De l'eau aura coulé sous les ponts pour le combo russe depuis son premier et charismatique essai, «
Storyteller », sorti voilà deux ans... Le temps pour le one woman band russe créé à Moscou en 2018 par la mezzo-soprano, compositrice, parolière, pianiste et actrice Anna Moiseeva (dite ''Anna KiaRa'' (
Imperial Age)) de se muer en un quartet reposant sur l'expérience et le brio technique de ses membres. Aussi, aux côtés de l'éclectique et charismatique artiste y trouve-t-on agrégés les talents de musiciens aguerris, dont certains déjà sollicités en tant qu'invités sur l'introductif opus, à savoir : Paul Vredes (
Despair,
Sinful, ex-
Imperial Age, ex-
Autumn Woods...), aux guitares, aux claviers et au chant ; Max Tallion (Biorate, ex-
Imperial Age...), à la batterie ; Dmitry Bazanov (
Autumn Woods, ex-
Despair...), récent remplaçant d' Alexander Zakharov (Aristarh), à la basse. Une belle brochette, s'il en est !
De cette étroite collaboration, et aux fins d'un travail minutieux en studio émanera, en 2022, un second album full length répondant au nom de «
Archangel » ; une auto-production de pas moins de 16 pistes (dont deux en version russe et trois en mode orchestral) dispatchées sur un ruban auditif généreux de ses 65 minutes. Offrant dès lors un regard alternatif à ses fondamentaux, la troupe nous livre un propos rock'n'metal mélodico-symphonique classique et opératique, aux colorations dorénavant dark/death, metal moderne et cinématiques, et ce, au détriment de la fibre folk originelle. Aussi, ce message musical se place-t-il dans la veine de
Nightwish,
Xandria,
Imperia,
Dark Princess et
Imperial Age, mais aussi de
Tristania,
Draconian,
Galadriel,
I Miss My Death, Metalite, Volturian et assimilés. Est-ce à dire qu'un changement de cap serait à l'oeuvre, ou du moins, en train de s'amorcer, évacuant de fait un sclérosant bis repetita auquel nombre de leurs pairs sembleraient, consciemment ou non, voués ? Quels seraient alors les arguments susceptibles de transformer ce sérieux espoir du metal symphonique à chant féminin en une valeur montante dont l'âpre concurrence pourrait avoir à se méfier ?
Préalablement à sa dernière réalisation, le collectif nous octroya un poignant album live intitulé «
Online Winter Show », diffusé sur la chaîne yt du groupe le 23 février 2021, auquel s'ajoutèrent deux singles – «
Heaven and Hell » et «
Last Goodbye » –, quelques mois plus tard ; signe que le groupe ne sera nullement resté dans l'ombre jusqu'alors, une façon judicieuse de maintenir le lien tissé avec sa fanbase. Mais le groupe en veut plus, beaucoup plus désormais... En témoigne la qualité de production de son nouvel arrivage, à commencer par un mixage et un mastering particulièrement soignés, qui, à l'image de Grobut Neerg, Fragile Art, Cerber et
Cremated Lives, ont été laissés aux mains expertes de Ruslan Maslennikov, guitariste du groupe de doom gothique russe
Melancholy et ingénieur du son au Mincrusher Labs. Indices révélateurs d'une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos acolytes face à leurs nombreux opposants, parmi lesquels, un certain Victoria K, groupe de metal symphonique australien initialisé par sa talentueuse et polyvalente artiste, Victoria Knight...
C'est à l'aune de ses passages plus enfiévrés que le quartet russe marquera ses premiers points, non sans quelques surprises à la clé. Ainsi, on ne saurait passer outre le ''galadrien'' up tempo «
God of
War » au regard de ses rageurs et inaltérables coups de boutoir, de ses effluves death gothique et des sidérantes montées en régime de son corps orchestral. Dans une énergie plus ''nightwishienne'' et non sans afficher quelques linéarités mélodiques, l'enjoué «
Hope » poussera néanmoins à un headbang bien senti. Un poil plus déstabilisant, le ''draconien'' «
Requiem for the Immortality », pour sa part, nous mène en de gorgonesques marécages hantés par une visqueuse créature, incarnée par un interprète aux growls ombrageux, auxquels répondent en écho les fluides patines de la sirène. Un face à face dantesque ayant pour corolaire un riffing épais adossé à une frondeuse rythmique et des nappes synthétiques verglacées. Mais l'adroit archer est encore loin d'avoir décoché toutes ses flèches...
Quand le convoi instrumental retient un tantinet sa monture, nos compères trouvent à nouveau matière à aspirer le pavillon. Ce qu'atteste, d'une part, le mid/up tempo « By the Grace of the
Lord » eu égard à sa mélodicité toute de fines nuances cousue ; mis en exergue par les cristallines inflexions de la déesse et essaimant de sémillantes rampes synthétiques, et non sans rappeler
Imperial Age, cet opératique méfait se fait aussi enivrant que tortueux. Difficile également d'ignorer les sémillants arpèges d'accords tout comme les troublantes reptations du serpent synthétique du ''metalitien'' «
Archangel » ; un énigmatique mais truculent effort dont la version russe, « Архангел », renforce l'impact des impulsions de la frontwoman, qui ne sont pas sans rappeler celles d'Olga Romanova (
Dark Princess).
