Qu'est ce qu'évoque pour vous l’
Armageddon? La fin des temps, une période désastreuse ou pour les adeptes des chapelles apocalyptiques, une libération, une grande révélataion. René Berthiaume a beau invoquer un album plus sombre et sérieux pour le cinquième volume d'"
Equilibrium" intitulé donc "
Armageddon", mais nous n'aurons rien de tout ça. Tout au plus la sensation étrange que la formation allemande s'est écartée de la sphère metal. Au fur et à mesure des sorties, le groupe prend de l'optimisme. Le dernier essai en date avant ce forfait, "
Erdentempel", a su remporter un beau succès malgré son pendant très marqué pour les travaux de ses confrères finlandais, surtout d'"
Ensiferum". J'attendais pour la suite une quête d'inspiration à la réalisation d'une pièce nettement plus originale, surtout que la troupe accueille Ragnar, déjà membre de "
Nothgard" et ex-"
Wolfchant". En ce qui concerne le présent "
Armageddon" je ne fus pas déçu sur ce point. Jamais je n'aurai imaginé une telle fin du monde, un paysage épique mais excessivement niais, aux relents de cauchemar éthylique.
Le premier témoignage de l'opus nous révèle déjà un contraste éloquent entre la pochette morbide de l'ouvrage et la musique contenue. "Sehnsucht" est une introduction des plus spatiales. René semble s'être fait plaisir aux synthés mêlant univers épique, à des sonorités ascendantes mais modernes. En plus de cela nous aurons affaire à une narration dont la force morale semble s'être inspirée de celle de Captain Planet. La guerre, le patriotisme, c'est mal. Vous voyez? Nous aurons un effet de style aérien quasi identique mais pas très à propos dans un volume dit "metal", plus loin, sur "Koyaaniskatsi". Un morceau beaucoup plus posé que l'intro cependant, légèrement palpitant et aidé d'un fond de chœurs. On entend là ostensiblement le piano. Le titre pourrait nous laisser à penser à "Juste Après" de Fredericks Goldman Jones. Malgré sa constitution sous forme de conclusion, "Koyaaniskatsi" sera suivie d'"
Eternal Destination", la véritable conclusion. On entend tonner. La musique est lourde rude et irritée, puis va se fondre au fur et à mesure dans des sons extatiques qui vont dissoudre les growls de Robse et le martèlement sourd de Hati. Un parfait représentant de ce qu'est l’
Armageddon.
Dans cette fibre nocive et rocailleuse nous avons l'ombrageux "
Prey". Mais malgré l'impact, le titre tourne un peu à vide, et les sonorités symphoniques tuent la gravité du ton abordée. En dehors de quelques rares morceaux donc, l'album obéit à une sorte d'extase musical, d'élans de gentillesse, que je peine à joindre avec la thématique ou le concept de l'ouvrage. On cerne très bien l'
ADN de l'effort "
Rekreatur" sur "Erwachen" et surtout sur "Rise
Again". Cela est du en grande partie pour l'influence au folklore sud-américain et aux airs de flûte de pan et de xylophone sur "Rise
Again", plus dynamique et travaillé que son homologue "Erwachen" qui observe lui quelques longueurs. Hormis, ces extraits correspondant à la marque de fabrique d'"
Equilibrium" en 2010, on relève toujours de régulières correspondances avec le metal finlandais. On découvre "
Moonsorrow" à travers les grands coups d'éclat de "
Katharsis", marqué cependant par la répétitivité. On découvre "
Finntroll" à travers le très sorvalien "Zum Horizont". On peut même évoquer ouvertement sa copie pour ce dernier cas. Vous comprendrez que même bien réalisée, l'imitation chez "
Equilibrium" m'interroge, surtout que l'on est là dans la confusion complète.
Le bas va blesser lorsqu'il s'agira de s'aventurer dans le très gentillet "Heimrat", parfaite production de metal symphonique rose bonbons celtique à nénettes. C'est bien fait, mais je me demande à chaque fois quel groupe je suis en train d'écouter. Tant qu'à faire, l'extrait aurait là mérité un chant féminin plutôt que le chant growlé de Robse. Là où l'auditeur risque de perdre totalement pied avec le groupe, c'est à l'écoute de "
Born to Be
Epic", malheureusement choisi par la troupe pour figurer en premier clip de l'ouvrage. La chanson est pour le coup très moderne, noyé par les vagues symphoniques, expérimentant des sonorités peu à même de figurer dans du metal. Difficile de saluer l'originalité de la chose. On en sort crispés. L'impression de foutoir y est trop présente et quasi-permanente. En parlant de foutoir, il y a un sacré fouilli sur "Helden", qui passé le sourire des premières écoutes nous laisse plein d'interrogations. Ce titre est un tel grenier que l'on y entend (effet de mode oblige) des sons extraits de jeux-vidéos des années 80, du 8 bits. L’
Armageddon est dans les jeux rétro.
Imbriqués tous ensemble, beaucoup de morceaux de qualité inégale, ne correspondent pas. J'ai encore bien du mal à croire que ce cinquième effort d'"
Equilibrium" ait pour thème la fin des temps. On y trouve de l'obscurité certes, mais ce n'est proprement rien à comparaison des morceaux naîfs et joyeux que l'on y trouve. L'"
Armageddon" serait au final une espérance? René Berthiaume le redoute tellement qu'il en a pris des cachets. C'est incroyable d'ailleurs combien ses claviers (orchestrations inclues) envahissent littéralement tout. A ce niveau, s'en est du gavage. Difficile d'imaginer le résultat en concert. Pris individuellement, quelques titres pourront ravir certains. Il faut parfois cependant faire l'impasse qu'il s'agisse d'"
Equilibrium" aux manettes. Ni proprement bon, ni proprement mauvais, "
Armageddon" est une véritable curiosité dans une discographie qui était jusque là redoutable. Elle pourra vous choquer, elle pourra vous plaire. Elle déplaira aux orthodoxes du genre. "
Equilibrium" rompt avec son passé, rompt avec sa nature, rompt avec l'importance et le sens des mots.
13/20
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