On ne présente plus
Barren Earth, véritable all stars band de la scène finlandaise, qui, en l’espace de trois albums s’est imposé comme chef de file du death mélodique et progressif.
A Complex of Cages, quatrième full length de la formation, poursuit le sillon creusé par
Lonely Towers, proposant un art toujours plus progressif à la musicalité complexe et touffue qui ravira certainement les mélomanes mais décevra peut-être les amateurs d’un metal plus direct et agressif.
Ces 61 minutes commencent avec The Living
Fortress, dont l’intro spatiale et le puissant riff d’entrée annoncent d’emblée la couleur bientôt confirmée par des nappes de clavier très 70’s et la voix limpide de Jon Amárà, un brin maniérée et théâtrale, qui nous emmènent assez loin du death metal. Certes, les riffs complexes et tortueux, la rythmique alambiquée appuyée à coups de double pédale et le growl caverneux de Jon nous ramènent vers des contrées plus metalliques, rappelant notamment l’inévitable
Opeth par moments, mais le ton est bel et bien donné :
A Complex of Cages est de loin l’album le plus progressif de
Barren Earth et les digressions musicales sont de fait plus nombreuses et décalées. A titre d’exemple, Zeal est un long titre planant et psychédélique qui égraine des notes de piano fantomatiques et tristes sur lequel vient planer un chant clair mélancolique ; piano et synthé mêlent leurs vibrations en une valse mélancolique avant que le titre ne parte sur une sorte de jazz rock allumé du bocal à la
King Crimson, puis vire à un metal lourd et groovy qui encore une fois nous rappelle la bande d’Akerfeldt. Notes dissonantes de fête foraine, riffs velus et double pédale roulante fusionnent en un magma inextricable et bigarré et la fin du morceau me fait carrément penser à
Orphaned Land, avec ces fragrances progressives orientalisantes et ce chant chaud et gorgé de feeling qui rappelle inévitablement l’énorme The Storm Still Rages
Inside.
Ces relents arabisants se retrouvent également sur
Solitude Pith, titre fleuve de plus de dix minutes aux choeurs gorgés de soleil, aux percussions et aux mélodies de guitares rappelant le sable brûlant des dunes, mariage improbable avec ce synthé vintage que l’on croirait sorti d’un groupe de prog’ italien. Un beau pot-pourri, et un sacré mélange musical pas toujours facile à apprécier qui risque de déstabiliser un brun l’amateur de death mélo classique. D’ailleurs, même lorsque
Barren Earth se concentre sur le metal, on sent encore largement planer l’ombre du prog’ (The Living
Fortress, qui ressemble plus à du
Dream Theater qu’à du
Morbid Angel, le riff d’entrée de The Ruby, les soli et le break central de
Spire…).
Ceci dit, on retrouve tout de même quelques morceaux plus « convenus », avec un Scatterpey qui s’ouvre sur un riff bien rentre-dedans et nous régale d’un growl profond, mais qui sait aussi envoyer de belles mélodies et nous gâter d’un refrain clair toujours aussi impeccablement exécuté. Ce côté plus direct se retrouvera également sur le très bon
Dysphoria aux mélodies accrocheuses et à l’excellent solo, mais on déplorera par contre la quasi disparition de ces passages doom et mélancoliques qui creusaient les contrastes sur les opus précédents.
En fait,
A Complex of Cages est un album virtuose, magistralement exécuté par des musiciens au sommet de leur art, mais s’éparpille un peu dans toutes les directions et semble plus s’adresser aux fans de progressif, qui y trouveront sans doute leur bonheur, qu’aux fans de death mélo pur et dur. Malgré une musicalité évidente et quelques riffs accrocheurs, cet album est donc exigeant, ne s’apprivoise pas facilement, et nul doute qu’il vous faudra de nombreuses écoutes pour en saisir et en apprécier toutes les subtilités. Si l’ensemble est très riche et d’une fluidité appréciable malgré la diversité des influences, ces neuf morceaux sonnent parfois un peu artificiels et manquent de spontanéité pour pouvoir pleinement m’emporter. Quoi qu’il en soit, et que l’on apprécie ou non la nouvelle direction prise par les Finlandais, on ne peut que reconnaître le talent de
Barren Earth et les encourager à continuer à tracer leur propre voie, à explorer leurs propres limites et à jouer la musique qui leur plaît, aussi complexe soit-elle, sans s’enfermer dans une cage…
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