Furia est un groupe français qui a évolué dans un black death épique et original avant de se mettre au thrash death de bûcheron sur leur troisième album,
Kheros. En 2001, le groupe sort son premier album via Adipocere et crée un petit évènement dans le paysage du metal extrême français, en proposant une musique riche, complexe, variée, épique, entraînante et originale aux forts relents heavy.
Dés le superbe Prologue, on rentre de plein pied dans l’univers épique tissé à grands coups de claviers par les Mâconnais: on sent que le groupe veut nous conter une histoire dramatique, nous embarquer dans un univers sombre et violent plein de rebondissements, et dans cette noble optique, il soigne particulièrement ses ambiances: samples bucoliques et claviers enchanteurs et grandiloquents, puis percussions tribales et voix solennelles, tout y est! Cette piste introduit parfaitement la narration de la quête d’identité de Miran, qui se poursuivra le long de ces 13 pistes pleines de rebondissements et la tension dramatique monte tout doucement, nous préparant en douceur à l’explosion du premier véritable titre,
A la Quête du Passé, qui déboule sur un riff heavy et entêtant. Sur ce titre,
Furia met d’emblée tous ses atouts en avant : des guitares virtuoses, ultra mélodiques et accrocheuses, pour une compo dynamique et puissante aux nombreux changements de rythmes et aux ambiances variées. Sur la piste suivante, on passe sans crier gare à un death progressif très sombre qui sait se faire violent quand il faut en envoyant quelques méchants blasts. Le growl est bestial, la section rythmique tabasse, mais le tout reste mélodique et rehaussé de claviers, on alterne continuellement entre death et black et on reconnaît aisément la patte du groupe, même si le style a évolué.
Cette diversité, c’est un des points forts de
Furia, avec une musique très variée qui suit les exigences du concept, voguant avec maestria entre black, death et heavy sur des eaux tantôt sombres et violentes tantôt mélodiques et plus ambiancées, mais toujours délicieusement épiques. Parfois, la violence metallique s’arrête au milieu d’une compo pour faire la part belle à des parties de claviers et des voix expressives qui font progresser la narration, et le tout repart de plus belle dans des montées en puissance parfaitement contrôlées. Les changements de rythme sont très nombreux au sein des différentes pistes et même si les morceaux sont plutôt courts, on pourrait presque les qualifier de progressifs tant ils mélangent les styles et les ambiances.
Le tout est parfaitement maîtrisé, avec des musiciens qui assurent comme il faut, une basse parfaitement audible qui nous balance des parties délectables, une batterie intelligente et racée qui sait envoyer quand il le faut et des riffs de gratte proprement jouissifs. Les liants de ces plages aux nombreux rebondissements sont sans conteste les claviers, qui distillent tout le long de l’album leurs ambiances tantôt légères et bucoliques, parfois à la limite du kitsch, il est vrai, tantôt sombres et vénéneuses suivant les états d’âme de Miran, et cette alternance de voix si typique du groupe: des vocaux différents pour chaque personnage qui intervient dans la quête initiatique du héros torturé.
L’album est intelligemment divisé en 4 parties, qui obéissent à la progression de l’histoire, et que l’on peut retrouver dans le livret où les paroles sont sobrement illustrées. Si certaines compos sont plus dispensables que les autres, une grande majorité des morceaux possède ses moments de bravoure, parties ultimes où les musiciens se subliment pour vous emmener loin et vous faire voyager dans les profondeurs obscures d’une âme tourmentée en proie à des questions existentielles. Ici, un riff (le superbe riff heavy qui entame
A la Quête du Passé, ou celui, très entêtant et épique, à 1min05 de Gorthoth, il y a le choix,
Furia est une vraie usine à riffs!), là une pluie de notes aiguës vomies par la guitare (cette délectable partie hystérique à partir de 4min30 de
Incantation à Cébil), là un break dévastateur, et plus tard une mélodie de clavier sombre et funeste qui vient s’incruster insidieusement dans un recoin oublié de votre cerveau (cette orgie sonore sur fond de blasts à 1min31 de Le sacrifice de la Vierge)… Dans
A la Quête du Passé, il y a à boire et à manger, et pour tout le monde s‘il vous plaît!
Maintenant, quels sont les défauts de cette galette me demanderez-vous, car effectivement, le premier album des Mâconnais, quoi que très bon, n’est pas parfait, loin s‘en faut. Et bien, disons que cet album a les défauts de ses qualités: si vous n’aimez pas les claviers, passez votre chemin. Il est vrai que certaines parties sonnent un peu cheap et synthétiques, et que
Furia ne parvient pas toujours à éviter le fatal écueil du kitsch. Le groupe pêche parfois par orgueil, et à vouloir être trop ambitieux, à vouloir tartiner trop de couches musicales pour essayer d’accoucher d’une musique grandiloquente, certains passages finissent par être un peu dégoulinants et indigestes et desservent des bonnes compos qui perdent en agressivité (Le Jardin d’
Eden, le
Sacrifice de la Vierge). Pour certains donc, la musique de
Furia sera trop mélodique, trop pompeuse, et peut-être pas assez directe. C’est d’autant plus dommage que quand le groupe décide de durcir le ton, il peut vraiment arriver à une qualité de composition exceptionnelle (le superbe Une quête sans Lendemain, qui mêle en un black épique et sauvage une violence inouïe, une ambiance saisissante et un côté mélodique réellement bouleversant).
D’autres déploreront également un certain amateurisme dans les vocaux, et il est vrai que les hurlements black de Mehdi, particulièrement écorchés, peuvent être irritants, et que la voix de la jeune femme qui endosse le rôle de Milara n’est pas très assurée (l‘Antre des Morts).
Mais enfin, rappelons tout de même qu’il s’agit d’un premier album, et soyons indulgents, ces petits bémols ne gâchant en rien la fabuleuse musicalité de l‘album. Mieux, ils rajoutent un cachet d’authenticité et de fraîcheur à la musique que l’on ne retrouvera pas sur le néanmoins très bon album suivant,
Un Lac de Larmes et de Sang, beaucoup plus propre et clinique dans son exécution.
Quoi qu’on en dise, que l’on aime ou que l’on n’aime pas,
A la Quête du Passé reste et restera le témoignage d’un groupe original et ambitieux au sommet de son art, et qui a su incarner sa vision du metal extrême en un album accrocheur, mélodique, épique, progressif, original et novateur. Franchement, que demander de plus?
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