Les amateurs de cette vague de black américain à tendances folkloriques baptisée cascadian black metal connaissent déjà certainement
Alda. Formé en 2007 et fort de trois albums longue durée, dont un superbe
Tahoma qui a grandement contribué à le faire connaître, le quatuor de Washington fait partie de cette nouvelle scène états-unienne qui chante la beauté de la nature aux côtés de Wolves in the Throne Room, Falls of Rauros,
Fauna ou
Panopticon.
Sur l’album précédent, nos quatre bardes avaient proposé un metal plus apaisé et sobre, soignant toujours plus leurs
Passages folkloriques ;
A Distant Fire, quatrième album de la formation, continue sur la lancée, mettant toujours plus en avant ses influences folk, mais exprimant aussi largement ses penchants post rock (bien présents sur
Drawn Astray ou
Forlorn Peaks par exemple). On obtient une fois de plus un résultat riche mais d’une fluidité et d’une cohérence mélodique étonnantes.
A ce titre, l’impressionnant morceau éponyme, titre final qui nous toise du haut de ses 16,37 minutes comme un arbre millénaire témoin de la dégénérescence de centaines de générations d’humains et qui mériterait à lui seul l’achat de la galette, constitue une synthèse idéale du riche et foisonnant style musical d’
Alda : l’hymne débute calmement sur un arpège sobre et posé esquissant dans le flou des brumes aurorales cette ambiance forestière mélancolique aux âcres relents de terre et d’humus, bientôt rejoint par la voix claire de Michael Korchonnoff qui chante plaintivement de son timbre résigné cette bataille inexorable entre la nature et l’homme que les éléments bafouée semblent perdre chaque jour un peu plus. Les vocalises fragiles de Stephanie Knittel, se mêlant aux notes tremblantes du violoncelle, achèvent d’évoquer une terre meurtrie qui panse douloureusement ses plaies.
Puis la pulsation primale et l’instinct sauvage reprennent leurs droits, la toute-puissance de la nature s’incarnant dans un riff black metal pur, tranchant et cristallin porté par une volée de blasts ; une longue montée en puissance et en émotions nous prépare à un deuxième assaut glorieux où les hurlements black laissent éclater leur colère, avant que de doux chœurs païens ne viennent envelopper ces arpèges de leur ferveur sacrée sur un pont central dont les percussions chaudes et vivantes battent comme un immense cœur minéral.
On retrouvera cette alternance entre élans de bravoure épique et respirations acoustiques tout le long de ces 50 minutes, certains
Passages nous fouettant le visage comme un foehn impétueux (le début furieux et irrésistible de
Stonebreaker, avalanche irrésistible de notes à la fois sifflantes et harmoniques qui nous souffle comme une tornade, les reprises à 3,12 et 6,43 minutes de
Forlorn Peaks, le superbe
Passage à 3,33 minutes de
Drawn Astray), tandis que d’apaisantes nappes musicales viennent s’enrouler amoureusement autour de la cime nue des arbres, évoquant le grand
Empyrium (l’intro First Light, le court interlude Loo-Wit, tout en langueur, qui enchaîne sur le début du morceau éponyme…).
Si ces plages contemplatives font ressortir avec plus d’éclat l’essence black de certains riffs, on remarquera qu’
Alda ne se fait jamais inutilement agressif, la violence de ces
Passages se retrouvant systématiquement canalisée et sublimée en un vent de bravoure mâle et païen où la mélodie joue une place centrale.
On pense tour à tour à
Agalloch,
Echtra, Sun of the
Sleepless,
Forest of Fog,
Rauhnacht ou Wolves in the Throne Room sur ces six titres, même si certains mid tempo peuvent rappeler
Taake ou
Kampfar ; néanmoins, ces comparaisons ne valent que pour ceux qui ne découvriraient
Alda qu’avec
A Distant Fire, car les Américains ont désormais un style bien à eux et facilement identifiable. Quoi qu’il en soit, voilà encore une fois un superbe album de la part des musiciens de Tacoma, rien de moins que le quatrième en quatre réalisations.
Finalement, la musique d’
Alda est comme la nature, belle, imprévisible, changeante et insaisissable, tantôt intimiste et accueillante, tantôt furieuse, toujours superbe même lorsqu’elle montre ses aspects les plus rudes, tentant en des accès de rage désespérée de se libérer de cette plaie humaine qui irrite toujours plus sa croûte à vif. Une magnifique ode à notre Terre, et un message simple et touchant loin de toute propagande politico opportuniste hurlé avec une sincérité poignante : protégeons notre planète avant qu’il ne soit trop tard.
The surface is broken
in labored strikes by shaking hands
stones are split and roots are burned
power is sought in emptiness
Ah! Toujours à l'âffut des meilleurs sorties black metal. Merci bien à toi!
Merci pour ta chronique. Alda c'est un gros groupe de coeur pour moi et je viens de m'écouter cet album après lecture de ton papier... et en effet il me semble lui aussi de très bonne facture !
Fan ardent d'Agalloch, j'ai découvert Alda assez récemment, et je suis pas déçu du voyage. L'influence est évidente pourtant ils parviennent à nous emmener facilement dans de nouveaux voyages. J'aime bien parler de ces groupes comme du Wilderness BM, je retrouve mis en musique cette vision de la nature typiquement nord-américaine.
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