Près de quatre années de silence radio envolées déjà depuis son introductif et délicat EP, «
Ophelia »... Une éternité pour sa fanbase ! Aussi, déjouant tout pronostic, voici le combo allemand enfin remis en selle, et ce, à l'aune de son tout premier album full length, «
Anthropocene » ; auto-production où 11 pistes inédites se dispatchent sur un ruban auditif de 47 optimales minutes. Concocté par la frontwoman et pianiste Stefanie Duchêne (ex-
Flowing Tears), le bassiste David Buballa, le batteur Michael Stein (
Final Chapter,
Red Circuit, ex-
Civilization One), le guitariste Moritz, sans oublier T. aux guitares et aux claviers, ce nouvel arrivage serait-il de nature à hisser nos acolytes parmi les valeurs montantes de ce registre metal ? Près de 7 ans suite à sa sortie de terre, le collectif teuton pourrait-il tenir l'âpre concurrence de ses nombreux homologues en respect ?
Conformément à ses aspirations premières, le quintet allemand nous immerge à nouveau au sein d'un univers rock'n'metal atmosphérique gothique et mélodique des plus enivrants, un brin éthéré et aux arpèges d'accords des plus délicats. Aussi, ce frais arrivage marche-t-il, à son tour, dans l'ombre de
Flowing Tears,
Theatre Of Tragedy,
Octavia Sperati,
Lacuna Coil,
Darkwell,
Autumn et
The Gathering. Une traversée en eaux limpides à la profonde agitation intérieure, en somme. Un set de compositions qui, comme celui de son aîné, se voit mis en valeur par une production d'ensemble de bonne facture, à commencer par une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut et une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation. Mais embarquons sans plus attendre à bord du vaisseau amiral...
A l'instar de son devancier, le convoi orchestral du présent méfait retient le plus souvent les chevaux, non sans essaimer quelques pépites sur sa route. A commencer par le sensuel mid tempo « One Day » qui, à la confluence de
Darkwell et
Autumn, nous assène ses riffs grésillants et sa basse vrombissante tout en se calant sur un prégnant sillon mélodique ; mis en habits de lumière par les fluides impulsions de la belle, couplets finement ciselés et refrains catchy glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis. Un poil plus éthéré, et non sans rappeler
Flowing Tears, le mid tempo atmosphérique gothique aux riffs émoussés « The
Mask » se fait, lui, aussi pénétrant qu'énigmatique ; à la déesse, eu égard à ses inflexions éthérées, de contribuer à nous aspirer dans la tourmente. Dans cette mouvance, au regard de son seyant paysage de notes, ayant pour corolaire une mélodicité toute de fines nuances brodée, le félin « Little While », pour sa part, poussera à un headbang subreptice et quasi ininterrompu.
Dans une même énergie, quand l'atmosphère se fait un tantinet plus suffocante, le collectif germanique trouve à nouveau les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce qu'atteste, d'une part, « New Ways », tortueux mid tempo aux riffs brumeux adossés à une rythmique graveleuse et tourbillonnante, à mi-chemin entre
Flowing Tears et
The Gathering. Disséminant de répétitifs mais hypnotiques gimmicks guitaristiques, et égrainant parallèlement un entêtant refrain mis en exergue par les enivrantes volutes de la sirène, l'intrigant effort ne saurait être esquivé par le chaland. On pourra, par ailleurs, opter pour «
Hollow », énigmatique mid tempo au carrefour entre
Autumn et
One Without, pour la délicatesse de ses couplets comme pour ses enchaînements intra piste des plus sécurisants.
Lorsqu'ils se font plus tendres, nos compères pourront non moins pousser l'aficionado du genre intimiste dans ses ultimes retranchements. Ce qu'illustre, en premier lieu, « Heartbeats », somptueuse ballade a-rythmique dans la veine atmosphérique d'
Imperia, où un céleste piano/voix calé sur une confondante fluidité mélodique vient nous caresser le tympan. Un instant privilégié, magnifié par le gracile filet de voix de la maîtresse de cérémonie, propice au totale enivrement de nos sens. Dans ce sillage s'inscrit «
Lullaby », violoneuse ballade, certes, un poil moins immersive que sa cousine, mais pétrie d'élégance. On pourra, enfin, se laisser porter par les subtils arpèges d'accords de l'''autumnienne'' ballade atmosphérique gothique « Shattered Mirrors », et ce, en dépit de quelques linéarités mélodiques.
Quand elle en vient à accélérer le rythme de ses pas de danse, la troupe parvient non moins à nous assigner à résidence. Ainsi, difficile d'éluder l'infiltrant cheminement d'harmoniques au sein duquel nous plonge le ''lacunacoilesque'' mid/up tempo syncopé « Bandaged
Eyes ». Octroyant une insoupçonnée et grisante montée en régime de son corps instrumental tout en se greffant sur une sente mélodique des plus enveloppantes, le tubesque manifeste pourrait même se jouer de toute tentative de résistance à son assimilation.
En dépit de ses mérites, le méfait ne va pas sans accuser l'un ou l'autre bémol. S'il ne s'est guère montré malhabile dans un schéma progressif, exercice de style encore inédit pour lui, le combo semble cette fois moins apte à recueillir l'adhésion. Ainsi, si le refrain inscrit dans la trame de « Weakness » s'avère des plus efficaces et les patines de la frontwoman envoûtantes, le ''gatherien'' mid tempo progressif mettra toutefois à mal les meilleures volontés, tant par sa tardive mise en route que par son break nébuleux et inutilement étiré. On peinera non moins à se voir happé par le ''darkwellien'' low/mid tempo « DNR », au regard de séries de notes aussi lascives que répétitives. Bref, un écueil que les grisantes modulations de la belle ne permettront guère d'éviter.
Au final, le quintet teuton nous octroie une œuvre à la fois subtile, énigmatique et frissonnante, marchant sur les traces de sa modeste et délicate aînée. Jouissant à son tour d'une ingénierie du son de bon aloi et d'arrangements instrumentaux aux petits oignons, c'est dire que le confort auditif procuré par cette galette octroie au chaland un voyage sans escales. Le groupe est parallèlement allé à l'exploration de nouveaux horizons stylistiques ; si l'exercice semble encore balbutiant, le groupe n'en a pas moins concédé une louable prise de risque.
Tout comme son devancier, cet opus manque quelque peu de tonicité percussive, nous menant même parfois sur de mornes plaines. Les qualités techniques et l'inspiration mélodique, auxquelles s'adjoignent la sensible empreinte oratoire de la belle, la charge émotionnelle délivrée et l'authenticité de ses gammes, nous font toutefois comprendre que cette offrande aurait les armes requises pour permettre au combo de jouer dans la catégorie des sérieux espoirs de ce registre metal, que la concurrence se fera fort de ne pas ignorer. A l'aune de ce subtil et troublant effort, l'aventure se poursuit sereinement pour le combo teuton...
Achat physique ou numérique ? Je pose simplement la question car beaucoup de groupes que tu chroniques sont en auto production, donc peut-être assez difficiles à trouver. Sympa le morceau mais manque quelques atouts pour jouer parmis les cadors du genre.
Comme bon nombre d'albums que je chronique aujourd'hui, celui-ci a été acheté en numérique ; il est d'ailleurs disponible aussi bien sur le bdcp du groupe (y comprris dans sa version physique) que sur amazon, donc, pas de souci si tu veux te le procurer. Plus généralement, si je porte à la connaissance du lecteur un album sans label via une chronique, je m'assure qu'il soit tout de même accessible soit par les voies ci-dessus évoquées, soit par les plateformes de streaming préconisées par les groupes eux-mêmes, soit par leur soundcloud, ou encore en passant par leurs sites officiels, s'ils existent, ce qu'il m'est déjà arrivé de faire.
Il se peut, par ailleurs, que ces sorties d'albums se limitent à un nombre restreint de copies, donnée que je ne maîtrise malheureusement pas, auquel cas, je comprends le sentiment de frustration de ne pas, ou plus, pouvoir se les procurer. Cela dit, comme les groupes peu connus et qui mériteraient de l'être ont souvent ma faveur, on pourra comprendre qu'en dépit d'un risque de pénurie que peut impliquer un tirage drastiquement limité d'exemplaires, je souhaite malgré tout continuer à faire profiter le lecteur d'une rareté qui a pu me faire vibrer à un moment donné, et parfois sur la durée. Quand le feu de la passion continue de brûler...
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