"
Always Forever" ne s’impose pas. Il glisse. Il frôle les contours d’un genre sans jamais s’y enfermer, avec une modestie presque déroutante. Ce premier album de
Bare Infinity n’est pas une démonstration : c’est une esquisse. Une suite de pulsations intimes, posées sur un canevas mélodique sans outrance, parfois fragile, souvent sincère.
Dès “
Lost Again”, l’intention se dessine : dire l’errance sans lyrisme, poser un refrain comme on poserait un regard. Le morceau évite l’éclat pour préserver une certaine tension intérieure, plus résignée que dramatique. L’émotion ne cherche pas à éclabousser, elle s’écoule lentement, dans les interstices d’arrangements sobres. Et cette sobriété devient la clé de lecture de l’ensemble.
"
Always Forever" refuse l’escalade. Il ne cherche pas à étourdir, mais à tenir — ligne droite, tempo médian, guitares en soutien. Ce n’est pas un album de contrastes, c’est un album de continuité. Pourtant, quelques fragments laissent deviner ce qui vibre sous la surface. “
Bare Infinity” en est l’un des plus explicites. Sa structure épurée abrite une mélancolie sourde, presque contenue, mais tenace. Une déclaration d’identité sans éclat, sans cri, mais chargée de silence.
La tension atteint son point d’équilibre au cœur de l'album, avec “
Always Forever Part I" et "
Always Forever Part II". Bien que ces deux titres ne soient pas contigus, l’ensemble fonctionne comme un diptyque feutré, dont l’élan ne réside pas dans la puissance, mais dans la gravité. Claviers quasi liturgiques, guitares distantes, chant limpide et calme : la première partie construit une ligne d’attente, un souffle long, où chaque mot semble pesé. La seconde, plus contemplative, laisse le morceau se dissoudre lentement, dans un refus assumé de la montée dramatique. C’est là que l’album devient le plus touchant : dans sa capacité à contenir, à suspendre, à ne rien forcer.
“I
Dream of You”, quant à lui, explore la même veine dans une forme encore plus dépouillée. Ballade sans grand déploiement, elle repose sur une ligne vocale claire, des accords simples, une fragilité presque désarmée.
Pas de rupture, pas de point culminant : simplement une absence qui s’étire, portée par une voix qui s’autorise à être juste humaine. Là aussi, la force naît du refus de surjouer.
À travers tout cela, "
Always Forever" trace son chemin avec une pudeur constante. Les limites sont évidentes : manque de variations rythmiques, production étroite, peu de prises de risque formelles. Certains refrains se perdent dans une ligne vocale trop plane, certains ponts manquent d’élan. Mais ces faiblesses n’effacent pas la cohérence du propos. Il ne s’agit pas d’un album qui cherche à convaincre, mais qui accepte d’exister, dans sa forme brute, avec ses tremblements.
Ce n’est pas un album que l’on admire pour sa technique. C’est un album que l’on respecte pour son honnêteté. Il tient moins de la déclaration que du journal intime. Il ne construit pas des cathédrales, il ouvre une fenêtre. Et, parfois, cela suffit.
En conclusion : Un premier album touchant, trop sage pour captiver pleinement, mais porté par une sincérité rare. Si la forme reste perfectible, le fond, lui, frappe juste : un frisson fragile, plutôt qu'un manifeste.
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