Les formations metal gothique françaises à chant féminin sont de plus en plus nombreuses et aguerries à cet exercice et semblent désormais résister vaillamment à la pression d'une sévère concurrence de la part des cadors internationaux du genre. Difficile, en effet, pour les jeunes troupes de s'immiscer sur une scène gothique atmosphérique et mélodique sans devoir lutter ardemment dans un espace balisé où règnent en maîtres celles ayant une empreinte symphonique marquée dans leur propos, à la lumière de Nighwish,
Epica,
Xandria,
Within Temptation ou encore
Leaves' Eyes. Aussi,
Markize,
Wildpath,
Adrana,
Evolvent,
Asylum Pyre, sont autant de combos hexagonaux à réussir à faire valoir leurs gammes et leurs arpèges pour tenter de nous rallier à leur cause, n'ayant de cesse d'élargir leur auditorat. Calant davantage son empreinte stylistique dans le sillage de
Lacuna Coil, de
Gwyllion, voire de
Theatre Of Tragedy, que de formations estampées symphoniques, qu'en est-il alors d'
Akentra, collectif gothique expérimenté issu de Dreux ?
Fort d'un séduisant EP intitulé « IV IV IV » (2009) et d'un fringant album full length dénommé « Asleep » (2010), le quintet s'est donné le temps nécessaire à la construction de ses partitions et à la maturité de son projet musical, à l'aune de sa nouvelle offrande.
Pas moins de quatre ans plus tard, on les retrouve ainsi, portés par un souffle d'inspiration renouvelé à l'instar de ce flamboyant et séduisant « Alive ». Sur un ruban auditif de plus de cinquante minutes, treize pistes vivifiantes et éminemment authentiques d'une durée à peu près égale s'y succèdent, selon une tracklist bien agencée où rares sont les moments de flottement. On les doit aux talents conjugués des membres fondateurs du groupe, à savoir : Lucia Ferreira (chant), Stéphane Rayot (basse) et Steve Tilmant (batterie). Y ont aussi participé : Thomas Boileux (guitare) et Maël Hébert, ce dernier ayant remplacé Habib Mas à la guitare solo.
Il en ressort des compositions aux portées minutieusement élaborées, aux accords rigoureusement échafaudés, et donc, bien ajustés, aux harmoniques finement sculptées et aux parties instrumentales et vocales techniquement sécurisantes. Sur le plan artistique, l'effort est également de mise. D'une part, les paroles ont été écrites avec soin et pertinence. D'autre part, l'artwork de la pochette a su user de l'art de la sobriété et des contrastes, le noir d'un chapeau porté par une femme au visage délicatement esquissé étant superposé au blanc immaculé de la toile de fond. Et ce, non sans renvoi au thème de l'opus relatif à l'existence humaine.
Par ailleurs, la mise en valeur de cette galette repose sur une qualité d'enregistrement (réalisé au Dôme Studio (Angers)) tout à fait satisfaisante et à un mixage équilibrant judicieusement les parties en présence. Il en ressort une belle profondeur de champ acoustique, où le corps vocal est mis en relief et où les instruments se dissocient les uns des autres de façon optimale. Les enchaînements inter pistes ainsi que les finitions ne sont pas en reste non plus, assurant un certain confort auditif. Qu'en ressort-il alors précisément de cette troisième production ?
Un premier constat s'impose. Le propos est assez souvent imprégné d'une ambiance emplie d'allégresse, débordant d'énergie, sur un tracé harmonique résolument invitant. Ainsi, une rythmique frondeuse et des riffs crochus nous accueillent déjà sur le trépident « In Their Shoes ». Sur des couplets finement échafaudés, la belle déploie ses claires impulsions, plus rock que lyriques, avec vigueur, contribuant également à dessiner une onde vibratoire des plus jouissives sur les refrains. On appréciera aussi un picking bien enlevé sur le bref solo de guitare avant que la magmatique instrumentation ne reprenne le flambeau, assistée de troublants trémolos à la Biff Naked. Un heureux dégradé de l'intensité sonore se fait ouïr en fin de piste, témoignant d'un certain souci du détail. De son côté, le corrosif et flamboyant «
Killing Time » nous étreint de sa rythmique pêchue, accolée à des riffs acérés, le long d'un tracé harmonique jubilatoire, où les patines oratoires de la belle font des ravages. Là encore, on plierait l'échine plus d'une fois sous l'impact auditif de ce déluge d'attaques en règle de la part de l'instrumentation, où le kit et les cymbales sont maniés à la perfection. Sans parler des libres et sulfureuses tribulations de l'interprète dans ce dédale orchestral plein de rebondissements. Instant magique, s'il en est. Par ailleurs, le foudroyant « Demolition Man », animé d'une section rythmique plombante et de riffs échevelés, nous aspire par son incandescente ambiance. Nuancé dans ses séries de notes, ce titre offre des passages ardents, renchéris par une lead guitare en liesse, où les envolées de la sirène font mouche sur les refrains. D'autre part, grisante de par son agitation frénétique mise en exergue par une lead guitare ravageuse et enjouée, «
Kick Ass » est une plage à déguster dans son jus, headbang alerte et déhanché subreptice à l'appui. De son côté, plus truculente que jamais, la belle colore chaque note de la partition de sa large palette vocale, et ce, avec une redoutable efficacité. Enfin, c'est sur quelques douces notes relatives à un beau délié à la guitare acoustique que s'ouvre le bal sur « Self Esteem », titre puissant et graveleux, à la rythmique syncopée et aux riffs écorchés vif, non sans rappeler
Asylum Pyre. Couplets nuancés et surtout refrains bien habités claquent au vent, à l'image des inflexions calées dans les médiums de la maîtresse de cérémonie, dans l'esprit d'
Ela.
