Sans avoir la qualité de divertissement de Julien Lepers, je vous propose une petite devinette :
Top, je suis un groupe suédois
-
Opeth ?!
Qui pratique le
Doom Metal
-
Candlemass !!
Bien moins connu que le groupe de Leif Eidling
-
Grand Magus ??
Mais dont la musique est tout autant empreinte de désespoir, je suis je suis… ?
- (Après une profonde hésitation)
Isole ?
Mais oui mais oui, il s'agissait bien évidemment du groupe
Isole, fondé en 2003 à Gävle (ville au nord de la capitale). Sa discographie impressionne par la fréquence de ses productions. Les Suédois ont eu la générosité de sortir six albums en une petite décennie, avec notamment le mémorable "
Silent Ruins" de 2009, véritable pierre angulaire de leur œuvre, avant de ralentir le rythme. Il a en effet fallu attendre 5 longues années depuis ''
The Calm Hunter" pour la sortie de "
Dystopia", et quatre pour l'album qui nous intéresse aujourd'hui, le bien-nommé "
Anesidora".
Ce prénom vous est peut-être étranger, mais il s'agit dans la mythologie grecque de la première femme, bien plus connue sous le nom de Pandore. Celle dont la boîte tristement célèbre contenait l'ensemble des maux de l'humanité avant qu'ils ne se répandent sur la Terre. Nombre d'entre eux seront évoqués au cours de cet album (orgueil, misère, folie, vice, espérance) qui, dans un souhait quasi autistique, et ce n'est pas Hoest de
Taake qui nous contredira, contient comme tous ses prédécesseurs 7 morceaux.
C'est "The Songs of the Whales" qui ouvre le bal, et nous retrouvons très rapidement les ingrédients qui font la force du quatuor suédois : la lourdeur écrasante des instruments alors que la voix enchanteresse de Daniel Brytse nous emporte, parfois rejointe par celle de Crister Ollson, compositeur principal, qui offre une polyphonie et permet une fois pour toutes de distinguer le groupe souvent relégué à une simple copie de
Candlemass. Un constat se pose immédiatement : là où le groupe avait pris l'habitude de thématiques aussi joyeuses que le désespoir, le néant et la solitude, c'est ici l'espérance qui prédomine. Son chant appelle les générations futures à se reconnecter aux sons de la nature pour sauver notre monde du fonctionnement actuel dans lequel l'Homme s'est lui-même empêtré. Le titre du morceau y est scandé à plusieurs reprises de façon unique et on peut saluer l'effort de l'homme derrière le micro pour l'intention qu'il apporte dans son phrasé aussi puissant que varié.
Ce changement d'optique se retrouve également sur « Open Your Mind », véritable appel à l'affirmation individuelle pour une reconstruction collective sur la base de la raison, pour sortir des schémas de pensée imposés par les puissances en place. Ce titre finit de convaincre sur les capacités vocales de Daniel Brytse, qui descend dans des graves que l'on ne lui connaissait pas. L'intro à la guitare acoustique se veut feutrée, tout en sensibilité avant qu'elle n'invite dans la danse le reste des instruments, pour une intensité mélancolique admirable. Les nappes de clavier ajoutent encore à cette ambiance morose et nous amènent à penser que cette prise de position face à l'oppression n'est guère aisée. Ce morceau est l'un des rares à nous offrir un bouleversement dans son tempo pour quelques envolées jouissives. Gare à votre nuque seulement échauffée par le riff de "
Forgive Me" et sa double grosse caisse galopante. Et si douleurs il y a, le groupe vous présente ses plus plates excuses au cours de ce morceau où il y verbalise son espoir d'apaisement.
