Allez savoir pourquoi j’avais la boule au ventre en allant chercher ce premier album des
H-Bomb à la Fnac Montparnasse. En ce jour de fin de printemps 1984, illuminé d’un soleil radieux et d’un ciel au bleu immaculé, le trajet en
Bus 91 me paraissait interminable alors que la distance n’avait pas soudain triplé de longueur depuis la semaine passée. Le mini LP datait de l’année précédente mais mon attente était à la hauteur de l’envie de découvrir le contenu de cette nouvelle galette.
Allez savoir pourquoi mon doigt tremblait un peu lorsqu’il fallut poser le bras de ma chaine sur le vinyle. Casque AKG posé sur mes oreilles et yeux rivés sur une pochette sobre et cliniquement froide, la découverte pouvait commencer. Je n’avais aucune idée de ce que à quoi je pouvais m’attendre, si ce n’est de retrouver l’énergie débordante des 5 jeunes artistes et de me laisser porter par les mélodies de mon groupe français favori.
Allez savoir si ce sourire qui illuminait mon visage provenait seulement de l’introduction martiale «
Attaque » qui annonçait le premier déluge de riff d’ « Exterminateurs ». La production m’a immédiatement marqué par sa propreté et sa netteté. Bon sang, un groupe français avec ce niveau et cette qualité sonore, cela faisait une éternité que ce n’était pas arrivé. Les paroles et le chant se mettaient au diapason de la section rythmique toujours aussi carrée et des guitares, bien en place et parfaitement audibles et distinctes entre Armando et Paul Ferreira, le nouveau venu ex-Mach3, suite au départ de Christian Martin.
H-Bomb était de retour et ça allait saigner !
Allez savoir si le côté sauvage et barbare du premier EP avec son fameux son brut de fonderie allait me manquer. En fait,
H-Bomb n’avait pas muté de la peau d’une bête fauve dans celle d’un doux et paisible agneau, loin de là. Les titres coup de poing ou à la musicalité travaillée défilent (« Double
Bang », « Exterminateurs », « Dressé à tuer », « Rêve de puissance », « Fou sanguinaire », « La horde ») et prennent leur place dans la discographie du jeune quintette. Un soin particulier a été porté aux mélodies de chaque titre, c’est indéniable, mais la force de frappe reste intacte malgré un désir clair et légitime de proposer du heavy-metal made in France bien léché et diversifié. Speed un jour speed toujours, certes. Mais
H-Bomb ne pouvait survivre à la concurrence étrangère qu’au titre d’une évolution vers un style moderne et irréprochable.
Allez savoir pourquoi la voix de Didier Izard me transportait toujours aussi loin. Portant le même prénom que le hurleur, cette explication ne suffisait pas à me convaincre. Il y avait à l’époque en France des vocalistes foutrement plus doués par la nature (Christian « Zouille » Augustin, Pierre Guiraud). Pourtant, son grain de voix si particulier et sujet à des problèmes de polypes récurrents lui permettait à la fois un chant autoritaire et guerrier (« Exterminateurs », « Double
Bang », « Crache et crève », « Substance mort », « La horde »), modulant les aigus (« Dressé à tuer », « Rêve de puissance », « Le glaive », « Fou sanguinaire ») et tutoyant les anges (« Gwendoline »). Sa chaleur et sa diction nette permettent de retenir sans effort les textes et les paroles abordant des sujets de la vie courante. La véritable bombe H en matière de chant restera le magnifique « Gwendoline » qui synthétise toute l’émotion, la force et la technique de ce chanteur. Ce n’est pas le meilleur, le plus grand, le plus talentueux ou le plus célèbre mais son travail force le respect et l’empreinte qu’il a apportée au style d’
H-Bomb marquera à jamais l’histoire du rock dans ce pays.
Allez savoir si la réussite de ce premier album d’
H-Bomb ne proviendrait pas de l’osmose entre les cinq musiciens. En effet, il ne se passe pas un titre dont le riff ne vous perfore pas le cerveau (« Exterminateurs », « Substance mort », « Double bang ») ou ne vous hypnotise pas les neurones (« Gwendoline », « Le glaive », « Crache et crève », « La horde »), il ne se passe pas un titre où les soli ne vous touchent pas par leur feeling ou leur simplicité d’exécution (« Rêve de puissance », « Fou sanguinaire »), il ne se passe pas un titre durant lequel le travail de Philty Garcia à la basse et Gérard Michel sur son kit de batterie ne vous fasse pas avoir les poils. Elégance, intelligence et technique irradient cet album dont l’explosivité semble maintenue sous contrôle en permanence.
Allez savoir si le coup de gueule de Didier Izard sur « Crache et crève » contre
Trust était mérité. L’
Attaque en piqué faisant allusion à leur album « Marche ou crève » de l’année passée eut le mérite de dire tout haut ce que les jeunes loups de la scène française pensaient tout bas. Néanmoins, autant que sur l’attitude de rock stars des membres du célèbre groupe au bulldozer, on pouvait aussi s’épancher sur le manque d’entraide et de fraternité entre nos groupes nationaux. Entre dédain, respect, condescendance, hautaineté, tout y passait. La première coupable de ce désert artistique sur les ondes et les télévisions était l’industrie du disque en France et rien d’autre. Les grands pontes touchaient leurs bénéfices là où les artistes couraient après leurs royalties. Il n’y avait qu’un peu de place, conquise de haute lutte et à force de travail, pour
Trust et effectivement moins d’un strapontin pour les autres. Vivre de son art de hauts décibels dans le années 80 chez nous relevait d’un « Rêve de puissance » inassouvi. Depuis, la facture numérique a plombé les comptes des puissants de jadis comme un retour de boomerang assassin.
Allez savoir si tout n’était pas déjà réuni dans cet album pour prédire le futur d’
H-Bomb. Après le « Coup de métal » du précédent EP, le choix du titre «
Attaque » pour ce premier album donnait un indice sur l’état d’esprit du groupe à cette époque. Mais pourquoi une pochette où gisent les corps sans vie des musiciens après le feu nucléaire ? Un signe de mort avant l’heure. Dans le même genre, « Substance mort » provoque chez moi une réaction épidermique en chaine, prisonnière de mon adoration sans limite de ce titre et du caractère prémonitoire caché dans son intitulé. Les paroles de « Double bang » jettent elles aussi un voile noir sur le regard inerte et perdu des protagonistes du recto de la pochette. Penchez- vous aussi sur celles d’ « Exterminateurs », « Dressé à tuer » et consorts. Tout cela pue la mort. Cette faucheuse implacable. Comment survivre dans un maquis où les règles du jeu répondent à celles d’un Monopoly sans âme et sans scrupules ? Mieux vaut encore partir en beauté. Et quel magnifique album. Intemporel.
Allez savoir pourquoi les deux seules véritables réalisations discographiques d’H Bomb continuent à tourner inlassablement et régulièrement sur ma platine. Dix titres sur cet album à ajouter aux six premiers du mini LP. Une vieille démo qui apparait sur You Tube récemment. Moins de vingt morceaux qui n’ont pas pris une ride et sont encore d’une incroyable modernité, comme ancrés dans la réalité.
Allez savoir pourquoi les paroles du refrain de « Le glaive » m’obsèdent autant. Survivant du néant imposé à tout fan consumé par l’amour indéfectible pour son idole, j’attends naïvement une suite depuis bientôt 28 ans. Une éternité. J’ai pris perpette sans le savoir.
Allez savoir si une reformation ne pourrait pas avoir lieu un jour. Allez les gars, chiche, faites-vous plaisir, faites-nous plaisir. Un come-back pour le fun, sans autre arrière-pensée. Crache en te tenant le front enfant de la Bombe H ! Fait le pour nous !
Allez savoir si la prémonition existe.
Allez savoir…
Face à un glaive de patience, tu risques de rompre le silence
Didier – octobre
2012
"Gwendoline" - comme pour beaucoup apparemment - et "Dresser à tuer" sont mes titres préférés.
Et ce RFA-France de 82...
Ce jour là, j'en ai pleuré toute la nuit du haut de mes 13 ans. Salopard de Schumacher, les dents de Battiston ne te disent pas merci.
Bref, superbe disque, que je découvre sur le tard, franchement, ça le fait. Rien à envier à un Accept, tiens, pour reprendre la dualité France - RFA, en espérant que l'Euro à venir donne une revanche à nos petits Bleus (on disait tricolores, tiens !).
A savoir que le petit label Obskure Records a réédité officiellement en CD ce disque en 2019. Trouvable donc maintenant sans vendre mémé. Le repress Axe Killer étant épuisé depuis belle lurette.
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