Tout aussi souriants, mais usant d'une puissance un poil plus atténuée, d'autres moments ont pu capter tout autant l'attention de votre humble serviteur. Ainsi, l'entraînant « My Son », sous l'impact de sa lead guitare en liesse, à la touche hispanisante, ne tarde pas à déployer ses charmes notamment sur des couplets au cheminement mélodique bien avenant. Quant aux refrains, ils ne se révèlent pas moins immersifs. L'ensemble fait montre d'un travail de cohésion orchestrale remarquable et pourrait s'inscrire sans trembler dans la veine d'un titre taillé pour les charts. Carton plein pour cette ragoûtante plage, à l'interprétation fort ajustée et magnétique. Pour sa part, le mid tempo gothique atmosphérique « Future », muni d'une dense rythmique et de riffs acides, s'avère d'un dynamisme authentique et mesuré sans y perdre en mélodicité, notamment sur les refrains, enjolivés par la profondeur de champ oratoire de la déesse. Enfin, un beau solo de guitare s'intercale pour laisser le titre s'achever sous l'égide d'un instrumental à la fois intense et rugueux. Dans cette veine s'inscrit également « Final Dance (Pt. 2) ». Une guitare grésillante et des riffs léonins nous agrippent pour nous immerger au beau milieu de cet incisive plage à la rythmique épaisse en mid tempo. Puissante et féline, la chanteuse sait user de ses atours pour enlacer nos tympans de ses vibes quel que soit l'espace où elle se meut. Mais, c'est sur le refrain qu'elle aimante notre attention comme personne.
Le combo n'a pas omis de nous octroyer quelques moments lévitants, qui ne ratent pas leur cible, celle de nos émotions les plus enfouies. Ainsi, de sensibles arpèges à la guitare acoustique assistés de quelques notes de fond à la lead guitare nous invitent sur quelques mots bleus insufflés par la ballade progressive «
Lies ». Nous sommes aux prises avec une piste plutôt chatoyante, savoureusement mélodieuse et habilement mise en exergue par le filet tout en toucher de la sirène, avec de faux airs de Marianne Faithfull, jouant de ses vibes avec maestria, magnifiant ainsi des refrains incitatifs à l'adhésion. Par ailleurs, de beaux accords à la guitare acoustique nous accueillent sur le touchant «
The One ». Cette jolie ballade, sobrement et en l'absence de rythmique, témoigne de toute la finesse de composition du combo. Le paysage de notes se révèle éminemment serein et laisse la belle nous enchanter de ses soyeuses oscillations oratoires dont elle a le secret. Enfin, un sensible piano/voix nous invite à entrer en communion avec « Final Dance (Pt. 1) ». Cette ballade ouatée vole ainsi avec grâce pour faire floconner ses fines variations de tonalité, tout en nuances. On aurait aimé que l'instant fragile ne se termine jamais tant nos émotions sont touchées, et ce, par un propos aussi infiltrant qu'inattendu.
Parfois, rarement tout de même, le message musical a moins directement porté ses fruits. Non que ces instants soient de mauvais aloi, loin s'en faut, simplement ils ont davantage de difficultés à se hisser au niveau des pistes sus-citées au regard de lignes mélodiques plus en retrait. Ce qui est la cas de « Magic Trick ». Revigorant et véloce, ce titre est une bombe d'énergie communicative ne nous laissant que peu de temps pour nous remettre de nos émotions. Des variations du champ percussif se font jour, témoignant d'une technicité non à prendre en défaut tout le long. On regrettera cependant une ligne mélodique engloutissant le tympan dans d'inextricables méandres. Démoniaque, sous le fouet d'une lead guitare intarissable, sur une assise rythmique en mid tempo, «
Resurrection », de son côté, délivre sa dose de diluviens couplets et de fulminants refrains. La belle revêt alors ses habits de furieuse prêtresse pour nous cingler le pavillon. Toutefois, un bémol sur l'axe harmonique global pourrait entraver l'entreprise de séduction sur une piste qui, pourtant, dispose de sérieux atouts techniques à cet effet.
On ressort de l'écoute de l'opus avec le sentiment d'avoir été happé par la tourmente, et de bien belle manière. Malgré quelques petites carences inhérentes à cette production, au fil des écoutes, l'immersion s'opère sans encombres. A l'aune de cette nouvelle offrande, nul doute que les attentes des aficionados du combo seront comblées. Arguons que l'auditorat s'élargira encore, l'oeuvre pouvant toucher aussi bien les amateurs de metal gothique que les fans de metal atmosphérique, mélodique, symphonique ou de hard rock à chant féminin. A l'instar de ce projet rythmiquement truculent et délicat, l'aventure devrait continuer sous les meilleurs auspices pour notre troupe. C'est dire, qu'à terme, le combo pourra assurément faire partie des formations metal gothique avec lesquelles il faudra compter. On ne peut que le leur souhaiter...
De plus,j'espère que grâce à cet album, le groupe accédera au rang d'outsider du Metal Gothique français.
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