Textures

Quand un groupe revient après un hiatus de quelques années, de nulle part alors qu’il avait annoncé son arrêt définitif, les festivals sont une occasion en or et de les (re)voir en concert et de les interviewer pour comprendre les raisons du retour. 

Textures est de ceux là. Etoile montante d’un metal progressif extrême (avant qu’on appelle ça du djent), passé de Listenable à Nuclear Blast pour proposer un Phenotype en 2016 abouti, quasi parfait et surtout premier élément d’un duo d’album (Genotype était déjà prévu). Puis plus rien … jusqu’à maintenant. 

Rencontre avec Joe Tal, principal compositeur / guitariste ainsi que Stef Broks, batteur du combo néerlandais. 

 

[Par Eternalis]

 


 

Salut les gars ! Comment vous sentez-vous après ce concert ? (ndlr : terminé 1h avant l’interview)

Joe : nous allons parler fort parce qu’il y a du bruit autour (ndlr : la magie de l’espace presse). Un deux Un deux (rires). 

Nous allons super bien. Le show était énorme, le public était super et c’est toujours un plaisir de revenir en France et au Hellfest. 

Stef : C’est cool de revenir en France, comme à chaque fois. C’est une nouvelle histoire que nous commençons en ce moment et la France a toujours été un pays à part pour nous. Nous avons commencé avec Listenable, un label français, en même temps qu’ils avaient Gojira vers 2005/2006. Aujourd’hui, l’audience était fantastique et voir autant de gens pour un retour et sans nouvel album, c’est surprenant. 

 

C’était la première fois que je vous voyais aujourd’hui ! Quel comeback. Quelle histoire ce cache derrière cette reformation ? 

Joe : Il ne s’est rien passé réellement. C’était juste le moment de revenir pour jouer ensemble. Il n’y a jamais eu de grand drama autour du split et il n’y en a pas autour de notre retour. Nous étions toujours de très bons amis et c’était donc naturel de se dire, à ce moment de nos vies “Hey, c’est le bon moment , faisons-le !”. 

 

Avez-vous des regrets d’avoir arrêté après “Phenotype” avec le recul ? 

Pas du tout. C’était la bonne décision à ce moment là. Il est pertinent aujourd’hui de revenir car nous pensons avoir des choses à dire et partager musicalement. Nous pensons que avec ce retour, nous serons encore meilleurs et qu’il est légitime pour nous de revenir. 

Mais faire un album aujourd’hui est compliqué, tout prend beaucoup de temps. 

 

Après 10 ans sans être présent, penses-tu qu’il est simple de revenir grâce à votre popularité passée ou au contraire que vous allez devoir recommencer à zéro ? Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, si vous n’existez pas pendant deux ou trois ans …

Tu disparais oui ! C’est un challenge parce que quand nous nous sommes arrêtés, nous étions installés, avec un gros label et des tournées. Mais en 7 ou 8 ans, tout a changé. L’industrie a changé, la façon de consommer la musique aussi par les gens qui n’achètent plus de cds. Ils n’en achetaient déjà plus beaucoup mais c’est encore pire !

C’est donc un challenge puisque nous allons nous retrouver de nouveau face à nous-même pour recréer quelque chose. Mais le groupe est différent, musicalement, nous allons tendre vers quelque chose de différent et nous avons un nouveau visage. 

 

"En 7 ou 8 ans, tout a changé. L’industrie a changé, la façon de consommer la musique aussi par les gens qui n’achètent plus de cds."

 

Comment avez-vous défini la setlist pour ce retour puisqu’il n’y a pas de nouvel album ? Il y a beaucoup de morceaux tirés de “Silhouettes”, pourquoi ce disque et comment avez-vous choisi les titres ? 

Stef : je pense que “Silhouettes” est l’un de nos albums principaux artistiquement. 

Joe : le plus fort probablement.

Stef : Tout du moins celui que les fans aiment le plus. C’était donc logique de leur rendre hommage avec ce disque. Pour ce tour, nous avons néanmoins choisi de tirer des morceaux de tous nos albums. Parfois, nous adaptons les titres selon si nous sommes en Europe ou en Asie mais là, il était important de tirer des morceaux de chaque album. Il y a donc des extraits de “Dualism” ou “Phenotype” aussi. Nous en avons parler avec notre “booker” et nous pensons aussi intégrer de nouveaux titres pour l’année prochaine si nous tournons encore. 

