Motocultor Jour 1

the Thursday 15 August 2024, Carhaix

Depuis plus de 15 ans qu’il fait partie du paysage metal français, le Motocultor est devenu une institution pour les amateurs de musique saturée. Petit évènement  local très modeste lors de sa création en 2007 (200 spectateurs à peine !), le festival breton ne cesse de grossir et de se professionnaliser, devenant au fil des années le n°2 des évènements metal français derrière le géant Hellfest. Pour la première fois en 2019, le festival se déroule sur 4 jours, et trois ans plus tard, lors de la reprise des concerts après le Covid, il s’offre une quatrième scène, preuve de sa bonne santé malgré les soucis sanitaires et autres embûches financières qui se mettent souvent en travers de ce genre d’évènements. L’année dernière, le Motocultor déménageait, quittant Saint Nolff pour s’installer à Carhaix sur le site des Vieilles Charrues et, changement de site oblige, quelques problèmes d’organisation étaient à déplorer : manque de points d’eau et de toilettes, ainsi qu’un camping trop petit pour accueillir tous les festivaliers, voilà quels étaient les principaux motifs de plainte. Il semblerait que l’équipe du Motoc ait été réactive car pour cette deuxième édition à Carhaix, ces problèmes  ne sont plus vraiment d’actualité ! S’il reste forcément quelques petits points à améliorer (un manque de communication entre les organisateurs et les bénévoles,  des scènes concomitantes où les balances d’un groupe parasitent parfois un peu le set de celui qui joue à côté, restauration aux prix encore malheureusement trop élevés pour les petites bourses), cela reste de l’ordre de l’anecdotique et quasiment toutes les personnes interrogées durant ces 4 jours, festivaliers comme bénévoles ou membres de la sécurité, s’accordent pour dire que le Motocultor 2024 a été une véritable réussite et l’une des meilleures éditions au niveau orga ! Jugez plutôt : 4 scènes, une affiche qui n’a pas à rougir face aux autres festiv’ internationaux (Opeth, Meshuggah, Architects, Venom Inc, Deicide, Gorgoroth, KK Priest, Avantasia…) et à l’éclectisme assumé (Kalandra, Didier Super, Millencolin, Nova Twins ou Dirtyphonics !), une équipe de bénévoles souriante et prévenante, un site grand et aéré sur lequel on peut facilement circuler… Difficile de faire mieux !    Histoire d’être sûr de profiter un maximum du festival et de ne pas en rater une miette, j’arrive la veille des concerts. La première bonne surprise, c’est le super accueil, aimable et souriant, dans un camping VIP/Presse vraiment grand et confortable, avec douches chaudes et toilettes propres, autant dire  de très bonnes conditions pour démarrer ces 4 journées marathon. On laissera même ma femme, qui se sera décidée au dernier moment à me rejoindre, accéder au camping malgré son statut de simple festivalière. Un grand merci ! Premier constat, le nouveau site est plus grand mais respecte pas mal la disposition de Saint Nolff, de sorte que les habitués du Motoc ne seront pas perdus. Plus d’espace donc, mais aucune impression de gigantisme, on circule toujours aussi facilement d’une scène à l’autre et c’est appréciable ! Cette année, l’orga a décidé de réunir tous les restaurants dans une seule et même zone vraiment spacieuse, qui offre un confort plus important avec plus de nombreuses places assises. Un bon point ! Le choix est varié (cuisines thaï, sénégalaise ou libanaise, tartiflette, friterie et burgers, crêpes, galettes, gaufres et churros…) pour un prix moyen avoisinant les 10-15 euros par plat. Concernant les bars, il y en a plusieurs à différents endroits du site afin d‘éviter les queues, avec même des tireuses à bière en libre-service qui s’activent via le code barre du bracelet cashless. Bien vu ! Il y a plus de choix que les années précédentes, avec des bières locales à l’honneur, mais on déplorera que le prix est encore un peu élevé (8 euros la pinte, ce n’est pas à la portée de tout le monde !). Au rayon des nouveautés, on soulignera aussi l’apparition d’un stand de prévention contre les agressions sexuelles (merci !), d’urinoirs pour femmes (bravo !), de casiers à cadenas gratuits pour garder les objets de valeur (rebravo !) et l’installation de quelques oeuvres à l’entrée qui rendent le site plus agréable (tableaux, sculptures metalliques). Pour le reste, on a toujours une halle abritant un metal market bien achalandé (CD, fringues et accessoires, évidemment mais également  illustrations et différents articles d’artisanat…) ainsi que les 4 scènes, la Supositor (plutôt axée black et death) côtoyant la Dave Mustage (pour les grosses têtes d’affiche) et la Dave Ferguscène (plutôt sludge, post metal) jouxtant la Bruce Dickinscène (pour une programmation plus alternative et rock).   Maintenant qu’on a fait un petit tour d’horizon, trêve de bavardages et en avant la musique, que la fête commence !



