Aujourd’hui, pour fêter la mi-festival, on s’offre un bon repas chaud dans une crêperie histoire d’être d’attaque et de démarrer dans les meilleures conditions cette troisième journée de débauche auditive !
Pothamus
On décide d’aller voir Pothamus, groupe belge de sludge atmosphérique et je peux vous dire que je regrette d’avoir raté le premier quart d’heure du show tant le groupe m’a scotché : les trois membres, sobrement revêtus d’un jean et d’un t-shirt noir, n’usent d’aucun artifice ni jeu de scène sophistiqué, laissant simplement parler leur musique, extrêmement prenante et émotionnelle. Aussi puissante que mélodique, les compos rappellent un peu Year of no Light, Isis ou Cult of Luna, surtout dans le jeu très tribal du batteur qui mène parfaitement des montées en puissance parfaitement orchestrées. Le guitariste chanteur nous gratifie d’un chant clair très juste, beau et touchant, alternant avec des hurlements rageurs typiques du post metal, et ondule avec sa guitare en une transe hypnotique et animale, s’accroupissant et posant sa guitare à plat sur son genou pour en faire jaillir une pluie de notes électriques qui vient nourrir la musique. Incroyable concert, malheureusement beaucoup trop court ! Une sacrée découverte et l’un de mes coups de cœur du festival, à n’en pas douter. La journée commence bien !
Sorcerer (FRA)
Si je trouvais la programmation très éclectique dans son approche du metal et de ses musiques affiliées en général, je déplorais quand même un manque flagrant de doom, et je me réjouissais donc d’avoir l’opportunité de voir les vétérans suédois de Sorcerer. Pourtant, à l’approche de la Supositor, je commençais à douter, en voyant une bande de trentenaires monter sur scène en baskets et débardeurs : pas très doom tout ça, plutôt hardcore, non ? Et effectivement, une fois n’est pas coutume, les codes du metal ne mentent pas ! Le Sorcerer que j’avais devant les yeux n’était pas du tout le groupe que j’attendais mais une formation de hardcore parisien est sorti cette année sur Frozen Records. Ha, le fameux piège des patronymes !
Aucune importance, puisqu’on y est, autant profiter du spectacle, et pour le coup, les Parisiens auront livré un set honnête et efficace, bien dans la tradition du style, avec un son de guitare bien grave et lourd. Les compositions sont intelligentes, avec ce qu’il faut de groove, de riffs propres à la baston, de breaks bien lourds et de respirations mélodiques, me rappelant par moments le grand Kickback, avec ces ambiances sombres tirant parfois presque sur le black, ou, plus récemment, les Américains de Foundation. On sent un groupe engagé tant dans leurs prises de position (un drapeau de la Palestine en guise de décor, un chanteur qui prévient que les festivaliers portant un t-shirt de Peste Noire ou autre groupe NS ne sont pas les bienvenus à son concert) que sur scène, avec un show dynamique (les fameux coups de pieds en l’air typiques du style, le vocaliste qui invite les derniers rangs à se rapprocher pour vivre pleinement un vrai show de hardcore). Bref, passée la surprise du début, un bon moment et un chouette concert plein d’énergie brute !
