Si l’infâme et on ne peut plus nauséabond 24 septembre 1991 marque indéniablement la fin médiatique du sacro-saint sleaze rock/hair metal et tente tant bien que mal de brouiller les pistes entre inculture de masse et culture underground dans d’uniques et pathétiques buts mercantiles, les groupes à perruques et bâtons de rouge à lèvres glossy n’ont jamais cessé d’exister et de se développer à l’écart dès lors des projecteurs et de MTV plus occupée à mettre en scène des adolescents laids et dépressifs sur fond de garage rock rudimentaire et imprécis. En grande partie influencés par le mythique et immuable
Pretty Boy Floyd de West Hollywood qui en 1989 avait régénéré le style et haussé les standards de la scène glam à un niveau supérieur en proposant notamment un sleaze metal puissant et hyper efficace tout en cultivant un sens de l’esthétisme des plus aigus tant au niveau de la magnifique pochette du légendaire «
Leather Boyz with Electric
Toyz » que de l’accoutrement des quatre prostituées transsexuelles composant le groupe que sont les Steve «
Sex » Summers, Kristy « Krash » Majors, Vinnie Chas et autres Kari « The Mouth » Kane ; de nombreux combos naquirent à l’aube des 90’s à
Los Angeles et même ailleurs dans l’ignorance et le désintérêt quasi total du grand public et des médias généralistes pour constituer un sous genre underground du style que nous chérissons tant dénommé le Bubblegum Glam
Metal.
Big Bang Babies,
Heart Throb Mob,
Alleycat Scratch, Queeny
Blast Pop et
Penny Lane sont autant de groupes d’anthologie ayant apporté ses lettres de noblesse à cette scène trop méconnue à laquelle il convient aujourd’hui de rendre hommage.
Penny Lane se forme en décembre 1990 à Fairfield dans le New Jersey de
Bon Jovi et de
Skid Row autour du batteur Billy Gash qui recrute pour l’occasion via une annonce dans le magazine East Coast Rocker le guitariste Cristi Layne et son pote de lycée et accessoirement bassiste Raci Starr. A l’arrivée du chanteur blond peroxydé et sosie physique de Stevie Rachelle de
Tuff Britt Ne’Wilde au sein du groupe, le line up de ce dernier baptisé d’après le hit mielleux des Beatles de 1967 s’avère être au complet et prêt à casser la baraque des clubs rock de la Côte Est en y prodiguant avec classe et détermination son glam metal « poppy » selon les propres termes du bassiste Raci Starr. Influencé principalement par les légendaires et immuables
Poison et
Pretty Boy Floyd desquels ils héritent tant du hard rock/metal acidulé et sleazy que d’un goût prononcé pour l’esthétisme et le transformisme rock n’ roll option glamour fluorescent et multicolore,
Penny Lane parvient très rapidement à se créer une solide réputation scénique et visuelle qui le verra notamment habiter les pages underground des magazines
Metal Edge, RIP,
Live Wire, Kerrang! et autres
Metal Forces. Sacro-saint underground oblige,
Penny Lane ne sortira jamais d’albums longue durée mais gratifiera néanmoins ses nombreuses admiratrices et groupies pré-pubères de divers EP’s en format cassette alors uniquement disponibles auprès du quartette glam de Fairfield via mail order. Après le split initial du groupe à la fin des 90’s, le label allemand
Red Skunk Recordz décide de faire redécouvrir l’univers affriolant du Bubblegum Glam
Metal de
Penny Lane au plus grand nombre en sortant en 2008 «
Anthology 1991-1998 » compilant pour l’occasion et pour la première fois sur CD (R) les quatre EP’s/démos ayant contribué à forger le mythe de cette mystérieuse scène glam souterraine.
Qui s’avère être amateur de groupes underground connait sans doute les joies et les peines qu’une telle passion peut impliquer : d’un côté la satisfaction culturelle extraordinaire de découvrir et d’apprécier des groupes aux démarches authentiques en marge du mainstream et la possibilité de nouer des contacts on ne peut plus constructifs avec ses acteurs, mais de l’autre ; sacrifier quelque fois la qualité sonore de la production des supports concernés sur l’autel d’une intégrité obligatoire et quintessentielle. En cela, difficile de s’imaginer à mesure que l’on libère de son cellophane la précieuse galette que l’on aura affaire avec cette anthologie de
Penny Lane au gros son auquel l’industrie musicale et son business juteux nous a habitués depuis le début de notre histoire d’amour avec Dame Rock N’ Roll. Et pourtant ! Après une courte introduction n’étant pas sans rappeler celle ouvrant la bombe «
Leather Boyz with Electric
Toyz », « Love You Forever » met en scène un subtil mélange de hard rock et de heavy metal relevé d’une sauce glam pop hyper sucrée, le tout très bien produit pour le plus grand plaisir d’un auditeur initialement dubitatif quant au rendu de titres enregistrés vingt ans plus tôt sur cassette par un combo alors à l’aube de son existence. Les excellents et surtout très efficaces « Baby Doll », « Crush On You » et autres « Cherry Pop » sont autant d’hymnes glam metal adolescents qui scellent le concept musical de
Penny Lane : un pop glam metal haut en couleurs et catchy interprété par des musiciens maitrisant leur instrument sans être des virtuoses et un bon et charismatique vocaliste dont le timbre semble rappeler ceux de
Stephen Pearcy et de
Vince Neil des légendaires
Ratt et Mötley Crüe ; figures de proue du hair metal depuis la première moitié de la décennie 80. Constitué de six morceaux plus efficaces les uns que les autres ; le premier EP du combo de Fairfield sorti en 1991 laisse aussi une place indispensable aux velléités romantiques de ses membres maquillés à travers la somptueuse mais très stéréotypée ballade « Goodbye » fortement influencée (plagiat ?) par le « More Than Words » d’
Extreme. Le début de l’année 1992 voit la parution du deuxième EP de
Penny Lane constitué de deux morceaux qui deviennent alors les tubes du quartette fronté par Britt Ne’Wilde : les très catchy et inspirés « Seal It (with a
Kiss) » et surtout « Now’s the Time » confirment la démarche conceptuelle du groupe autour de la thématique « sex, drugs & rock n’ roll » version cours de récréation cependant et d’un glam metal de très bonne humeur et on ne peut plus débordant d’énergie.