Uada

Premier concert du festival pour moi, ce sera Uada, groupe de black mélodique américain qui a pas mal le vent en poupe depuis plusieurs années et que j’étais curieux de découvrir sur scène. Autant sur album, je trouve parfois la musique un peu trop lisse et gentillette, autant j’ai été vraiment convaincu par la prestation du quatuor, qui a livré un set très carré, au son limpide et d’une belle intensité. L’ensemble est brut, sans fioriture, extrêmement sobre et les musiciens, cachés derrière leur capuche rabattue, se concentrent sur l’essentiel, à savoir la musique : aucun élément de décor mis à part cette magnifique lune en fusion qui symbolise le groupe, aucune mise en scène particulière, les quatre montent sur scène et repartent sans un mot, se contentant de balancer la sauce et enchaînant leurs titres avec maestria. Leurs longs morceaux sont très prenants, avec des mélodies de guitare bien mises en avant qui ressortent parfaitement, alternant explosions de blasts et passages plus atmosphériques, et même si le chant est parfois trop étouffé (quelques petits problèmes de micro, surtout en début de set) cela ne gêne pas pour apprécier ce genre de musique, axé avant tout sur les riffs. Un très bon premier concert avec un son excellent, de quoi commencer idéalement la journée et le festival !

Havok (USA)

J’étais ensuite curieux de voir ce que pouvait donner Ange, groupe de rock progressif français des années 70. J’apprends sur place qu’ils joueront finalement à 21h en lieu et place de Magma dont le batteur s’est cassé le bras et qui a donc dû annuler sa venue au dernier moment. Dans ces conditions, impossible pour l’organisation du Motoc de remplacer le groupe au pied levé, d’où ce changement d’horaire : je ne verrai finalement pas Ange ce soir qui joue en même temps que Deicide, il faut bien faire des choix ! J’en profite donc pour écouter de loin le rock expérimental de Squid avant de revenir sur la Supositor pour assister au show de Havok. Les 4 livrent le concert qu’on est en droit d’attendre d’eux : très énergique, dynamique et virevoltant, un thrash de haute volée dans la décontraction et la bonne humeur, le tout très précis et là encore avec un son clair et tranchant. Les Américains n’avaient pas joué en France depuis 6 ans, et ils étaient visiblement heureux d’être là, profitant de l’occasion pour jouer quelques morceaux de leur dernier album, V, qui passent parfaitement l’épreuve du live. Les musiciens, très sympathiques, ont affiché un sourire tout le long des 45 courtes minutes qui leur étaient allouées et le public a répondu présent, avec les premiers pogos, slams et circle pits du festival. Vive le thrash et vive Havok !

Sacramentum

Après le thrash revival bon enfant de Havok, offrons-nous un petit saut dans le temps pour aller voir l’un des groupes fondateurs de la scène black/death suédoise, j’ai nommé Sacramentum. Séparée depuis  2001, la horde de  Göteborg avait annoncé sa reformation en 2019, à l’instar d’Unanimated ou Mork Gryming, et  n’avait pas joué en France depuis 1999, pensez donc ! J’étais donc très excité à l’idée de voir une formation aussi culte sur scène. Sans grande surprise,  Nisse Karlén et sa bande jouent la quasi intégralité de leur magistral Far Away From the Sun, et dans l’ordre s’il vousplaît, ouvrant d’entrée sur le tonitruant Fog’s Kiss, ce qui a dû réjouir nombre de fans de la première heure même si malheureusement, le son est trop fort, mal équilibré, avec une batterie et une basse trop en avant et des guitares manquant de clarté, ne permettent pas de suivre idéalement toutes les subtilités mélodiques. Les Suédois ont cependant une belle présence scénique et livrent une performance honnête, avec un Nisse Karlén au micro qui fait le show, comme possédé par le diable, bénissant d’entrée l’assemblée comme le prêtre d’une messe noire et levant ses doigts vers le ciel en une parodie de prière . Plusieurs, fois, il regarde au loin, comme à travers le public, comme s’il communiquait avec un Malin invisible, il prend volontiers la pause pour les photographes et lors de Blood Shall Be Spilled, il se verse un calice de sang sur la tête, qu’il remplira plusieurs fois au fur et à mesure du show et dont il aspergera les gars de la sécu massés devant la scène. Lors du Awaken Chaos de clôture, unique titre issu de leur album de 1999, The Black Destiny, il trempera ses doigts dans le sang et marquera plusieurs fidèles du premier rang, leur barbouillant le front d’un sceau sanguinolent sous les acclamations du public. Un concert sympathique donc, mais un peu décevant, la faute à un son trop brouillon qui n’aura pas vraiment rendu hommage à la musique si exigeante de Sacramentum. Dommage !        