KALANDRA
Pour être honnête j’avais prévu d’aller me poiler devant les provocations musicales de l’ami Didier Super histoire de changer un peu de registre et de me remémorer une partie de ma jeunesse dépravée. Mais c’était sans compter sur ma femme qui préférait quelque chose de plus calme et mélodieux… Du coup, Kalandra et son post rock folk atmosphérique semblaient s’imposer. Beau prince et toujours curieux d’enrichir mon répertoire musical, je me dirigeais donc en compagnie de ma chère et tendre vers la Dave Mustage pour découvrir le quatuor norvégien dont on m’avait dit beaucoup de bien. La réputation du groupe n’est pas usurpée, qui fera une belle prestation, avec une belle présence scénique et vocale, Katrine Stenbekk, visiblement habitée par la musique, ondulant et se cambrant au rythme des pulsations, comme en transe. Le groupe n’hésite pas à laisser respirer ses compositions avec de longues parties instrumentales où la guitare fait des merveilles (quelques magnifiques passages progressifs et planants un peu floydiens dans l’esprit) et d’une manière générale, les morceaux évoluent en douceur entre rock planant et folk nordique (le superbe interlude où les trois musiciens restent seuls sur scène, Jogeir Daae Mæland entonnant une mélodie dans sa corne de brume, à coller des frissons). On retiendra le superbe Slow Motion aux vocalises envoûtantes ou le très intimiste et hypnotique Borders qui prend toute sa dimension sur scène. Un beau concert, et une nouvelle découverte d’un groupe que je tâcherai de suivre de près à l’avenir…
Rüyyn
Rüyyn fait partie de ces groupes de black talentueux dénichés par Les Acteurs de L’Ombre et ayant eu un vrai coup de cœur pour leur premier album, Chapter II: The Flames, The Fallen, The Fury, sorti l’année passée, je me devais d’aller voir ce que donnait le combo en live. Et bien bonne surprise, le black metal mélodique et atmosphérique de Romain Paulet et ses sbires supporte très bien le passage de la scène, d’ailleurs les musiciens joueront l’intégralité de leur full length dans l’ordre, respectant ainsi une progression musicale logique et cohérente. Le black metal de Rüyyn est intelligemment construit, présentant de longs morceaux aérés évoluant entre moments de bravoure épique, passages rapides et agressifs et parties musicales plus calmes aux confins du post black (ce magnifique taping de guitare à la fin de Part II fait même penser à du Gojira). Ce type de musique repose avant tout sur les ambiances, dégageant une aura très spirituelle, et la qualité du son, avec renforce l’immersion, grâce à une guitare lead très claire et audible. L’aspect visuel est également très soigné, les musiciens investissant la scène dans un costume de cérémonie noir et présentant un visage entièrement peint en noir à l’exception d’une bande verticale dorée au milieu, et le batteur martelant ses futs entre deux grandes coupelles en fer forgé dans lesquelles se consume une flamme durant toute la durée du show. Un superbe moment, et un concert qui fait honneur au black français. Cocorico !
Toxic Holocaust
Après cette belle prestation, l'adrénaline d'une fosse bouillonnante me manquait un peu et ça tombe bien puisque Toxic Holocaust s’apprête à démarrer son set sur la scène d’à côté. Let’s go ! Pas grand connaisseur de cette scène revival thrash, le trio emmené par Joël Grind est néanmoins l’un des l’un de mes groupes préférés dans le style grâce à des hymnes courts, percutants extrêmement efficaces et ravageurs aux bons relents de punk, et c’est tout sourire que je m’avance innocemment dans la fosse pour me prendre quelques mandales. Alors oui, sur scène, le thrash, c’est toujours un sacré défouloir et le concert des Américains n’aura pas dérogé à la règle, avec son lot de circle pits et de pogos en pagaille mais je reste un peu sur ma faim, le show manquant un peu d’agressivité et de ce côté déjanté que j’affectionne tant dans le style, les trois déroulant leurs morceaux de manière certes énergique mais un peu trop classique et conventionnelle. Force est de constater que Joël Grind s’est un peu empâté au fil des années et que sur scène, sa voix n’est pas aussi glaireuse et agressive que sur album, dommage ! Reste un show honorable qui comprend des titres d’un peu tous les albums, faisant la part belle au vieux répertoire du groupe et alternant morceaux survoltés (Bitch, In the Name of Science, le court et fracassant le fracassant Death Brings Death, Acid Fuzz) et autres compos un peu plus lourdes histoire de varier les plaisirs (I Am Disease, The Lord of The Wasteland). Pour l’anecdote, on remarquera Fernanda Lira sur le côté de la scène qui headbangue furieusement et reprend les paroles en choeur, meilleure façon de se préparer pour le concert de Crypta, preuve que les trois ont tout de même su conquérir une bonne partie du public ! Du bon thrash, basique et brut de décoffrage, mais qui ne supplantera pas la prestation d’Havok, loin s’en faut !
Villagers Of Ioannina City
En bonne brute épaisse que je suis, j’avais prévu d’aller voir Krypta, mais ma femme me traîne devant la Ferguscène pour assister au show de Villagers of Ionnanina City, que je ne connaissais que de nom. Ma foi, je ne peux que remercier ma chère et tendre car c’est encore une belle découverte ! Les musiciens nous offrent 50 minutes d’un post rock/metal électrique et folklorique plein d’émotion, avec de longs morceaux progressifs qui prennent leur temps pour développer leurs ambiances, alliant passages atmosphériques et plus bruts. Lors des montées en puissance savamment rythmées par un batteur au jeu très tribal, Kostas, au premier plan, se contorsionne derrière sa cornemuse, dommage que la clarinette était un peu en retrait. Quoi qu’il en soit, le public a répondu présent, savourant la performance dans un silence religieux, visiblement transporté par la musique du groupe qui sait intelligemment allier puissance (l’énergique For the Innocent de fin, plus metal, avec ce final dantesque où Aris se déchaîne sur ses futs) et sensibilité (un très beau Father Sun tout en retenue). Eucharisto !
LES SHERIFFS
Il y avait Exodus qui jouait sur la Mustage, mais j’ai eu ma dose de thrash et je choisis de rester fidèle à mes premières amours, et d’aller découvrir Les Sheriffs sur scène, vieux groupe de punk alternatif qui a bercé mon adolescence !
Les keupons de Montpellier fêtent leurs 40 ans de carrière et ne sont plus des jeunots, ça se voit, mais quelle énergie ! Malgré un son de guitare assez chétif par rapport aux monstres metalliques qui se succèdent depuis maintenant deux jours et demi, les parviendront à mettre tout le monde d’accord et retourneront un pit particulièrement déchaîné grâce à leur patate et leur bonne humeur communicative. Dans le public, on croise pas mal de quinquagénaires fans de la première heure qui reprennent en chœur chaque titre du groupe, dont la setlist aura une allure de bestof avec Ne Fais Pas Cette Tête Là, Les deux Doigts (Dans la Prise), Jouer Avec le Feu, 3,2,1… Zéro, pas de Doute ou encore le fameux hymne A Coups de Batte de Baseball, que des compositions simples, directes, fédératrices et énergiques faciles à retenir et à chanter (Pascal Brunner, sors de ce corps !). Un show sympa et bon enfant malgré une pression phénoménale dans la fosse et une tempête de slams incessante qui ont un peu gâché le plaisir (ma femme sera obligée de demander à la sécu de la faire sortir par dessus-la barrière après s'être pris une Ranger sur le crâne) . Punks un jour punks toujours !
Dodheimsgard
Dodheimsgard est un groupe que j’attendais de pied ferme : fier représentant de la vague de true black norvégien avec son fameux Kronet til Konge sorti en 1995, le groupe, à l’instar de Satyricon, a progressivement évolué vers un metal plus lourd et indus jusqu’à embrasser un style plus expérimental et avantgardiste . Toujours très bon sur album, le défi était pour moi de savoir comment retransmettre cette complexité musciale sur scène tout en restant puissant et accrocheur. Vicotnik et sa bande vont lever mes doutes avec une prestation aussi professionnelle qu’haute en couleurs. Le leader fait son apparition dans un habit de scène à paillette, avec une sorte de capuche imperméable sur la tête sorte, puis rapidement il enlève son masque et laisse apparaître un visage blanc et grimé le faisant ressembler à une sorte de clown délicieusement fêlé qui rappelle un peu le Joker. Il fera presque le show à lui tout seul, balançant des nuages de poudre de Perlimpinpin à pleines poignées sur ses musiciens impassibles, allant subitement coller un bécot sur le crâne de l’un des guitaristes pour aller chasser l’autre à coups de pieds au cul la minute d’après, se retrouvant par deux fois à quatre pattes comme un chien à headbanger hystériquement et qui va même s’offrir une petite grimpette sur l’une des structures metalliques encadrant la scène. Evidemment, il n’est pas avare en mimiques et en grimaces et son jeu de scène correspond parfaitement à la musique, tordue, et imprévisible, sorte de bande son d’une fête foraine malsaine sous psychotropes, mêlant expérimentations parfaitement maîtrisées et passages plus bruts de décoffrage où les racines black du groupe nous sautent à la gueule (l’impitoyable The Crystal Specter). A ce titre, l’excellent dernier album sera largement représenté sur la set list (Et Smelter, Interstellar Nexus, It Does Not Follow), ces longs morceaux progressifs trouvant une belle cohérence sur scène notamment grâce à un Øyvind Myrvoll impérial au jeu à la fois subtil et puissant, et les nombreux passages acoustiques et plus expérimentaux sont parfaitement rendus, faisant de ce show une vraie réussite à la fois musicale et artistique. Chapeau les artistes !
