Lorsque l’on annonce que le metalcore est le metal de demain, bon nombre d’observateurs illuminés ou négativistes aiment à dire qu’il n’en sera rien, qu’il ne s’agit que d’une mode sans lendemain, à l’instar du neo metal qui est rapidement devenu trop grand pour finir par crouler sous sa propre passivité.
Cependant, il semblerait que, malgré tout, le metalcore lui, subsiste et mute vers des horizons de plus en plus différents pour devenir un genre à part entière, certes décrié, mais de plus en plus légitime. Certes, les poncifs sont encore nombreux, entre les tics vocaux parfois systématiques, les riffs syncopées bien trop souvent hérités de
Meshuggah,
Machine Head ou
Gojira, qui ont bien involontairement offert une source inépuisable d’inspiration à cette jeune horde de loups en furie.
Inévitablement, entre un
Sonic Syndicate, un
Caliban, un Lamb of
God,
Enter Shikari,
Killswitch Engage voir
The End ou encore
Periphery, il y a des univers d’écarts, des mondes complètement différents, allant des plus personnels au plus stéréotypés, en passant par des musiciens allant parfois vers de la musique expérimentale ou sombrant à l’inverse dans des soupes bien plus pop.
Magoa, jeune groupe français, officialisant aujourd’hui son premier disque avec Klonosphere pour son premier ep (après un album complet, oui, ces jeunes hommes font les choses à l’envers !), se situe à pas mal d’horizons différents.
Nous ne sommes clairement pas dans la catégorie du metalcore américain facile d’accès et excessivement mélodique, ni dans la folie pure et jouissive d’un
Enter Shikari et encore moins dans l’univers djent polyrythmique d’un TesseracT. Non, on se rapproche ici plus volontiers d’un metalcore presque progressif à la
Scarve avec de bonnes inspirations venant de
Devin Townsend, notamment quelques réminiscences très audibles dans les vocaux.
Clairement, avec "
Animal",
Magoa impressionne sur ce six titres tout d’abord avec une production impitoyable d’une puissance sonore dantesque et surtout d’une densité démentielle, chaque élément étant parfaitement audible et chaque riff ou coup de pédale étant une énorme déflagration en pleine face. Il suffit de regarder le clip (et très bien fait en plus, ces jeunes ont définitivement du talent) d’"
Animal" pour s’en convaincre. Oui, le riff est syncopé et brise-nuque, oui le chant est hurlé et le passage en semi-claire pourrait évoquer
Scarve avec un phrasé que Guillaume Bideau ne renierait pas (tout du moins avant qu’il ne rejoindre
Mnemic ou ne forme
One-Way Mirror) mais bordel, quelle énorme agressivité et puissance à venir concurrencer une enclume. De même, l’incursion subtile et insidieuse de synthétiseurs sur la fin de la composition démontre une certaine maitrise de la composition, maitrise complètement exploité les autres titres. "Enemy" est un véritable rouleau compresseur qui, sans une originalité folle, permet à
Magoa d’imposer une maitrise impitoyable et une supériorité naturelle qui se transforme presque en autorité, comme s’ils étaient depuis toujours au sommet de la chaine alimentaire. Les vocaux déchirés, et ces quelques claviers, ne sont pas sans rappelés ce qu’auraient pu faire Slipknot s’ils faisaient encore de la bonne musique (notamment au niveau de l’orientation plus tranchante de "All
Hope is Gone").
En revanche, un morceau comme "React" s’éloigne dans des passages plus postcore, comme l’a fait récemment
Le Dead Projet sur l’intense "Keep on Living", alors que l’initial "A Thousand Lives" semble un grand exutoire à la rage folle mais d’une jouissance extrême. Il est même rare d’entendre un metalcore aussi jouissif dans sa rage sans concession, entre riffs à découper au hachoir et blast beat à venir te déchirer les vertèbres en quatre. Les hurlements de Cyd sont d’une grande qualité et le seul reproche que l’on pourrait faire à cet
Animal serait finalement de n’être qu’un ep car il est certain que l’ensemble est bien trop court. Pour faire durer le plaisir, le groupe propose dans chaque digipack un code pour télécharger un septième titre ("Let’s
Die [on Saturday
Night]") avec en invité Shawter (
Dagoba) derrière le micro, pour un titre toujours autant destructeur, si ce n’est plus, où le marseillais se montre sous son meilleur visage pour délivrer une bombe de furie et de violence moderne comme on en entend malheureusement trop peu. On ressent cette urgence, cette brutalité excessivement liée à la jeunesse et à la fougue, cette nervosité que les groupes ne possède qu’un temps et qu’il faut profiter au maximum pour composer ses propres classiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit,
Animal n’est composé presque que de futurs classiques du groupe qui, s’il continue dans cette voie, risque bien d’exploser les frontières en peu de temps. J’apporterais juste une réserve sur "
Sharks", faute de gout à mon humble avis, aux chœurs ratés et ridicules, dans une veine rock californien qui ne leur sied que trop peu.
Que dire de plus si ce n’est que cet ep défriche un style qui en a bien besoin, en posant des bases très solides et en donnant surtout furieusement envie d’en entendre plus, surtout en live.
Magoa est une furie positive qui donne envie de tout détruire mais qui motive tout autant par sa violence communicative. A se demander qui d’eux ou de nous est l’
Animal le plus sauvage…
Par contre, dire que la scène Néo a "fini par croulé sous sa propre passivité", c'est mal la connaitre, je pense. Quand on voit Korn qui vient au Hellfest, le dernier album de Limp Bizkit qui est génial, tout comme celui de Deftones, ou bien même les plutôt bonnes sorties de POD ou Ill Nino.
Pour un style qu'on enterre, je trouve qu'il s'en sort bien.
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