Deicide

Après 35 ans de carrière, Deicide n’a rien perdu de son talent créatif, en témoigne leur dernier très bon album sorti cette année, Banished By Sin. Mais sur scène, ça donne quoi ? Eh bien, autant le dire tout de suite, les papis sont encore en forme et livrent une branlée monumentale, une véritable leçon de death à la brutalité affolante, compacte et étouffante, le tout parfaitement maîtrisé. Les musiciens restent statiques mais en imposent, pas besoin de jeu de scène sophistiqué quand la musique parle d’elle-même : le guttural de Benton est toujours aussi effrayant, on dirait que les années n’ont pas d’impact sur le bonhomme – quelle présence ! - tandis que Steve Asheim à la batterie est d’une puissance et d’une technicité affolantes, propulsant les riffs brise-nuque de la paire de guitaristes. Le son est énorme, la démonstration totale, et Deicide déroule ses hits intemporels dans une ambiance sulfureuse et survoltée devant un parterre en guerre pour un concert à l’allure de best of (Carnage in the Temple of the Damned, Once Upon the Cross, Satan Spawn, the Caco-Daemon, They Are the Children of the Underworld, Dead By Dawn, Scars of the Crucifix). Les Américains jouent aussi deux morceaux de leur nouvel album qui s’insèrent parfaitement dans la set-list, Sever The Tongue, à la coloration black très intéressante, et Bury the Cross...With Your Christ, et achèvent les derniers survivants sur un Homage For Satan rapide et dévastateur qui met en avant le talent de soliste de Kevin Quirion. Une vraie leçon de death, magistral !

Venom Inc.

Pour me remettre de mes émotions et de mes premières courbatures, je me décide à aller jeter une oreille à Venom Inc, car même si ce n’est pas trop ma came, un groupe aussi pionnier qui a contribué à l’émergence de tout un pan du metal extrême, ça se respecte !

Eh bien, j’ai été positivement surpris par l’énergie dégagée par le power trio, qui a livré un très bon concert, hautement énergique et très rock n’ roll, malgré l’âge les musiciens envoient du bois, et leurs compos sont puissantes et fédératrices, parfaitement taillées pour le live avec un Mantas particulièrement en forme et très en jambes après ses récents problèmes de santé, courant sur scène comme un jeune homme et envoyant solo sur solo avec une aisance et un plaisir visibles ! Sur l’inévitable Black Metal, il fait même virevolter sa guitare en l’air tel un hélicoptère tandis que des canons crachent des colonnes de fumée sur le devant de la scène. Tony Dolan, bien que moins mobile, n’est pas non plus en reste, particulièrement à l’aise vocalement avec un chant bien rauque et puissant, ça sent que le gaillard a de la bouteille, d’ailleurs, il sort à un moment une bouteille de Jack qu’il tête au goulot avant de la passer au public, sympa ! Le concert reprend en majorité des vieux morceaux de Venom (le très motörheadien Witching Hour, In Nomine Satanas, In league With Satan, Black Metal, Welcome to Hell…) mais n’oublie pas quelques compositions de Venom Inc, un peu plus complexes musicalement mais tout aussi efficaces  et laissant plus de place aux excellents soli de guitares (War, Come to Me, Black N Roll). Black N Roll !      





BLACK CRIPPLED PHOENIX

Il est déjà 23h15, et c’est vers la Bruce Dickinscène que je me dirige, histoire d’apaiser cette débauche d’énergie et de décibels  dans le post rock folk intimiste et électrique de Crippled Black Phoenix.  Après la prestation brute de Venom Inc, me voilà embarqué pour 1h10 de concert tout en ambiance et en nuances. Le set s’ouvre sur Troublemaker, avec un Joel Segerstedt au chant juste et touchant, bientôt épaulé par Belinda, aux interventions fragiles pleines de sensibilité, se contorsionnant avec une nonchalance féline dans son t-shirt House of Cats (clin d’œil amusant à la Khaleesi de Games of Throne). Les Britanniques proposent un show varié passant en revue uen grand partie de leur discographie, entre longs passages instrumentaux et intimistes où les musiciens jouent à moitié cachés derrière des nuages de fumée (le superbe We Forgotten Who We Are qui finira le scène tout en langueur), les lumières bleues et rouges renforçant cette atmosphère irréelle, et des parties plus rock, comme l’excellent et puissant Rise Up and Fight, ou Lost, introduit par un jeu de batterie tribal avec un final qui monte lentement en puissance. Un très beau moment, mais qu’on aurait sans doute préféré en clôture de soirée histoire de nous préparer à un sommeil paisible, car il reste encore un concert pour achever en beauté ce premier jour, et pas des moindres !

 

Kvelertak

Entre le hardcore massif et ultra frontal de Lionheart et le punk black n roll de Kvelertak, pas facile de faire son choix, mais mon côté blackeux a penché pour la formation de Stavanger, d’autant que j’avais déjà eu l’occasion de voir les Américains sur scène. En tous cas ce n’est pas avec cette prestation que l’on va avoir envie de dormir, puisque les 5 balancent  un set 100% rock ultra dynamique et survitaminé où une fosse chauffée à blanc lance ses dernières forces (ça poussait et ça bousculait sacrément dans les 10-15 premiers rangs et il n’était pas toujours évident de rester sur ses deux pieds !). Tous les gros tubes en puissance du groupe y passent en un ouragan irrésistible à l’énergie communicative (Blodtørst, Krøterveg Te Helvete, Mjød, Kvelertak…) avec des musiciens très mobiles - un des guitaristes qui prend la scène pour une piste de 100 mètres, un bassiste qui nous fait un Supercopter avec sa guitare - et un Ivar Nikolaisen en état de grâce, véritable incarnation du rock avec son perfecto et son slim noir troué, qui se déhanche comme un diable et slamme cinq fois pendant les morceaux – la première fois avec son pied de micro !  - , continuant à gueuler sur une véritable marée humaine exténuée mais heureuse qui chantait à l’unisson ! Un excellent show par contre, quasiment aucune trace de black dans la musique de Kvelertak (on reste dans du rock pur jus qui plaira aux amateurs des Hives, Hellacopters ou Turbonegro) qui aura certes balancé un show très énergique mais auquel j’aurais aimé une touche de noirceur supplémentaire.




Il est désormais 1h30 et il est grand temps d’aller se coucher pour se remettre de ses émotions, car cette première journée n’était qu’un prélude, puisqu’il reste 3 jours de festival à la programmation alléchante s’étalant de 12h45 à 2h30 du matin…   


3 Comments

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fufupue - 31 August 2024:

J'ai eu la chance de voir 3 groupes de cette première journée lors d autres festivals, Uada est toujours top sur scène, leur musique est très immersive et si tout comme Mgla c'est zéro communication, osblc car ils nous emmènent dans leur trip avec tellement de facilité! Deicide c'est effectivement toujours une leçon! Tu as pensé quoi de la diction de Glenn B. ? Sur album c'est nickel mais en live ça donnait un peu ... yaourt... aucune critique hein! Les années sont là et ce genre de chant laisse des traces. Sacramentum le son était bon quand je les ai vu, et du coup super moment! Déjà un très chouette report de cette première journée, je vais lire la suite 

Jibe - 02 September 2024:

Beau report, merci. On a fait presque la même chose ce jour-là. Il y avait aussi SHY, LOW de très sympa en Post-Metal, juste avant UADA.

frantik - 06 September 2024:

Hello. Massey Ferguscene en non Dave Ferguscene non? (fin de l'intro)

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