En guise d'hommage à certains de ses illustres inspirateurs, non sans surprise, le combo canadien ne s'est pas calé dans la droite lignée stylistique de son précédent opus, «
Rebirth of the Future », ayant troqué un authentique guitare/voix masculine claire à une instrumentation pléthorique doublée d'un chant féminin lyrique. C'est donc sans artifice aucun et mû par un irrépressible désir de retour aux sources que le groupe nous revient, un an seulement après son prometteur album full length, à l'aune des quatre pistes égrainées sur les seize minutes de cet EP enregistré en live aux Black Door Studios. Un moment intimiste auquel nous convient le guitariste et vocaliste Marcos Codas et la guitariste Laura Pinto et qui nous replonge avec délice dans l'atmosphère surannée de quelques extraits choisis d'oeuvres des Suédois d'
Opeth et des Américains de
Breaking Benjamin.
Seul « Gone » relève de la patte de nos acolytes, revêtant un visage plus enjôleur que celui de la version originale. Que recèle alors cette menue mais minutieuse production ?
Tout d'abord, le combo de Brampton a réinterprété deux titres phares d'
Opeth, ayant pris soin de dépasser le seuil de la pâle parodie pour véritablement se les réapproprier. Ainsi, aussi bien « Harvest », extrait de «
Blackwater Park (2001) et «
Hope Leaves », issu de «
Damnation » (2003) renseignent sur l'orientation rock atmosphérique privilégiée par les Canadiens. Pour la première prestation, la ligne mélodique et les suites d'accords ont été restituées fidèlement à la partition d'origine, agrémentées d'une empreinte vocale proche de celle de Mikael Akerfeldt, les deux timbres étant aisément assimilables, mais avec quelques variations de tonalité à la clé et des modulations personnalisées. Sur la seconde reprise, on retrouve l'ambiance tamisée, les sulfureuses séries de notes et ces fines inflexions vocales qui ont su et sauront apaiser encore bien des tensions. En toute simplicité, en toute humilité et avec un brin d'élégance, ce morceau s'infiltre par touches successives dans nos tympans avant de gagner nos âmes pour un voyage en totale apesanteur.
Par ailleurs, un slide ample et tout en profondeur nous ouvre les bras sur « So
Cold », extrait de l'album « We Are Not Alone » (2004) du groupe de metal alternatif américain
Breaking Benjamin. De sémillantes impulsions vocales se déploient en parfaite harmonie avec l'instrument à cordes, au gré de nuances atmosphériques propices à l'adhésion, sur cette reprise de bon aloi ayant imposé ses marques. En outre, un tracé mélodique travaillé au scalpel et éminemment pénétrant transparaît sur l'ensemble des portées de cette petite pépite. Un délectable moment que l'on se plait à se repasser pour en déceler les détails qu'une première écoute aurait esquivés, et il n'en manque pas.
On ne passera pas non plus à côté de « Gone », morceau doom gothique issu de leur précédent album, livrant dès lors un doux et précis picking en parallèle à une empreinte vocale moins balbutiante. Devenu plus limpide, moins lugubre et mélodiquement plus accessible, ce titre transfiguré par ce guitare/voix subtil, sachant capter nos émotions, ne nous lâchera pas d'un iota. Dépouillé de tout parasitage orchestral, cet intrigant morceau a gagné en profondeur d'âme sans y perdre de son aura, qu'il faut aller chercher pour en saisir la substantifique moelle. Dès lors, le paysage de notes se pare d'une belle et graduelle lumière mélodique et la sauce prend, assurément.
Au final, on découvre un groupe encore discret aux multiples talents, ayant su livrer ses propres travaux avec une touche d'originalité, en filigrane. Il a également repris à son compte, ici comme ailleurs, quelques pièces emblématiques de ses modèles identificatoires sans les dénaturer. Sur cet opus, on aura compris qu'il s'est fait plaisir tout en témoignant de cette habileté qu'il faut pour s'attaquer à ce registre sans se prendre les pieds dans le plat. L'exercice technique est rondement mené tout autant que son expression artistique, le combo communiquant, de fait, un set instrumental et vocal susceptible de nous retenir, pour le pur plaisir des sens. Sans crier gare, il a tenu à amorcer un virage intimiste qu'on ne lui connaissait pas, ce qui lui a plutôt bien réussi. Au-delà de la restitution de ses partitions, le groupe est parvenu à nous convier à un large panel de gammes et d'arpèges qu'il s'est fait siens, dans le respect de ses sources, ce qui n'est pas le moindre de ses mérites. Un album agréable, propice à la zénitude, qu'il convient d'appréhender à part entière et qui, s'il ne fera pas forcément date dans la carrière du groupe, pourra combler quelques attentes en matière de productions acoustiques. Que nous réservent alors nos compères pour la suite du feuilleton ? Wait and see...
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