Aborted
Il est plus de minuit, et je commence à fatiguer un peu, ceci dit, il était impensable de rater l’un des rois du brutal death, à voir au moins une fois dans sa vie pour tout deathster qui se respecte ! Putain, quelle tuerie ! Aborted sur scène c’est une machine de guerre parfaitement huilée qui ravage tout sur son passage, à la sauvagerie hallucinante et parfaitement maîtrisée (les musiciens sont d’une précision chirurgicale, pas de celle d’un Archaïque Abattoir !) et au groove irrésistible. Nos voisins belges évoluent subtilement (hum, est-ce vraiment le mot ?) vers quelque chose de plus en plus moderne au fil des albums sans pour autant renier leurs racines old school, balançant une flopée de riffs saccadés lorgnant parfois vers le core, et cela démultiplie encore l’impact de leurs compos fracassantes. Autant vous dire que la nuque chauffe méchamment, d’ailleurs, heureusement que l’audience est visiblement rincée en fin de soirée car sinon, ça aurait encore était une sacrée bagarre pour rester debout dans le pit. Sven de Caluwé, visiblement en forme et en jambes, compte bien tirer les dernières forces d’un public éreinté mais complètement acquis à sa cause en le priant de slammer pour donner un peu de travail aux gars de la sécu qui s’ennuient, et en invitant tous les spectateurs à participer à un Wall of Death géant, éventrant la foule en deux jusqu’à la régie (en réalité, le mur de la mort sera bien plus modeste). Livrant un show extrêmement brutal et dynamique, le chanteur reste plein d’humour et, arguant que sa mère trouvait qu’il avait pris du poids en tournée, nous incite à une séance d’aérobic géante en nous faisant effectuer une série de jumping jacks en rythme sur la musique ! Et, histoire de terminer sur une note de fantaisie, le groupe nous quitte sur Sandstorm de Darude, un hymne techno des années 90 itsch comme on les aime, au nom de, je cite, « l’amour de la musique ». L’une des claques du festival, assurément, qui nous envoie dormir un sourire béat aux lèvres. A moins que…
DIRTYPHONICS
…à moins que les basses irrésistibles d’un OVNI musical ne nous tirent de la tente alors que nous étions déjà presque dans les bras de Morphée, le duvet remonté jusqu’aux oreilles ! Et c’est bien ce qui s’est passé avec les Dirtyphonics, groupe électro évoluant dans un mix de drum ‘n bass, de dubstep et de techno incroyablement punchy et dansant. On retrouve dans la musique du duo des influences Subfocus (énormément), Pendulum (beaucoup) et Skrillex (un peu), et les deux DJ s’illustrent par un set et une attitude particulièrement rock, aidés par la présence de deux guitaristes dont les riffs saturés et les soli aigus renforcent l’impact de la musique, un gros mur du son saccadé avec des basses dopées aux hormones. Surélevés sur leur estrade, Charly Barranger et Julien Corrales mettent littéralement le feu à la scène (avec les canons qui crachent d’énormes flammes en rythme), et prennent un malin plaisir à revisiter certains titres électro et metal à leur propre sauce.
C’est à regret que le duo doit achever son set et laisser derrière lui un public survolté, horaires obligent ! Que dire mis à part que c’est assez fou de se lever à 1h20 pour aller rejoindre une Dave Mustage transformée en dance floor géant… Un seul petit regret, que les Dirtyphonics n’aient pas été programmés le dimanche soir pour clore le festival en apothéose !
Cette fois-ci, il est bel et bien temps de se reposer, et le silence tombe rapidement sur le camping… Ceci dit, pas facile de s’endormir quand on est surexcité par un concert aussi dynamique ! Allez, encore un petit effort, demain c’est la dernière ligne droite de ces 4 jours hors du temps et nul doute que cette ultime journée nous réservera encore bien des surprises…


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J'ai aussi POTHAMUS et RÜYYN dans mes coups de coeurs :-) !
Mdr pour SORCERER !!! LLNN en Post-Hardcore pendant ce temps valait clairement le détour.
T'as loupé CRYPTA qui était très très bien !
Suis-je le seul à ne pas du tout accrocher à ce que fait maintenant DODHEIMSGARD ? Je me suis très ennuyé pendant son set, je ne suis pas du tout rentré dedans. J'oserais même dire que je l'ai trouvé un peu ridicule :-l
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