La vie réserve parfois des surprises, et l’évolution des choses se veut parfois purement inimaginables.
Lorsqu’
Entropia a vu le jour, il y a de cela quelques années, c’était avant tout une entité très proche de la mode des groupes à chanteuses, explorant un univers gothique et sombre mais musicalement encore quelque peu immature et impersonnel. Après un album et quelques ep, "
Obscure Rising" avait surpris son monde puisqu’il intensifiait durement le propos, la jolie vocaliste Marie Rouyer s’inspirant de la diablesse Angela Gossow pour intégrer dans ses parties lyriques des vociférations bien plus extrêmes et brutales, collant parfaitement au monde d’
Entropia. Il ne manquait alors plus qu’une véritable production digne de ce nom pour que les français puissent complètement éclore, et ainsi donner naissance à un véritable fleuron du genre.
Mais le temps en décida autrement, et Marie quitta le groupe pour des motifs personnels. Loin de se laisser abattre, Jérôme Bougaret, mentor du combo, décida d’assurer lui-même le chant et de laisser par la même occasion tomber les accents mélodiques de ses précédentes productions. Dans le même temps, les musiciens se rendent dans le désormais célèbre Conkrete Studio (
Eryn Non Dae,
Jenx,
Gorod…) pour enregistrer et livrer un second album full-length.
C’est donc, aussi anxieux qu’impatient de découvrir la tournure des évènements, que "Black Drop in Clear Water" est arrivé sur la platine. Dès les premières secondes, le constat est clair,
Entropia a cette fois-ci dévoilé et assumé son visage le plus sombre, sa face black gothique véritable, très inspiré par les orchestrations de Cradle of
Filth et l’ambiance parfois filtrante et désespérée d’un
The Vision Bleak. Un gros travail a été effectué concernant les orchestrations et les chœurs, bien plus massifs que précédemment, ainsi que sur les compositions se voulant plus techniques et violentes que sur "
Obscure Rising".
"Black Drop" ouvre le bal dans une ambiance très proche du vieux Cradle ("Humana Inspired to
Nightmare" n’est pas loin), gothique et fantomatique, avec cette sensation de se retrouver sur des terres hantés. La pression monte crescendo jusqu’à "Le Horla", s’ouvrant sur un riff et un blast beat typiquement black metal, n’étant pas sans évoquer également
Carach Angren. Le chant de Jérôme est bien maitrisé et c’est avec plaisir que l’on retrouve Marie sur les chœurs, toujours dans l’entourage et dans le cœur du disque malgré son impossibilité de pouvoir soutenir l’intégralité des parties vocales. Une mélodie au violon, lancinante et romantique, se marie parfaitement à l’agressivité rythmique et vocale, comme une âme errant sur les terres maudites d’un lieu hanté. "My Own
Eschaton" poursuit sans temps mort grâce à une emphase lyrique encore plus importante et la mise en avant de cuivres. On ressent évidemment qu’il ne s’agit que de samples, mais le bond en avant reste impressionnant, tout en sachant qu’il ne s’agit encore que d’une autoproduction. Olivier « Hellboy » se veut implacable derrière les futs, jouant tout en variations afin d’apporter du dynamisme aux compositions. Une dimension de musique de film émane des orchestrations, même si on pourrait regretter parfois le manque de tranchant, ou de surplus de violence, de Jérôme au chant, restant un peu linéaire sur son timbre de voix.
"Throne" conserve cette ambiance grandiloquente et mélancolique, traduisant la dualité entre la rugosité rythmique et la douceur mélodique des symphonies. L’ombre de
Nightwish n’est désormais plus du tout présente, mais ce titre rapproche encore un peu plus
Entropia de Cradle of
Filth dans les narrations vocales et la manière de conter les mots, comme Dani le fait depuis des années de façon si distincte. La montée des cuivres, débouchant sur une accentuation de la violence et de l’intensité, noircit l’atmosphère et nous laisse imaginer l’intensité de ces passages lorsqu’ils seront interprétés en live. Il en va de même pour "Man of Thousand Faces" évoquant la martialité et la grandiloquence éthérée du dernier
Dimmu Borgir, "Abrahadabra", notamment par l’intervention de ces parties de piano à l’intérieur même de la composition, en superposition des guitares et des vocaux. Comme un voile, une mélodie subliminale…
Globalement, le son d’
Entropia a énormément évolué, et si l’évolution peut paraitre tout de même logique vis-à-vis du précédent ep, le bond en avant et le changement de sexe derrière le micro a tout de même considérablement noirci l’expression du groupe. "Keeper of Truth" par exemple, avec une fois de plus cette opposition entre la brutalité des blasts, des riffs et du chant avec la délicatesse des lignes de piano, apaisantes et douces et teintées d’une forte ambiance gothique et solennelle. L’art des français se rapprocherait donc, par certains aspects, également à celui des italiens de
Graveworm.
"
Red Romm" est, à ce titre, très antinomique entre ses parties, s’ouvrant sur un superbe plan piano/voix avant de se plonger dans les bas-fonds du metal extrême.
"Black Drop in Clear Water" fait donc office d’excellent second véritable album, et porte en lui une forte envie et une volonté de créer un univers malgré les déboires personnels. Si des influences sont encore et toujours perceptibles,
Entropia parvient progressivement à s’en affranchir pour créer un son lui étant propre. "
And Far Beyond", l’ultime morceau, en est un bel exemple puisqu’il allie à la perfection les différentes facettes du groupe, et démontre une fois de plus l’imposant travail ayant été réalisé sur les chœurs et les arrangements classiques (la dernière minute est grandiose). Si la production n’est également pas parfaite, peut-être un peu trop crue pour l’ambition et la complexité du style pratiqué, le saut en avant est là encore énorme et il est presque certain qu’il en sera encore de même la fois prochaine, avec un son plus dense et ferme. Mais que les fans de black metal symphonique ne s’y trompent pas,
Entropia devient, peu à peu, un bel exemple de notre nation.
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