Dans cette même dynamique, certains passages, plus directement inscriptibles dans les charts, ne sauraient davantage rater leur cible. Ainsi, on ne restera que malaisément de marbre sous le joug du solaire et '''imperien'' mid tempo «
Last Goodbye » eu égard à son refrain immersif à souhait magnifié par les limpides oscillations de la princesse. D'autre part, c'est d'un battement de cils que les couplets finement ciselés jaillissant des entrailles du rayonnant et organique mid tempo syncopé « We Are the Stardust » se joueront de toute tentative de résistance à leur assimilation, notamment auprès du fan des premières portées du combo. Et ce ne sera pas la version russe, « Мы - звёздная пыль », dont les intonations confèrent davantage de majesté aux séries d'arpèges dispensées, qui nous déboutera de ce hit en puissance, loin s'en faut. Mais sous l'impact du toucher de la baguette magique de la fée Kiara, d'autres trésors encore s'offrent à nous...
Lorsqu'ils nous embarquent dans d'intimistes espaces, nos acolytes parviennent là encore à encenser le tympan. Ce qu'illustre, en premier lieu, « Жена князя (Prince's Wife) », troublant low tempo aux accents russes dans la veine coalisée de
Imperial Age et
Draconian. A la fois aérien et foncièrement éthéré mais nullement sirupeux, le soyeux effort ne se domptera qu'au fil d'écoutes circonstanciées pour ne plus quitter d'un pouce celui qui y aura goûté, in fine. On ne saurait davantage esquiver «
Nostalgia », ''imperienne'' ballade pétrie d'élégance, mise en habits de soie par les caressantes modulations de la maîtresse de cérémonie, et instillée de gammes au piano des plus enveloppantes. Et comment ne pas se sentir porté par l'infiltrant cheminement d'harmoniques inscrit dans l'adn de «
Heart of
Life », ballade progressive au carrefour entre
Dark Princess et
Xandria ? Romantique jusqu'au bout des ongles, se chargeant en émotion au fil de la graduelle densification du dispositif instrumental, l'instant privilégié comblera assurément les plus exigeantes des attentes de l'aficionado du genre intimiste.
La troupe a, par ailleurs, misé quelques espoirs de l'emporter à l'instar de ses pièces instrumentales, répondant ainsi à un souci de diversification en matière d'exercices de style. Bien lui en a pris. A commencer par «
Black Sun », une cinématique et atmosphérique plage impulsée par d'ondoyantes rampes organiques.
Semblant évoluer sur une mer d'huile, la classieuse et néanmoins seyante offrande se dote parallèlement de délicats arpèges échappés du maître instrument à touches. Et la sauce prend, in fine.
Dans cette logique, le combo a également repris trois des pistes de l'opus pour les muer en pièces orchestrales, donc exemptes de toute empreinte vocale et d'une quelconque patte metal. Ainsi, dénuée de ses guitares saturées et de sa fringante rythmique, et eu égard à des arrangements de fort bonne facture, la version orchestrale de « By the Grace of the
Lord » transforme l'opératique offrande en un cinématique manifeste digne d'un générique d'une grande production hollywoodienne ; une prise de risque consentie mais parfaitement assumée par le groupe. Impulsé, lui, de légers roulements de tambour et sous-tendu par une violoneuse assiste, «
Archangel » se fait ici aussi aérien qu'altier. Mais ce serait surtout «
God of
War » qui, en raison du classicisme de cette version tranche le plus avec l'originale, plus frondeuse et démoniaque ; un regard alternatif néanmoins loin de manquer ni d'emphase ni de subtilités.
Résultat des courses : Kiara nous immerge au cœur d'un propos à la fois enjoué, un brin énigmatique, parfois tortueux, et d'une confondante délicatesse, optimisant chacun des espaces sonores de la pléthorique rondelle. Techniquement plus complexe, et donc moins aisément lisible que son devancier, ce second effort diversifie cependant davantage ses exercices de style que son prédécesseur.
Plus encore, le présent effort a consenti à l'une ou l'autre prise de risque, essai transformé par nos acolytes, et qui, précisément, faisait défaut à son aîné. Mise en habits de lumière par la pénétrante empreinte vocale de la diva, jouissant d'une ingénierie du son plutôt soignée et d'une mélodicité travaillée en profondeur, l'éclectique galette aurait les armes requises pour autoriser le combo à se hisser parmi les valeurs montantes de ce registre metal, et opposer par là même une farouche résistance à son challenger australien.
Plus abouti et audacieux que son aîné, ce second mouvement, tel un cyclone inattendu, nous aspire irrépressiblement dans la tourmente...
Le morceau en écoute est vraiment bien, manque un petit je ne sais quoi pour en faire un gros hit... il s agit d un groupe non signé? C'est là que cela fait réfléchir car un groupe de cette qualité sans label...
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