Joe : Basiquement, nous sommes de retour donc nous jouons de vieilles chansons car la tournée de “Phenotype” est terminée. Je sais que beaucoup de gens aimeraient de nouveaux titres mais il n’y en a pas (sourires). Nous pensons aussi à ceux qui ne nous ont jamais vu. 

 

Je trouve que “Phenotype” est un parfait mélange de tout ce que vous aviez fait. C’est aussi mon disque favori du groupe car les passages agressifs le sont vraiment et les mélodiques également. Les parties vocales sont extrêmement intenses. A l’époque, il devait arriver avec son successeur, “Genotype”. La question est donc : est-ce qu’il s’agit du prochain album ?

C’est aussi notre album le plus écouté sur Spotify. C’est un indicateur mais je pense aussi que c’est une question de génération car les anciens fans écoutent peut-être plus les cds et les nouveaux stream. Donc les albums plus récents sont plus écoutés sur les plateformes. 

Pour “Genotype”, nous ne savons pas encore. Nous n’avons pas décidé. 

Stef : Nous n’avons pas écrit pendant ce break. Beaucoup de gens disent “Vous avez dû vous occuper à écrire blabla” mais la vérité est que nous n’avons rien fait (rires). C’est maintenant que écrivons, depuis l’année dernière en fait. C’est très différent musicalement, beaucoup plus ouvert. Nous voulons donner un nouveau souffle, un nouveau visage à Textures donc nous réfléchissons à offrir une suite au passé ou vraiment ouvrir sur l’avenir. 

Joe : Nous ne savons simplement pas quand ça sortira mais c’est bien lancé. 

 

Il y a deux chansons très différentes sur “Genotype”. “Meander” qui est un interlude à la batterie et “Zman” au piano. Comment imaginez-vous ces morceaux de transition ? 

Nous l’avions aussi fait sur les albums précédents. “Silhouettes” n’en a pas mais “Duaslim” en a un et “Polars” aussi. Donc en fait nous le faisons à chaque fois (rires)

Stef : on me parle souvent de “Meander” qui est presque un “top song” alors que ce n’est pas une chanson (rires)

Joe : c’est quelque chose de très prog en fait. Nous le faisons souvent à la fin du processus de création, pour apporter de la nuance dans l’écoute de l’album. 

 

En 2017, vous jouiez en Mainstage et aujourd’hui sous la Altar (ndlr : “Juste avant Devin Townsend” clament-ils en choeur !). La Mainstage est désormais plus alloué au Metalcore qu’à un genre comme le vôtre. Qu’est-ce que vous en pensez ? 

C’est finalement un peu logique. Est-ce que tu as envie par exemple de voir un groupe de black metal au milieu de l’après-midi sous le soleil ? (sourires). Et puis le metalcore vend plus d’albums, est plus “cool” désormais. Je comprends qu’un groupe comme Architects soit en Mainstage par exemple. C’est mélodique, c’est catchy et c’est taillé pour les grosses foules. 

Stef : Architects est pourtant très heavy mais j’adore leur musique. Ce qu’ils vont aujourd’hui est unique, ce n’est pas juste du “metalcore”, ils ont un son à eux et ils ont construit leur son depuis 20 ans donc les voir en haut de l’affiche, c’est quelque chose de mérité. C’est un des groupes les plus créatifs de ces dernières années. 

 

Quels sont les plans pour cette année ? Seulement du live ? 

Joe : C’est l’idée oui. Du live jusqu’à la fin de l’année et ensuite l’album. 

 

Vous êtes toujours sous contrat avec Nuclear Blast ?

Stef : Nous y travaillons. 

Joe : Nous pensons toujours travailler avec eux.

 

Quel est l’album le plus important de Textures pour vous ? 

Stef : Wow … je dirais probablement le nouveau. Je le pense depuis le premier jour où nous avons commencé à travailler dessus. 

