La France selon une majorité d’historiens remonte au baptême de Clovis, d’autres avides de plus lointaines épopées, font remonter sa naissance au conglomérat de tribus gauloises qui s’étaient rassemblées sous le couvre-chef d’un jeune et preux chef arverne, Vercingétorix. Ce serait l’intervention et le récit de Jules César « La Guerre des Gaules » qui auraient conçu les fondations de notre identité nationale. Avant la France, la Gaule fut. Avant
Paris, Lutèce fut. Nos racines sont celtiques. L’arbre de notre liberté, celui de notre nation a poussé à travers un monticule de cadavres. L’Histoire est faite ainsi, il ne peut en être autrement. La souveraineté au prix de lourds sacrifices, au dépend de grands empires. Les balbutiements de notre pays, cette révolte gauloise à l’assaut des romains, ces péripéties nous sont rapportés ici par la formation «
Lutece », fondée en 2006 par le duo Denosdrakkh (aux instruments), Hesgaroth (au chant). Leur premier album « …
And Ancestors Still Remain » reçoit un accueil mitigé, pourtant les deux hommes comprennent qu’une victoire se décroche par pugnacité, parfois au bout de plusieurs escarmouches. S’en suit après la sortie de l’EP «
Awaking Ancient Gods », une période de deux années (de 2009 à 2011) consacrées à l’élaboration de leur second album, « …Our
Ashes Blown Away ». Le choix aura été fait de confier le mixage à un professionnel, celui-là n’est autre que Lasse Lammert, ayant déjà travaillé pour «
Alestorm » et «
Svartsot ». Les conditions sont requises pour assister à un nouveau Gergovie. Nos prières vont aux différents dieux de la guerre.
La corne est là pour les appeler, pour avertir les hommes d’un combat imminent dès le début de l’album. L’introduction « Fields of
Gergovia » n’offre qu’un temporaire répit à ceux-là. Nous assistons déjà à un déchainement mêlé entre des fracas de batterie, des riffs tout en férocité et des cris. Ce qui suit est une illustration de la rudesse de «
Lutece », délivrant avec « A Moonless
Night » un black metal rêche et abrupt, à la rythmique plutôt monobloc. Il n’en sera pas forcément commun sur l’œuvre en question. Le groupe est identifié à «
Himinbjorg » et à «
Graveland » dans ses influences, et ce n’est pas sans raison. Il y aura donc force, profondeur et subtilité au menu, comme tend à nous le servir efficacement « I Am the
Sword ». La furie du black metal est ici entrecoupée de passages plus chavirés, fidèles au pagan metal cette fois. Nous avons droit à une alliance sans faille, qui d’ailleurs rappellera «
King of
Asgard » sur bien des aspects, en premier lieu pour ses riffs. On s’inclinera devant la grande précision du riffing de guitare, comme de la profusion de blasts. Denosdrakkh arrange sa musique aussi richement que possible, la rendant dynamique, mais aussi en parfaite adéquation avec la rage véhémente extériorisée par la voix de son compère.
Cette musique s’attèle à suivre Hesgaroth dans son délire. Cela se matérialise par de puissantes vagues, une précipitation difficilement égalable, sur « Last Marche to the Grave », qui laisse toutefois un peu de mélodie s’exprimer. L’entame acoustique marque un instant indélébile de l’album. Il sera également question de cette incroyable nervosité pour « Sunk into Oblivion », si on en croit ses coups fournis à la chaîne et son chant particulièrement hargneux, que l’on jurerait animal. Le morceau éponyme « …Our
Ashes Blown Away » aura bénéficié d’un travail plus réfléchi. L’obscurité se voit transpercée par plusieurs éclaircies. Nous ne pourrons pas croire en son hostilité, malgré un chant toujours aussi menaçant, à ses quelques touches atmosphériques. Ce titre est avant tout engageant. Il ne représente pas seulement la guerre dans son seul aspect meurtrier. Elle serait aussi un exutoire des haines au profit de la liberté, un rendez-vous unique avec le destin.
Mars est le dieu de la guerre, du côté romain. Il n’aura pas chômé durant la période resplendissante de la
Rome antique, que l’on croyait « éternelle ». À force de rompre le fer, sa lame s’est érodée. Les temps ont ensuite été favorables à d’autres dieux de la guerre issus de l’est et du nord, protégeant des êtres au cœur robuste et aux yeux ardents. « Where Are You Mars » en est un pertinent rappel. Les français font là une petite entrave musicale en introduisant des claviers. L’entrée serait digne de celle d’une formation de black mélodique à l’instar de « Cradle of
Filth ». Ce qui permet seulement de ne pas perdre pieds, ce sont les riffs hachés et quelques brefs growls, apportant en lourdeur, juste histoire de contrebalancer l’excès soudain en fluidité entreposé en début et fin de piste. On fait état pour « Where Are You Mars » de growls, il en serait coutumier pour « The
Myth of the
Fallen Lords » qui évolue contre toute attente dans du doom death. Même s’ils s’attèlent correctement à la discipline, l’expérience pourrait en rebuter certains qui devront attendre les 3.30 minutes pour que «
Lutece » leur redonne un coup de fouet.
Indépendamment du morceau bonus «
Metal Legacy » qui s’illustre comme un hommage aux grande formations metal, dans un heavy speed occulte, dont le chant black apparait étrangement maladroit ; les derniers titres de l’opus font la part belle au pagan et au metal épique. « Gallow’s
Reign » nous met en transe de son rythme attrayant. Le titre n’en est pas moins hanté. Des airs fantomatiques vous perdront dans la nappe brumeuse. «
Ancient Gods of
War », tout comme l’instrumental « Imbock », s’associent à une dimension spirituelle. S’en est quasiment un recueillement. Paradoxalement, la formation se refuse à les dissocier totalement à la rage omniprésente sur les autres titres. Il y aura donc cette énergie inédite dans tous ses efforts, y compris dans ses élans pagan. Il en va désormais de la jeune notoriété de «
Lutece ». L’écoute de « The
Path of
Glory » en est la constatation la plus représentative. Une violence que rien ne saurait altérer.
L’année 2013 est l’année de «
Lutece ». En plus de nous avoir honoré d’une orgueilleuse, mais talentueuse sortie, nos amis initialement originaires du groupe black metal «
Dark Requiem », font figure de maîtres dans l’art avec le succès de leur tournée hexagonale. Avant « …Our
Ashes Blown Away », «
Lutece » n’existait pour ainsi dire pas. Ils ont su oser, donner une forme singulière à la violence, à l’ivresse des combats. On aura retenu en supplément la notable qualité son de l’ouvrage. Le black pagan français compte un valeureux en plus dans ses rangs clairsemés. Nos ancêtres nous l’on apprit, sur un champ de bataille ce n’est pas plus force du nombre que celui de la bravoure qui compte.
15/20
Un bon petit album pour Lutece avec ce Ashes Blown Away qui passe d'ailleurs très bien en live !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire