Voici un hymne rare au Bas Moyen-Âge occidental, plus exactement aux XIIème et
XIIIème siècles.
Awaken the Dragon, sorti en 1997, est le deuxième album de la Trilogie
Pazuzu. C’est aussi le plus célèbre et le meilleur. Il retrace le Destin des petits royaumes, qui est de se fondre dans un syncrétisme impérial. L’Empereur est surnommé le
Dragon. Pourtant, ce n’est pas tant ce déterminisme épique qui apparaît à l’écoute.
Awaken the Dragon est une étrange fresque, fabulée et fabuleuse, une évocation errante, qui promène l’auditeur à travers des contrées, rurales ou citadines, lui fait rencontrer ses habitants, ses dieux et ses démons, les fait parler, ou lui décrit une atmosphère, un paysage. Jamais l’on ne rencontre deux fois la même personne, ni la même situation.
Pazuzu a voulu nous enseigner la vitalité qui permet d’unir le rêve à la réalité, l’idéal concrétisé, avec toutes les iniquités et les insuffisances propres à la vie. Les textes sont rédigés essentiellement en anglais, mais un aussi en français, et trois dans la douceur gutturale de la langue allemande. Cela donne une impression d’horizons lointains, de voyage.
Le plus étonnant demeure que
Pazuzu n’use pas de guitares, basse ou batterie, mais de synthé et d’un chant clair, si l’on excepte deux ou trois hurlements black, et quelques voix rauques trafiquées. Il s’agit d’une musique classique, mais à résonances résolument moyenâgeuses, atmosphérique parfois, mais si profondément descriptive ; parfois, elle accompagne les paroles comme un hymne, les ennoblissant, les consacrant ; mais d’autres fois, la musique semble diriger l’action, elle est l’instrument ineffable, invisible, inconscient de ce Destin qui hante
Pazuzu. Ce Destin qui est la Réalité auquel nul homme ne saurait échapper, tant dans sa vie privée que dans sa vie publique, malgré ses ambitions d’immortalité.
Le charme de cette musique tient dans ce que, assez complexe, elle apparaît à la première écoute assez répétitive. En effet, les recherches mélodiques les plus alambiquées, par un raffinement subtil, se placent sur un second plan harmonique, tel un accompagnement et un fond sonore discret. Ce qui rend cette musique au final attachante, lancinante, obsessionnelle, sans jamais lasser.
Précisons dès lors qu’il s’agit d’une musique orchestrale, alliant des instruments millénaires, aux modernes. Ainsi de flûtes et tambourins à des violons, contrebasses et cuivres (cors, trompettes) issus de nos orchestres classiques. Sa rhétorique même est assez originale, lorsque l’auditeur peut entendre s’allier des modes anciennes (notamment dans tout ce qui concerne les lourds tambours, très présents, et les cloches) aux chœurs de violons et de voix masculines ou féminines plus modernes. Quelques mélodies orientales, voire même asiatiques (mongoles ?) agrémentent deux ou trois morceaux : nous sommes en effet à l’époque des croisades et de Gengis Khan !
Quelques défauts toutefois jalonnent cette belle fresque, défauts qui au contraire peuvent se révéler qualités selon d’autres. En effet, la musique de
Pazuzu, comme ses paroles, dans leur vitalité et leur splendeur même, me paraissent plus appropriées à orner un film ou un livre d’heroic fantasy, qu’à plaire aux historiens et amoureux du vrai Moyen-Âge. Pourtant, ce défaut me semble ajouter comme un grain d’exotisme à cette œuvre. En outre, un romantisme noir, byronien, orne les différents morceaux.
En conclusion,
Awaken the Dragon se recommande à tous les amoureux du Moyen-Âge comme d’heroic fantasy. Car
Pazuzu a su échapper à toute mièvrerie et toute affectation onirique. Ce conteur n’est pas un cabotin sentimental, mais un poète à forte puissance d’évocation ! Son rêve est sain.
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