pompe un mouvement harmonieux avec tes vérins hydro-alcooliques. Ah… ça buggue, le beat de "Solve et Coagula" trébuche, tangue, au bord de l'arrêt, reprend sur un autre pattern choisi au hasard des algorithmes, le programme sort enfin de la boucle détériorée et se branche sur un rythme régulier.
Un dernier tour sur le dancefloor, tu l'aimes mon beat, si tu vivais, tu sentirais le groove de "Beta Blocker" ta poitrine, tes bras onduleraient en faisant des angles carrés, et tes fluides convergeraient vers un état turgescent. Mais tu n'as pas de bras, pas de poitrine. Cette voix impérative t'ordonne des choses, tu n'as pas le choix, suis le programme de ce morceau jusqu'à… Cette voix n'appartient à personne, il n'y a personne nulle part, que des émulateurs de créateurs de machine. Je suis la machine.

Oui, bon, voilà l'effet de la musique de P.H.O.B.O.S., j'avais oublié de prévenir : ça provoque des hallucinations, même à jeun. Pourtant, en étant aussi minimaliste, dépourvu de chaleur, on se retrouve dans un état presque second, à vivre une expérience que je pourrais comparer, de loin, à The Caretaker, en moins long et plus substanciel. Alors oui, il y a pas de guitare, et si c'est du metal ou pas, je m'en cogne l'arcade sur le coin de ma table basse. Il y a pas de riffs non plus, ça c'est fait. Mais c'est un des trucs les plus malsains que j'ai entendu depuis longtemps. La racine rouillée et électrifiée de l'industriel. Game Over.

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