Un petit retour en arrière.
1983, Paul Speckmann intègre son premier groupe :
War Cry, sorte de heavy doom un peu à la
Trouble. Le groupe enregistre une démo puis se retrouve sur la compilation
Metal Massacre IV. Mais comme le dit Speckmann, "n'importe quel groupe de heavy ou de thrash pouvait se retrouver sur une compilation
Metal Massacre, il suffisait de donner 500 dollars à Brian Slagel".
Quoi qu'il en soit les retours sont plutôt positifs et une signature sur
Metal Blade est même envisagée. Mais suite à des incompatibilités d'humeur avec le membre fondateur, Speckmann et le batteur Schmidt se barrent et fondent
Master à la fin de l'année 1983 pour jouer une musique beaucoup plus agressive influencé par des groupes comme Motörhead,
Venom et
Slayer. Cependant, ils n'arrivent pas à trouver de guitaristes et Schmidt lassé de cette situation s'en va.
De son côté, Speckmann en proie avec des problèmes familiaux, notamment une belle-mère insupportable, va déprimer et ne plus rien foutre. Puis en novembre 1984, c'est la mort de son père et c'est ce jour même que Speckmann, seul dans la maison familiale, va composer le morceau "
The Truth" et retrouver l'envie de jouer dans un groupe. Il forme donc
Death Strike et reprend le matériel qu'il avait composé pour
Master.
Death Strike sort sa fameuse démo Fuckin' Death en janvier 1985. Puis Speckmann renoue avec Schmidt qui venait de se faire virer de son groupe. Comme Speckmann n'était pas du tout satisfait de son batteur John Leprich, "plus porté sur la bouteille que sur sa batterie", il accepte de reprendre Schmidt dans le groupe et d'un commun accord ils décident de reprendre le nom de
Master. Malheureusement, ça va mal se passer entre les deux et après quelques concerts, le groupe splitte dans le courant de l'année 1986.
Speckmann fonde alors
Assault qui va rapidement devenir
Funeral Bitch. Ce groupe était une sorte de version grindcore de
Master /
Death Strike avec des gros blasts. Le groupe sort deux démos mais Speckmann en a un peu marre. C'est alors qu'il rencontre le batteur Aaron Nickeas avec qui il va se lier rapidement d'amitié. Speckmann veut revenir aux sources d'un thrash plus traditionnel, comme au début de
Master.
Ils commencent à répéter ensemble dans le dos de
Funeral Bitch. En fait, Speckmann attendait que les mecs se barrent du local de répétition et appelait Nickeas pour répéter. Puis dans le courant de l'année 1987, Speckmann se barre définitivement de
Funeral Bitch et fonde
Abomination avec Nickeas.
Après une première démo vraiment excellente d'un thrash à la fois primitif et très violent, puis une seconde très sympa également, le groupe entre en contact avec
Nuclear Blast. Le label signe
Abomination et propose à Speckmann une autre signature en cas d'une reformation de
Master. On est en 1989, et
Master, considéré comme un des premiers groupes de death metal, était devenu culte.
On sent dans cette signature d'
Abomination une stratégie mercantile de la part de
Nuclear Blast qui voulait surtout se payer
Master. D'ailleurs, avant même la signature de
Master,
Nuclear Blast vendait déjà des T-Shirts non officiels du groupe.
S'en suit un imbroglio entre les enregistrements du premier album D'
Abomination et celui de
Master. La première version de l'album de
Master avec Schmidt / Mittleburn a été refusé par le label la jugeant pas assez "heavy".
Nuclear Blast demande donc à Speckmann de réenregistrer l'album avec son batteur d’
Abomination et le guitariste Martinelli. Ils sont envoyés au Morrissound studio et l’album est ré-enregistrée avec des titres supplémentaires sous la houlette de Scott Burns. Le résultat ne plaît toujours pas au label qui en fin de compte va demander à Burns de remixer le premier enregistrement. Quant au second, il sortira quelques années plus tard sous le titre Speckmann Project.
Et
Abomination dans tout ça ? Le disque est donc enregistré à la va-vite et avec peu de moyens et surtout dans un climat pas top avec un label qui s’en fout et ne pense qu’à
Master.
Comparé aux démos, l’album est assez décevant. C’est dans l’ensemble moins speed et certains morceaux ont tendance à traîner en longueur, notamment « The Choice » qui avec ses presque 8 minutes et ses trop nombreux changements de rythmes n’ouvre pas l’album de la meilleure manière qui soit. En fait, il faut attendre le troisième morceau, «
Redemption » pour avoir une première poussée d’adrénaline. Chose qui n’étonne pas puisque ce titre est issu des démos. On s’aperçoit d’ailleurs bien vite que ce sont surtout les vieux morceaux issus des démos qui sortent du lot : «
Redemption » donc, mais surtout les terribles «
Victim Of The Futur » et « Tunnel Of
Damnation », puis «
Possession » même si la version de l’album est moins énervé que celle de la démo, et enfin les morceaux « Follower » et «
Impending Doom » pour la version CD de l’album.
Le thrash d’
Abomination découlant de
Slayer et
Venom dégageait à l’origine un côté très primitif qui associé à des tempos bien speed donnaient un rendu assez jouissif (surtout la première démo). Sur ce premier album, bien que le son reste sale, on a l’impression que le groupe tente des choses. C’est un peu dommage car quand
Abomination reste dans un thrash simple et bas du front, c’est bien plus agréable.
Mais bon, décevant soit, mais pas du tout désagréable. On reste quand même dans l’esprit originel, très loin de l’esprit humoristique ou technique qui était un peu en vogue à l’époque dans le thrash metal.
Merci Wodulf (alias Rossbaycult) pour cette instructive chronique car entre Master, Death Strike, Speckmann Project, et Abomination j'avais complètement perdu le fil de l'histoire.
Ceci dit le comportement de Nuclear Blast était assez détestable, car en comparant les premiers albums des trois premiers groupes cités, on retrouve parfois les mêmes titres qui sont en double voir en triple ("the truth", "mangled dehumanization", et "pay to die") !
A tort, je pensais idiotement que Abomination, c'était du death velu, à l'image de son leader. En fait, c'est plutôt du thrash. Quelle surprise ! Mine d'or d'infos que cette chronique, sur les dessous de tout ce pan d'histoire imbriquant nombre de projets plus ou moins reconnus. Surpris aussi de voir le nombre de plans que comporte le titre "The Choice" qui ouvre le disque. Sans le nom du groupe, j'aurai presque été jusqu'à mettre ça dans du techno-thrash, vu les changements de rythme parfois surprenants (quel solo). Ah, et puis, les photos de Speckmann au verso de la pochette avec les T-shirts de Venom et Slayer auraient dû me mettre sur la voie, tout comme les remerciements appuyés à Sindrome, dont les récentes rééditions de démos sont à recommander.
Sinon, ben, tout est dit dans la passionnante chronique.
Pour info le guitariste Jim Martinelli qui a participé au ré-enregistrement du premier album de Master (cet enregistrement ne sera pas retenu par Nuclear Blast, puis sera commercialisé par le label en 1991 sous le nom de...Speckmann Project, et cela sans aucune explication !) était également membre de Burnt Offering, un groupe de Thrash Metal basé (comme Master) à Chicago qui avait sorti cette même année 1989 un éponyme (et très bon) premier album complètement passé inperçu.
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