Si je vous parle aujourd’hui de Kim
Dracula, la plupart d’entre vous me diront qu’ils n’en ont jamais entendu parler et les plus rares me diront que ce nom leur dit vaguement quelque chose. Alors non, il ne s’agit pas du célèbre comte, puisque le nom de scène de l’artiste est directement emprunté à la chanson de
Deftones présente dans l’album Saturday
Night Wrist mais bien d’un compositeur qui n’est initialement pas du tout issu de la scène metal.
En effet pour le jeune homme, l’histoire commence fin 2020 sur les réseaux sociaux. Alors inconnu au bataillon, le chanteur publie sur TikTok une reprise du fameux titre de
Lady Gaga Paparazzi. Sa revisite du morceau en version trap acquiert un succès viral en très peu de temps puisqu’elle sera réutilisée dans pas moins de 60000 clips TikTok et propulse l’auteur à la quatrième place des artistes musicaux australiens les plus suivis en 2020 sur l’application de partage de vidéos.
- Lecteur (d’un air circonspect) : Elle est bien jolie ta fable Laurent mais qu’est-ce qu’elle fiche sur un site de chroniques d’albums de metal ?
- Laurent (enthousiaste) : Soyez patients, on y vient ! Il s’avère qu’avant cette aventure qui paraît presque fantastique, le compositeur était le frontman d’un petit groupe de metalcore nommé Jesterpose. Là encore, si la formation ne vous parle pas du tout, ce n’est pas vraiment étonnant puisque le collectif a écrit deux pauvres morceaux sortis l’année de la pandémie et qui sont complètement passés sous le radar.
- Lecteur (qui commence à s’énerver) : C’est bien gentil ton baratin mais ce n’est pas de Jesterpose dont on parle ici mais bien de Kim
Dracula …
- Laurent (qui soupire) : Patience j’ai dit ! Qu’est-ce que vous êtes pressé ma parole … Je reprends : à la suite donc de cette épreuve qui fût finalement un échec, le chanteur australien a finalement décidé de s’investir davantage dans sa carrière solo à la quête d’un nouveau triomphe.
- Lecteur (très irrespectueux) : Blablabla, viens-en au fait !!!
- Laurent (visage calme) : Un peu moins de deux ans après son premier tour de force, notre jeune interprète est revenu avec un titre
Make Me Famous, une chanson que l’on pourrait classer dans le metal expérimental … mais nous y reviendrons plus tard.
- Lecteur (content d’avoir enfin eu sa réponse) : Je comprends mieux désormais. Je te laisse désormais poursuivre ton récit.
Merci ! Si la réussite de l’Australien se montre bien plus modérée que pour Paparazzi, les critiques sont pourtant très dithyrambiques envers un morceau ultra-audacieux. Par la suite, Kim sortira trois autres titres avant d'annoncer son tout premier album studio intitulé
A Gradual Decline in Morale. Pour cette imposante galette de vingt parts, le musicien a fait appel à de nombreux instrumentistes dont on ne connaît malheureusement pas l’identité puisqu’ils sont tous cagoulés. Volonté de garder leur anonymat, simple effet de mode ou choix de l’artiste d’avoir une image percutante à l’instar d’un Slipknot ou d’un
Sleep Token, la question reste pour le moment en suspens.
Au-delà de cette personnalité mystérieusement intrigante, Kim
Dracula est en premier lieu un artiste aux multiples facettes capable au sein d’une seule et même mélodie d’intégrer un nombre invraisemblable de styles musicaux. Sur
Make Me Famous, titre qui ne dépasse pourtant pas les trois minutes, le bonhomme s’essaye à pas moins de douze genres. Certains de ces mouvements sont dans des registres relativement ordinaires comme pour les refrains qui soumettent un rock qui nous remémore les années 2000 et plusieurs collectifs tels que
Fall Out Boy ou My Chemical Romance.
Pour d’autres impulsions en revanche, ce sont des aspirations bien plus imprévisibles et parfois même inédites. On pourrait bien entendu parler de ces quelques notes de saxophone en plein milieu du premier breakdown dans une empreinte deathcore mais nous sommes surtout stupéfaits par les sections de bossa nova et de chant mongol, des souffles musicaux encore peu en vue. Ce qui est d’autant plus invraisemblable devant ce méli-mélo de styles, c’est que les transitions sont transparentes, parfaitement fluides et ne donnent aucune impression de cacophonie ou de déstructuration. On retrouve cette diversité jusque dans la prestation vocale où notre artiste allie d’une voix de maître growling, rap, chant clair et scat.