Alors que les deux premières productions du combo marquent immanquablement de par leur son d’une qualité plus qu’honorable pour des EP’s autoproduits, il convient de retourner avec le EP de 1995 intitulé « Doin’ it in the
Basement » aux standards sonores propres aux premières démos de jeunes groupes en devenir. Le batteur et fondateur Billy Gash ayant effectivement quitté le groupe pour incompatibilité d’humeur avec ses collègues, ce troisième EP comme son nom le laisse supposer s’avère être enregistré et produit dans le sous sol du bassiste Raci Starr. Rebaptisé
Wild pour l’occasion,
Penny Lane ne change la recette d’un iota et continue de prodiguer son glam metal « poppy » dans les cavités auriculaires de jeunes pucelles middle class en manque de sensations fortes à travers trois morceaux relativement simples structurellement parlant mais relativement efficaces que sont les « Slam », «
Blood from a
Stone » et autres « Thought it was You ». En deçà des deux premiers EP’s de
Penny Lane d’un point de vue qualitatif, « Doin’ it in the
Basement » convainc néanmoins
Ted Poley de
Danger Danger de vouloir signer
Wild sur Now & Then Records pour la sortie d’un full length. La démarche n’aboutissant finalement pas,
Wild redevient
Penny Lane et déménage enfin à
Los Angeles afin de tenter le tout pour le tout et vivre la rock n’ roll way of life ailleurs que dans un suburb ouvrier de la Côte Est. Ironie du sort et du destin, l’expérience hollywoodienne de
Penny Lane tournera plutôt court malgré la sortie de l’ultime EP « Tails ». Alors que le combo faisait dans le glam metal acidulé sous la grisaille industrielle du New Jersey, le voilà en plein cagnard hollywoodien à vouloir marcher dans le sillon des Bruce Springsteen, John Mellencamp et autres heartland rockers à travers un classic rock marqué notamment par des rythmiques folk et des soli d’harmonica que le
Boss et son E Street Band n’aurait renié pour rien au monde à l’époque des inoubliables «
Born To Run » et autres «
Darkness on the Edge of Town ». A défaut d’être un mauvais support, « Tails » ne parvient pas à coller avec l’identité Bubblegum Glam
Metal que le commun des mortels s’avère être en droit d’attendre de
Penny Lane et de ses ballons de baudruche. Méconnaissable vocalement, Britt’Ne Wilde ainsi que ses compères semblent alors avoir définitivement troqué la trousse de maquillage premier prix et les foulards multicolores contre l’attirail vestimentaire des rednecks millionnaires de la hot country que sont entre autres les Keith Urban, Brad Paisley et autres Kenny Chesney.
On ne peut plus représentatif du courant Bubblegum Glam
Metal qui au cours des sombres années 90 a continué tant bien que mal à faire se déhancher les fanatiques de sleaze rock/hair metal non résolus à se convertir aux cheveux gras et aux chemises de bûcheron deux tailles trop grandes et trouées de surcroit,
Penny Lane nous fait partager grâce à cette surprenante anthologie son univers glam orthodoxe et ultra coloré sans aucune concession lorsqu’il s’agit de narrer avec brio la vie sentimentale de tout teenager qui se respecte vivant dans l’exubérance de la première puissance mondiale d’inculture… et de culture. Présentant du bon comme du moins bon, la carrière « discographique » du combo bubble de Fairfield offre néanmoins l’avantage de proposer une démarche musicale libre et authentique n’ayant pas été rongée par les dents acérées du music business et de ses influences néfastes sur la créativité des artistes concernés. Inspirés, catchy et débordants d’énergie positive, les hymnes pop glam metal des quatre EP’s de
Penny Lane compilés sur cette galette inespérée feront le bonheur des amateurs du genre pour lesquels
Pretty Boy Floyd constituait le chapitre ultime et digne épilogue du metal à perruques.
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