Liste des groupes Hard Rock Greta Van Fleet Anthem of the Peaceful Army

Nouvel inscrit sur SOM, je me suis dit qu’il était normal de mettre la main à la patte, et d’écrire sur un album vierge de chronique. Alors je me lance, en espérant faire ça plus ou moins comme il faut.

Greta Van Fleet donc. Voilà un groupe plus difficile à chroniquer qu’il ne semble ! En écoutant ce deuxième album, la question que je me suis posée était sans cesse : qu’est-ce que je pense sincèrement de la ressemblance entre Greta Van Fleet et Led Zeppelin, sujet de tant de polémiques ?
La question serait vite réglée si la musique de GVF était techniquement mauvaise, et ce ne serait alors qu’un groupe d’ados s’amusant à copier en moins bon ce que d’autres ont fait. Le hic, c’est qu’on ne peut pas honnêtement affirmer que la musique est mauvaise. C’est même globalement très bon : les riffs de guitare sont très efficaces et donnent envie de conduire fenêtres ouvertes, cheveux au vent et clope au bec ; la batterie sait varier entre une présence classique de fondation rythmique et une lourdeur plus intense (comme dans le titre Brave New World), tout cela sans parler de la voix du chanteur qui est tout de même incroyable, le tout accompagné d’une excellente production. Donc je l’affirme : Greta Van Fleet fait du très bon rock. La moitié des chansons sont des tubes, et je donne une mention spéciale à Age of Man, qui est sans doute mon morceau préféré : une sorte de ballade aérienne très réussie, qui aurait méritée de terminer l’album selon moi. Et même si la deuxième moitié de l’album baisse un peu en qualité due à des ballades trop fades et cliché à mon goût (You’re the One ou Mountain of the Sun), le tout reste solide.

Venons-en alors au cœur du problème : GVF fait du Led Zeppelin. C’était bien entendu déjà le cas sur le premier album avec des titres comme Safari Song, Edge of Darkness et surtout Highway Tune, sans parler de leurs performances en live où Joshua Kiszka (le chanteur) non seulement chante comme Robert Plant, mais imite aussi ses mouvements de mains, son style vestimentaire, etc. Après, quand on sait que les membres avaient entre 18 et 20 ans, ne faut-il pas garder un regard bienveillant vis-à-vis de jeunes qui sans doute cherchent encore leur identité musicale, et trouvent donc tout naturellement plus confortable d’emprunter celle d’artistes qu’ils admirent ?

Mais qu’en est-il de ce deuxième album ? Ont-ils laissé la maturité féconder leur musique ? Eh bien… pas du tout. Anthem of the Peacefull Army ressemble encore plus à Led Zep. Ont-ils été mal conseillés par des producteurs assoiffés de profits ? Je n’en sais rien, en tout cas il suffit d’écouter The Cold Wind, When the Curtain Falls, ou encore Lover, Leaver pour entendre les riffs de Page, la modulation de voix de Plant et les ponts caractéristiques de Led Zep (écoutez comment sur Lover Leaver Joshua pose sa voix sur la reverb, et Whole Lotta Love vous saute à la mémoire).

Est-ce donc la conclusion ? Doit-on simplement considérer GVF comme un vulgaire plagiat, et leur conseiller de créer un Tribute Band de Led Zep plutôt que de nous servir un plat réchauffé ? Eh bien… Les choses semblent plus complexes, et en vérité je déteste entendre un fan de Led Zep beugler : « Voyez comme ces jeunes pillent Led Zep, c’est insupportable », car quand on sait comment Led Zep a pompé musique et paroles sur le rock du début des années 60 ainsi que sur le Blues des années 50, c’est tout de même l’hôpital qui se fout de la charité. Donc si GVF est à mettre à la poubelle sous prétexte qu’ils pillent Led Zep, alors on met ces derniers dans la même poubelle puisqu’ils pillent Muddy Waters, Howllin’ Wolf, Joan Baez et Small Faces.

Est-ce donc la nouvelle conclusion ? Chaque artiste est plus ou moins le pilleur d’autres, et il faut donc simplement apprécier la bonne musique de GVF sans se préoccuper d’où ils sont allés faire leurs courses musicales ? Eh bien… Les choses semblent plus complexes. Car c’est tout de même un peu facile de dire que tout artiste est influencé dans ses créations. C’est une banalité qui sert souvent à aplatir le débat et qu’il faut donc combattre. Car enfin, est-ce qu’influence et caricature sont synonymes ? Est-ce qu’imiter et singer sont la même chose ? Bref, héritage et pillage sont loin d’être équivalents, et si tout artiste est influencé, c’est au sens où il prend ce qui n’est pas de lui pour le faire sien, faisant subir à la source une transfiguration. C’est ce qu’on appelle mettre sa patte, un peu comme les bonnes reprises ; un exemple au hasard ? Babe I'm Gonna Leave You de Led Zep. Voilà une reprise où l’on ne peut nier la patte de l’artiste, au point qu’on pourrait dire que cette chanson est de Led Zep, tant ils la subliment.

Au fond, je crois que la musique de Greta Van Fleet est moins intéressante que les questions qu’elle soulève, à savoir le rapport que la nouvelle scène entretient avec son passé. Car les critiques n’ont pas tort de reprocher à GVF ou Airbourne (qui fait exactement la même chose que GVF mais avec AC/DC), leur cruel manque d’inventivité, et la prolifération du copiage historique affaiblit la capacité à édifier l’avenir, car je crois que ces musiques créent chez les nouvelles générations un sentiment d’être né trop tard ainsi que l’idée du déclin de leur culture. Alors quand j’entends dire que GVF ou Airbourne font renaître le rock, je crie un gros « NON ! Au contraire ils le mettent à mort en s’interdisant de le modeler, en ne faisant que le prendre comme une statue ». Car quoi de plus mort qu’un visage de pierre qu’on ne peut plus travailler, et qui ne pourra plus jamais surprendre ? C’est pourquoi je réagis avec la même réserve face à la nouvelle scène de metal revival et sa prolifération de groupes de Thrash/Heavy.

En conclusion, il m’est difficile de noter cet album. Si l’on faisait abstraction de toute cette question d’héritage/pillage, je mettrais un 17 ; et prenant en compte tout ce que j’ai dit plus haut, je serais tenté de mettre une notre proche de 0, puisque je considère ce type de musique comme morbide. Au fond, Greta Van Fleet, Airbourne et d’autres ont peut-être inventé un genre de plus, le « Funeral rock », où l’auditeur visite un album comme on visite un musée d’archives.

Je laisse le mot de la fin à un Fragment Posthume du philosophe-musicien Nietzsche, qui résume parfaitement ce que je voulais dire : « La vie exige qu’on identifie le présent avec le passé, de sorte qu’une certaine violence, une certaine déformation est toujours liée à la comparaison. J’appelle cet instinct l’instinct de ce qui est classique, de ce qui possède une valeur exemplaire : le passé sert de modèle au présent. A cela s’oppose l’instinct traditionaliste, qui s’efforce de saisir le passé comme passé, sans le déformer, sans l’idéaliser. Le besoin de vivre requiert l’instinct classique, car il soumet le passé à un traitement artistique, il le transfigure par la force de l’art. »