Rappelez-vous, dans les différents éléments dispersés à l'ouverture de la boîte de Pandore se trouvait aussi la folie. Nous en avons un très bel exemple dans le morceau au nom évocateur «
Twisted Games ». Les premières notes de guitare nous apparaissent d'emblée comme une invitation à un jeu des plus malsains. Le chant nous parvient avec toute sa force, alors que les couplets se basent sur une alternance de deux voix qui se répondent. L'une dominatrice, l'autre victime de ce jeu pervers, où l'arrivée du growl abyssal du bassiste Jimmy
Mattsson nous cloue au sol. On le retrouvera sur une bonne partie des compositions pour apporter encore davantage de variété aux lignes vocales proposées par nos Suédois. Sa prestation sur "In Abundance" y est formidable de lourdeur avec son timbre gras et légèrement plus grave que celui de Henrik Lindenmo, précédent maître d'œuvre de cette technique ayant quitté le navire après "
Born from Shadows" paru en 2011. Il y est soutenu par une batterie percutante signée Victor Parri, qui a pris le relais transmis par
Jonas Lindström. Son jeu est moins étonnant et créatif que son prédécesseur mais offre ici et là de jolies subtilités, proposant également de brèves respirations afin de développer aux moments justes une véritable sensation d'oppression.
Car oui, même si l'espoir est présent ici et là,
Isole reste un groupe de
Doom et ne fait pas dans la légèreté. "In Abundance" nous présente le vice de la consommation d'alcool comme seul moyen de remplir le vide intérieur. Nombreux sont les instants où les lignes de chant perturbent les codes établis (seules ou en polyphonie) installant un malaise qui nous attrape à la gorge pour mieux nous plonger dans les limbes abyssales de leurs esprits torturés, tels que sur "Monotonic
Scream" ou encore "Vanity", qui évoquent respectivement deux des vices mentionnés ci-dessus, à savoir la misère et...la vanité (avouez que celui-là vous ne l'aviez pas vu venir !).
Ce dernier morceau est le plus lent, comme si le groupe nous préparait déjà à disparaître, malgré la puissance envoyée par les riffs de la guitare et le claquant de cette caisse claire martelée comme autant d'assauts contre notre boîte crânienne. Les vocalises à l'arrière-plan renforcent cette impression de disparition, alors que le volume sonore s'amenuise petit à petit pour nous laisser là, assommés par la puissance de ce dernier titre qui nous donne une seule envie : recommencer.
Comme pour "
Dystopia", le mix est réalisé par
Jonas Lindström, qui a certes abandonné les fûts mais garde sa place dans l'aventure
Isole. Chaque instrument est à sa juste place, audible de façon bien distincte, mais on pourrait reprocher au rendu global un son quelque peu aseptisé. Le son rugueux du géant "
Silent Ruins" est désormais bien loin. Néanmoins, si l'on acte le fait que "
Anesidora" s'ancre dans une réalité où l'espoir et la délivrance vont de pair, ce changement pour un son plus clair et lumineux se justifie aisément.
Isole remporte avec "
Anesidora" un pari risqué fondé sur une apparente ambivalence : produire un album qui déroute sur le fond, tout en poursuivant son chemin sur la forme qui a fait sa renommée. Il est très probable que cette nouvelle offrande ne charmera pas complètement les fans de la première heure en quête de sons qui scarifient l'âme, mais il pourra en panser les plaies si une seconde chance lui est octroyée.
Isole j'ai les 4 pemiers album, j'ai repirs le fil de ce groupe avec Dystopia qui ne m'avait vraiment pas convaincu du tout (Même si on reste dans les canons du Doom Trad façon début 2000 que Isole entre autre a contribué à façonner, les sonorités, l'agencement des morceaux sonnaient mal à mon oreille, peut être trop moderne à mon goût). Donc pas spécialement rassuré en mettant la galette la première fois dans son lecteur. POur ce nouveau, même si certains reproches fait au précédent perdurent, ça passe quand même beaucoup mieux, peut être que leur évolution de son est mieux assumé et se fond correctement avec leur style; Encore trop tot pour moi pour donner une évaluation définitive, mais ce qui est sur c'est que j'irais quand même plus volontier me sortir un Bliss of Solitude ou Silent Ruin que celui là.Merci pour la chro
Merci beaucoup pour ton retour Y-RPLEUT, je comprends complètement ton point de vue. Ayant découvert Isole récemment (énorme coup de coeur) j'ai plongé dans leur discographie à l'envers et même si leur style n'a pas fondamentalement changé, le son qui porte la musique a lui grandement évolué. Plus lisse, moins transperçant. Et ça peut rebuter, je le conçois parfaitement. Néanmoins je trouve que ça apporte ici une aura plus lumineuse adaptée au concept et qui permet de mettre en exergue toute la palette d'émotions que Daniel cherche à nous proposer.
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