J'ai bien conscience que la perfection n'existe pas, cet album ne fait pas exception à la règle, mais comment pourrais-je mettre un simple 19 à une œuvre qui mérite plus ? Je lui est donc attribué un 20 par dépit, faute de ne pouvoir mettre que des notes rondes...
Estatic Fear, où la peur extatique dans un français approximatif, est un projet datant de
1994 créé par Matthias Kogler, un compositeur autrichien assez peu connu, surtout en dehors des sphères "métalliques", et qui nous signe ici sa deuxième et a priori dernière œuvre, après un
Somnium Obmutum de bonne facture mais qui présentait encore quelques défauts...
Ici, avec
A Sombre Dance,
Herr Kogler nous fait don d'une œuvre classique, qui baigne dans une ambiance médiévale. Pour réaliser son projet, il a fait appel à de nombreux musiciens, jouant aussi bien des instruments de facture assez traditionnels comme la guitare acoustique, le violoncelle ou le piano, mêlés avec des instruments plus anciens tels la flûte ou le luth. A tout ça il a ajouté des éléments issus du metal, comme de la guitare électrique (dont il joue lui-même) et des percussions - qui donne un côté noir et dramatique à l'album - et soutenus par deux voix au chant harsché, une black et une death, elles-même contrastées avec la délicate voix de mezzo-soprano de Claudia Schöftner.
On pourrait grâce à ça facilement assimiler ce groupe au metal gothique, d'autant plus que les tempos lents à l'honneur aident le rapprochement au doom... Mais il y a quelque chose de différent, le gothic metal n'est-il pas un genre mélangeant la musique lourde du metal avec des éléments issus de scènes rock undergrounds ? Ce sont bien parfois des éléments classiques et des voix éthérées qui se mêlent au metal, mais là Matthias Kogler a été bien plus loin... De même qu'il existe le black shoegaze, on pourrait créer une étiquette pour ce groupe unique de "classical black metal" ou "black néoclassique". Dans une moindre mesure on peut aussi l'associer au metal symphonique d'
Empyrium ou au black avant-gardiste.
Mais venons plutôt à la musique au lieu de tergiverser sur l'étiquette admise au groupe...
L'album débute sur une introduction instrumentale joué uniquement au luth, toute en douceur...
Ensuite débute le Chapitre I, où l'on peut déjà entendre la voix de Claudia qui chante ici en un anglais quelque peu désuet parlé comme au XIXème siècle, sur une mélodie folk acoustique et délicate au début puis métallique et masculine dans la seconde moitié du morceau. Suit le Chapitre II qui débute à la flûte et se poursuit sur une mélancolique mélodie au piano sous le son d'une pluie battante qui s'égrène, monotone. On note aussi le chapitre III chanté en allemand et doté d'une superbe intro aux cordes et au violon ; le Chapitre IV est la pièce culminante de l'album de près de 10 minutes, différente dans sa structure des autres pièces, mélangeant une multitude d'ambiances ; le superbement baroque Chapitre VIII avec ses orgues radieuses et ses chœurs aériens et enfin le Chapitre IX, chapitre de clôture, où la puissance atteint son apogée sur la fin, tragique, les claviers, l' "orchestre", les voix...
La musique est axée sur une esthétique d'opposition que l'on pourrait qualifier en français de "la belle et la bête" entre le côté féminin de la musique - qui fait ici introduction aux morceaux, dans des mélodies folk, baroque et classique, instrumentales ou chantées par Claudia - et le côté masculin, toujours à la fin, de la bête, plus lourd préférant les éléments "metal" pour un rendu plus sombre, confirmé par le chant rugueux des deux compères de la belle, qui offre des déclamations en anglais pour l'un et des paroles plus invocatoires en latin pour l'autre.
Seul l'introduction, l'instrumental folk Chapitre VII et le gros morceau tiroir de l'album, le numéro 4, échappent à ce schéma. Par ailleurs la seconde partie du chapitre IX - qui sert de fermeture à l'album - ose mélanger les deux faces de la musique, l'ange et le démon se mélangeant, se disputant dans un vain effort final avant la fin, achevé sur une exquise mêlée de chœurs aériens et d'un metal beaucoup plus terre-à-terre et mourant sur une dernière note de guitare lancinante.
En conclusion, un album qui se veut comme une ode à la nature d'une grande beauté, des compositions subtiles qui offre une grande homogénéité à l'ensemble sans un instant aucun provoquer le moindre soupçon de lassitude. L'album se trouve être très bien présenté en plus, avec un superbe livret dont les pages ressemblent à s'y méprendre à de vieux parchemins ; la pochette aussi, dans des tons gris sans être nullement triste, où l'on voit une femme à demi-statufiée, au regard neutre et profond, devant un décor sylvestre esquissé et estompé par les brumes. Coup de cœur 20/20.
Merci pour la chro, l'album est vraiment magnifique!!
Chronique magnifique pour une perle rare.
Il a quelque chose de magique qui nous transporte ailleurs pendant les quelques 49 minutes.
Je trouve qu' Estatic Fear ne peut être comparé à aucun groupe actuel, même si je retrouve une partie de ce que je ressens en écoutant "A Sombre Dance", quand j'écoute du Evig Natt "I am Silence", ce mélange de voix d'une rare justesse.
Un pur chef d'oeuvre,et je n'hésite pas non plus à mettre 20/20.
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