Dans le death metal, il y a plusieurs sous genre, et les amateurs du style savent bien qu’entre le death old school d’un
Obituary, le doom death d’un
Asphyx, le death technique d’un
Beyond Creation, le death brutal d’un
Krisiun ou le slam death d’un
Devourment, par exemple, il y a un monde, sans compter les différences nationales immédiatement identifiables pour un auditeur un tant soit peu rôdé entre death américain, polonais ou suédois…
Ceci dit, dans la grande famille du death metal, il y a certains groupes qui échappent à toutes classifications et
Carcariass, formé en 1991 à Besançon, en fait indéniablement partie.
Depuis son premier album de 1997,
Hell on Earth, le combo français s’applique à délivrer un metal de la mort très mélodique et soigné aux structures complexes servies par une technique irréprochable et des parties de six cordes virtuoses, bien loin des poncifs macabres et sanguinolents du genre.
Après un hiatus de dix ans,
Carcariass revient en 2019 avec un très bon nouvel album aux ambiances immersives,
Planet Chaos, et c’est désormais leur sixième opus,
Afterworld, qui voit le jour sur le fidèle label Great Dane Records.
D’emblée,
No Aftermath impose une rythmique lourde et groovy sur laquelle peuvent facilement s’épanouir des mélodies de guitares toujours aussi accrocheuses et lumineuses. Le refrain lui aussi, simple et scandé, sans en faire trop, s’imprime facilement dans notre esprit et nous emmène vers Billions of Suns, qui présente un metal bien balancé et équilibré, assez agressif mais mettant toujours en avant de beaux atours mélodiques.
Ce qui est admirable sur cet album, c’est le côté à la fois direct et fouillé de la musique : l’ensemble de ces pistes est très facile d’accès et s’assimile au bout de quelques écoutes seulement (le très accrocheur Black
Rain, un Generational
Rot tubesque avec son refrain obsédant que l’on a envie de hurler à tue-tête),
Afterworld pouvant plaire facilement à tout amateur de metal, même à ceux qui n’apprécient pas spécialement le death ; ceci dit, on remarque également que l’ensemble de ces dix pistes est très peaufiné, avec un soin particulier apporté aux atmosphères et aux arrangements et un son à la fois propre et puissant, très moderne, qui sied bien à ce metal hybride aux ambiances futuriste (quand on sait que c’est Drop, guitariste de
Samael et ex
Sybreed qui s’est occupé de la prod, on ne s’étonne pas de ces relents indus et cyber qui enveloppent la musique d’une aura plus sombre, avec ces subtils effets électroniques).
Et pour le coup,
Afterworld n’a finalement plus grand-chose d’extrême, avec une rythmique qui n’est jamais vraiment soutenue (c’est à peine si on a quelques timides incursions de blasts, vraiment sporadiques),
Carcariass préférant évoluer dans un mid tempo qui laisse judicieusement la place aux envolées lyriques des guitares (le début de Billions of Suns, le superbe Identity, très progressif et aux parties de grattes oniriques, l’instrumental
Fall of an
Empire aux notes aussi virtuoses que touchantes). En fait, la musique des Bisontins se trouve à la croisée de plusieurs genres, fusionnant une assise death mélo avec des passages purement heavy/prog (à moins que ce ne soit l’inverse ?) et les ambiances froides d’un cyber/indus, (le début de Black
Rain,
Machine Kult, qui porte bien son nom, avec ce martèlement métronomique et ce refrain désabusé) ainsi que des influences gothiques plus que palpables (
Angst ressemble à s’y méprendre au
Paradise Lost du début des années 2000, jusqu’aux vocaux de Jérôme Thomas dont la ressemblance avec Nick Holmes sur le refrain est frappante, tandis que certains passages de
The Hive, avec sa rythmique saccadée et irrésistible, pourraient presque paraitre sur un album de
Lacrimas Profundere).
On obtient donc un style hybride, à l’instar d’un groupe comme
Olemus par exemple, sorte de heavy dark death très mélodique qui s’appuie sur une rythmique sobre, simple – mais pas simpliste ! - et efficace, une musique sombre mais jamais violente qui peut parler aux amateurs de groupes aussi diversifiés que
Supuration,
Atrocity,
Hypocrisy (les titres les plus soft du groupe, vous l’aurez compris !),
Crematory,
Paradise Lost, Samaël ou
Moonspell.
La musique dégage à la fois ce côté mécanique, froid et dansant à un aspect solaire et presque ouaté lorsque les six cordes nous emportent et que la basse ronronne (le début de Billions of Suns,
Fall of An
Empire, avec ses incursions presque symphoniques, le morceau éponyme final, entièrement instrumental, à la fois triste, inéluctable et beau), paradoxe bien incarné sur la pochette par ce ciel rouge dont les flammes semblent lécher les ruines industrielles d’un monde en décrépitude.
Au final, pas grand-chose à reprocher à cet album même si on pourra déplorer que les parties de chant death, bien que tout à fait correctes, manquent un peu de variations et d’émotions, et que l’ensemble peut parfois sembler presque trop facile et convenu quand on connaît les capacités techniques des musiciens. De même, certains amateurs d’un death plus violent feront sans doute la grimace, car on est ici bien loin de l’intensité et la rapidité d’un
Hell on Earth par exemple, ceci dit, pas sûr que le quatuor en ait cure, qui a toujours suivi ses envies et son feeling avec une intégrité rare qui force le respect : avec
Afterworld,
Carcariass explore des horizons musicaux toujours plus larges, offrant 53 minutes bourrées d’influences diverses, pour un ensemble toujours aussi solide, cohérent, accrocheur et diablement bien composé.
Et si, finalement, la fin de notre monde tant redoutée n’était que le prélude effroyable mais nécessaire à un nouveau départ pour une vie meilleure ?
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