On pourrait facilement penser que notre saisissement s’arrêterait là mais presque chaque morceau ajoute une corde à l’arc de notre formation. A l’écoute de My
Confession, l’introduction nous emmène dans une fusion de genres avec une ligne de basse que l’on pourrait tout à fait retrouver dans un titre des
Red Hot et un chant impétueux, déroutant dont le timbre s’apparente à celui de
Mike Patton. Le collectif se permet même une petite référence avec la ligne « Can You Feel
That ? Oh shit ! » directement inspiré de l’ouverture de
Down With The
Sickness de Disturbed. L’instrumental bascule par la suite dans un dance-pop moderne avant d’autres transitions et influences (
Die Antwoord,
Limp Bizkit, Eminem, etc.) toutes aussi loufoques les unes que les autres.
Parmi les autres compositions qui se risquent à de nouvelles approches, il est difficile de passer à côté de Seventy
Thorns en collaboration avec Jonathan Davis. Intro scat, rythmique thrash, registre vocal imitant les prestations aiguës du power metal, sonorités trap, le morceau est une nouvelle preuve du génie musicale de l’artiste australien. Au final, seuls les refrains de M. Davis sont assez décevants, peu percutants et totalement oubliables par rapport au reste de la mélodie.
Dans la recherche de sensations uniques,
Land Of The Sun est aussi un excellent élève avec une ambiance bossa nova aux odeurs de vacances et de quiétude, un refrain à l’atmosphère latina avant de nous lâcher un breakdown ravageur de plus en plus languissant accompagné de quelques sonorités hindoues. L’outro ne manque pas non plus de fantaisie avec ces bruitages de cartoon et ce monologue qui nous remémore le speech de Wes Borland (
Limp Bizkit) que l’on pouvait entendre sur l’intro de Gold
Cobra. C’est d’ailleurs sur un discours de même nature que le disque se conclut avec
The End, For Now, un clap de fin gâché et assez frustrant.
Forcément, avec vingt compositions à son compteur,
A Gradual Decline in Morale ne pouvait pas exempt de tout reproches.
Outre les entractes qui ont la fâcheuse tendance d’entacher notre découverte à l’instar de The Pledge:, quinze secondes de dissonance et de grincement, certaines chansons n’affichent tout simplement aucune originalité et une sensation d’inachevé.
Iris, qui est une reprise des Goo Goo Dolls, est une balade insignifiante, ennuyante ponctuée d’une distorsion des plus désagréables qui en fait sans conteste le plus mauvais titre de cet opus. Are You? avec l’association de Kirin J Callinan (
Mercy Arms) ne remonte pas plus le niveau avec un instrumental plutôt redondant, un riffing agaçant et un final grinçant.
Alors certes, tout n’est pas parfait sur cette première tentative de notre artiste australien mais
A Gradual Decline in Morale n’en demeure pas moins une intéressante boîte à surprises musicale. Dans son concept, Kim
Dracula est un peu comme un
System Of A Down ou un Mr. Bungle des temps modernes, une véritable soif d’innovation avec une fusion des genres ainsi qu’une envie d’être comique et atypique. Si nous devions catégoriser cet album, je le classerais personnellement comme du neo expérimental car les divers éléments électroniques et techniques vocales qui le composent se rapprochent des sonorités que l’on pouvait entendre dans l’âge d’or du nu metal. Dans tous les cas, peu importe dans quelle case entre ce premier essai puisqu’il s’agit là d'une très bonne galette qui prend assurément du temps à dompter avec ces vingt titres mais qui expose par la suite un impressionnant et captivant tableau dont on devient vite addict.
Ça part vraiment dans tous les sens, effectivement, Mr Bungle est pas loin. Je vais écouter ça, merci pour la chronique !
Simplement parce que la structure de ta chronique m'a fait rire (j'en avais écrite des comme ça, ça donne envie de lire et du coup, c'est ce que j'ai fais ) et intriguée, je vais aller écouter. Du bizarre, des dissonnaces de 15 sec et des trucs de partout ... ça peut être pour moi !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire