Liste des groupes Sludge Metal Sycomore Antisweet

Ces anciens membres d'Anorak et Taman Shud en sont mine de rien à leur quatrième album en tant que Sycomore, et ont gardé le même line-up depuis un bail. Leur précédent LP "Bloodstone" était un bloc de granit, comme son nom l'indique, qui m'avait intrigué à sa sortie en janvier 2020, sentant que le groupe avait toutes les chances d'évoluer et de surprendre encore à l'avenir.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le trio a pris son temps pour ce nouvel LP. Sa création , débutée en 2019, s'est étirée cahin-caha sur plusieurs années, avec la période chaotique du confinement au milieu, et s'est concrétisée avec l'enregistrement commencé en août 2022, à Amiens au studio Ad Astra puis au studio New Stage, puis le mixage en trois phases à Amiens et en Espagne au Studio 9, et enfin le mastering à Amiens en mai 2023, le tout produit par Sycomore eux-mêmes et Ben Moritz.

On peut noter un changement venu coté label : après l'écurie transalpine Argonauta Records, c'est chez Source Atone Records, pépinière du métal extrême français (Demande A La Poussière, Nature Morte, Korsakov, Junon,...), que Sycomore continue son chemin. "Antisweet", et sa chouette pochette issue d'une photo prise par presque accident, est sorti le 24 novembre 2023.


Dans les grandes lignes, on pourrait croire que la musique du trio n'a pas trop changé : c'est comme si Unsane, Mastodon et At The Drive In se mélangeaient, sans que cela ressemble vraiment à l'un ou l'autre de ces groupes, Sycomore a vraiment sa patte, entre sludge, post hardcore et noise. Et avec sa basse extrêmement présente dans les riffs et mélodies, ils ont toujours ce côté très rock un peu à la manière des regrettés bordelais Sleeppers, tiens, j'avais déjà fait la remarque dans ma précédente chronique des amiénois…

Pour tout dire, j'appréhendais le premier contact, car j'avais eu un peu de mal à rentrer dans "Bloodstone" à l'époque, mais ici la musique du combo est plus variée, moins monolithique, et chaque titre a une idée forte qui fait mouche.

Plus que jamais, ils sont capables de tout, à l'image des parties de batterie hautes en couleur de Guillaume Mallard. Blasts, cavalcades de toms, rythmiques chaloupées ou rentre dedans se succèdent avec fluidité. Au point que c'est à se demander si les morceaux ne sont pas composés à partir des rythmiques, à l'instar de ce qui peut se passer chez Gojira par exemple. Le chant est plus frontal et puissant que par le passé, et un cap a été nettement franchi de ce côté-là. Les parties de guitare sont denses et pleines d'idées, toujours bien articulées avec les lignes de basse de Guillaume "Desta" (la fin de "Hear the Wind", envoûtante).

Les titres sont de longueurs conséquentes pour la plupart, prenant le temps d'errer jusqu'à un outro, plus ou moins court, de bruits, samples, gribouillis de cordes : choix judicieux qui ajoute de l'ambiance et aère l'opus ; quitte à ce que l'auditeur risque de zapper, autant que ce soit à la fin d'une piste qu'au début. Homogène, "Antisweet" n'a pas de point faible et est vraiment abouti. Se détachent "Like Sulfur" et ses riffs aussi évidents que puissants, et "Masquerader" qui surfe avec maestria sur les vagues extrêmes, crêtes blastées et reflux de noise groovy, ou encore le refrain contagieux crié en chœurs de "Hear the Wind". L'album finit en puissance avec "Captain Vitamin", qui comporte un ghost track instrumental furibard après son outro de bruits lancinants.

Je trouve qu'avec les réécoutes, ce disque doux-amer devient encore plus attachant, avec un coté presque prog et psychédélique grinçant quand il digresse. Avec "Antisweet", Sycomore a approfondi son style et exploré sa personnalité, sans se perdre en route.