Pour les fans, “Silhouettes” est vraiment un grand pas en avant. C’est le premier pour lequel nous avons fait de grandes scènes, pris l’avion, tourné un peu partout et qui nous a fait vraiment grandir. On sent l’audience qui augmente, notre statut également. C’est le dernier album avec Listenable et ils ont fait beaucoup pour ce disque avant que nous signons chez Nuclear Blast. On est devenu un groupe international avec ce disque. Nous étions dans les magazines, sur internet, tu avais des gens qui disaient “Hey, tu es le gars de Textures toi”. 

Pourtant l’album n’est pas simple à appréhender, il y a de la polyrythmie, des tempos qui changent tout le temps. Quand on voit les gens dans le public, tu te dis “Merde, comment tu peux headbanger là dessus” (rires). Nous n’avons fait aucun compromis pour que Textures soit plus accessible. 

Je me souviens d’un gars au Graspop (Belgique) qui m’avait dit en backstage “Vous faites chier les gars avec vos rythmes. Ce n’est pas correct, c’est trop compliqué” presque en s’énervant (rires). C’était une autre époque. 

 

"Nous voulons dévoiler toutes les facettes possibles du groupe."

 

Pourtant, Meshuggah avait déjà apporté ce type de rythmes des années avant. 

Joe : Totalement. Nous étions très influencé par eux et c’est pour ça que je trouve que “Dualism” est très important car nous avions réussi à sortir de cette influence. Nous avions un album avec quelque chose de plus compact, avec des refrains, avec des leads mélodiques. C’était un concept différent, un nouveau son ! 

 

On voit d’ailleurs que le public ne réagit pas du tout pareil quand vous jouez “Reaching Home” ou “New Horizons” ! Ce sont des morceaux plus catchy, avec des refrains qu’on peut chanter …

Parce que ce sont des chansons (sourires). Simplement. 

 

“Genotype” était d’ailleurs ce parfait mix entre le vieux Textures et l’actuel. Mais la presse et certains fans s’étaient plaint de ce côté “easy listening” …

C’est vrai. Mais c’est pourtant exactement là où nous voulons aller désormais. 

Nous voulons dévoiler toutes les facettes possibles du groupe. Que ce soit dans l’agressivité, dans le prog, dans la mélodie, dans le chant avec des morceaux rapides ou mid tempo. 

Stef : “Less is More” comme on dit. Faire tout avec moins d’éléments. 

 

Est-ce que vous découvrez et écoutez encore de nouveaux groupes ? 

Oui il y a un groupe super en France, un trio … j’ai perdu le nom. Ils ont un son unique, du post metal on peut dire avec des vocaux vraiment uniques, un peu à la Tool. Et j’ai oublié le nom et ça craint (rires). Je les ai vu au Roadburn festival … je vais trouver !

Joe : Et toi ? Quelle est chanson favorite de “Phenotype” ? Ton moment préféré ? [ndlr : il me tend le téléphone pour l’enregistrement]

 

Je dirais l’intro de “Oceans Collide” avec ce premier souffle et “New Horizons” pour son aspect mélodique et l’agressivité des riffs …

Stef : c’est intéressant. On écoute beaucoup de musique dans le groupe. Perso, j’écoute aussi du flamenco …

Joe : De la World Music aussi ! On passe du metal extrême au rock traditionnel … juste de la musique en fait. De la bonne musique ! 

Stef : J’ai trouvé ! C’est Birds in Row ! Merci internet ! (rires)
 

Un dernier mot peut-être ? 

Merci la France ! Nous connaissons bien la région. Nantes, Limoges, Poitiers … ce sont des villes où nous avons joué chez Listenable [ndlr : j’indique que je suis de Poitiers]. Comme Klone ! C’est un groupe incroyable !

Joe : La dernière chose que je voudrais dire est que j’adore votre pays et le Hellfest ! J’espère que nous ferons une tournée complète en France, avec Marseille, Bordeaux, Lyon, Paris, Nantes … le maximum de villes ! La topographie de votre pays est magnifique et c’est un plaisir d’y voyager ! 

[ndlr : Et nous restons encore quelques minutes à discuter du pays, des groupes du festival ! Nous décidons tous les trois de regarder l’affiche et de faire notre top 5 du week end ! Un super moment d’échange entre passionnés ! ]



 

Interview done by Eternalis

0 Comment

1 Like

Share
    You must be logged in to add a comment

See more