Negura Bunget, c'est un des secrets les mieux gardés du black metal. Non pas que le groupe soit totalement inconnu au bataillon, mais il progresse, affine ses choix artistiques dans une certaine confidentialité au sein de la scène. Et pourtant, ceux qui ont eu la chance de découvrir Maiastru Sfetnic et 'N Crugu Bradului, leurs deux précédents albums, savent que la formation roumaine est un des fleurons du black metal atmosphérique et mélancolique, rendant justice à l'atmosphère hypnotique des forêts transylvaniennes. Ce nouvel album intitulé OM, qui succède dans la continuité à l'EP Inarborat Kosmos, est l'occasion pour le groupe de grandir encore, avec une musique toujours aussi personnelle, et encore plus maitrisée.
OM regorge d'ambiances et de couleurs musicales, sans jamais perdre son unité, perpétuant la tradition du groupe d'offrir des cOMpositions envoûtées, et envoûtantes. Il se dégage de l'ensemble une véritable magie , une beauté éthérée et abyssale, au mysticisme affirmé. Le jeu des guitares tantôt aériennes tantôt grondantes y est évidemment pour beaucoup. Mais cette fois, Negura Bunget prend davantage d'amplitude, jouant des claviers pour accentuer la majesté de ses cOMpositions telle Tesarul de Lumini, incorporant des instruments acoustiques et folkloriques à un black métal toujours aussi racé. Les formats se raccourcissent, bien que deux pièces dépassent les 10 minutes, mais la richesse des peintures musicales est indiscutable. Le chant est en roumain bien sûr, ce qui donne un parfum d'authenticité et d'intemporalité à la musique de Negura Bunget. Dans ces montagnes, ces forêts et ces landes, lorsqu'on perçoit au détour de nappes ambiantes, un sample discret de troupeau en transhumance (Primul OM), l'oubli de soi est total. Le voyage dans le temps à travers les étendues naturelles de Transylvanie s'impose alors aux sens.
Il faut savoir se laisser guider par le berger de Conoas Terea Tacuta, alternant la rudesse du growl et la noblesse du chant clair posés habilement sur une cOMposition grandiose et hantée. L'utilisation de percussions traditionnelles et d'instruments à vent apporte énormément à cet album, cOMme en témoigne Inarborat, à l'introduction d'une beauté à tOMber. Et toujours une utilisation judicieuse des claviers à l'image par exemple de Dedesuptul, piste sourde, menaçante, angoissante même dans son final. Que dire encore du percutant Norilor, véritable bande son guerrière, tribale, évoquant quelque redoutable tribu forestière. Plus que jamais, Negura Bunget varie ses attaques, gagne en profondeur, investit des territoires encore inexplorés sans rien renier de la puissance de sa musique à l'occasion primale, incisive et plus typiquement black métal. Le dyptique De Piatra / Cel Din Urma Vis en est la preuve éclatante, deux pistes agressives, mélodiques et puissantes où le chant criard le dispute à l'impact des emballements des riffs black. Sur la seconde, l'atmosphère devient quasi spatiale, éthérée au point de non retour, souffle de mort sur les terres du prince Vlad Tepes, cOMme après une bataille sanglante, avant que les guitares ne reviennent fendre l'air de leur tranchant, plus mélodiques que jamais. Ce genre de passage d'une grande souplesse est une autre des forces de Negura Bunget sur ce disque.
Au vu des paysages contrastées ainsi traversés, la capacité des roumains à accrocher l'auditeur n'en est que plus remarquable. OM apparaît alors cOMme un album d'une profondeur appréciable, et pourtant facilement assimilable, dont chaque note, chaque ingrédient musical est un délice de tous les instants. Il serait alors dOMmage de ne pas évoquer la merveille folk que constitue Hora Soarelui, sauvage et habitée. Un morceau proche du pagan black, avec des flûtes virevoltantes, des guitares mélodieuses et des envolées de chant clair limpides, ensemble d'une beauté saisissante, déchiré par une voix criarde qui ne faiblit jamais. La conclusion de ce disque, Al Doilea OM, n'est que plus pertinente, sorte de murmure chamanique surgi des tréfonds du néant, au son des choeurs en méditation et du souffle profond des didgeridoos.
Au final, peu de groupes de black métal sauront vous saisir à ce point par la beauté de leur musique, hormis bien sûr Drudkh, dont Negura Bunget s'impose cOMme le cousin roumain. Au plus profond de la forêt, parmi les bêtes et les hOMmes, fermez les yeux, libérez vous de la pesanteur crasse du présent, la Transylvanie ancestrale vous accueille en son sein, inaltérée, sauvage et mystique. Negura Bunget en est le passeur dévoué. OM, le coeur, le souffle, l'esprit et l'âme.
Source:Angel O,MetalOrgie

