Je suis pas certain que le moment est venu de faire le procès des entraîneurs. Bien sûr on en a mis plein la gueule de Laporte, donc comme BG le fait judicieusement remarquer, on peut s'amuser à comparer les bilans et voir que Bernie le dingue n'était pas si mal.
Mais bon, comparons le comparable. A ses débuts, après deux tournois, Laporte avait le même bilan comptable. Avec notamment une branlée mémorable à Twickenham lors de son second tournoi (48-19), comme quoi...la seule différence, c'était une victoire contre une grosse cylindrée du Sud (les NZ en 2000 à
Marseille), mais à ce niveau, on va dire que la défaite contre l'Australie cet automne est surtout due à la prestation catastrophique de Skrela dans ses tirs aux buts, ce match on doit le gagner cent fois.
Donc comptablement, pour le moment, match nul.
Par contre au niveau du style, là tout les oppose. Remarquez que ça fait vingt ans que ça dure, avec une alternance rigoureuse entre les dictateurs, obnubilés par le physique, les fondamentaux et la rigueur (Fouroux (quoique lui est un cas à part), Berbizier, Laporte) et les poètes romantiques ne jurant que par le jeu tout feu tout flammes, les chantres de l'école toulousaine (Trillo, Skrela-Villepreux, Lièvremont).
Et on a eu beau changer radicalement à chaque succession, personne n'a eu vraiment raison. Chacun a eu ses heures de gloire, chacun a eu son lot de défaites honteuses.
En fait, il va falloir que l'on arrête de se voiler la face. Aujourd'hui on n'est plus qu'une nation parmi d'autres naviguant quelque part entre la 7 et 8e place mondiale (et encore, je voudrais pas affronter demain les Fidji ou les Samoa), et pis c'est tout. Toujours capables de coup, plus que jamais, mais pas mieux, et plutôt de moins en moins bien en terme de régularité. On n'est plus foutu de gagner contre un Sudiste (et c'est pas la dernière victoire contre l'Argentine qui va me contredire) hormis un exploit isolé de temps à autre, on reste sur trois défaites contre les Anglais, on a plus désormais que la quasi certitude de battre l'Ecosse et l'Italie (j'en vois déjà qui ricanent). Quand on voit nos résultats en Coupe d'Europe y a pas de quoi se rassurer, et je vous passe même l'image ridicule en rugby à 7 alors que ce sport pourrait passer Olympique.
Quelle est la part de responsabilité de Lièvremont dans tout ça ? Il y en a une, mais personne ne ferait de miracle à sa place. Les seuls qui ont réussi à gagner en régularité ont été Berbizier et Laporte. En faisant quoi ? En s'acharnant pendant des mois et des années à gommer tous nos travers historiques et en nous faisant bosser comme des marteaux les fondamentaux: mêlée, touche, défense, discipline. Pour le reste, quand tout ça marchait, il y avait toujours de temps à autre un résidu d'audace offensive et de prise de risque qui faisait le bon cocktail. Mais ça nous a aussi fait perdre, et surtout tout le monde gueulait de la perte d'identité, du french flair (vaste connerie !) disparu.
Le projet de Lièvremont, sur le fond, est bon. Il s'inspire du jeu toulousain ou de celui des Gallois, mais avant de construire un tel édifice rugbystique, le machin s'écroulera prématurément et régulièrement. Parce qu'avec nos deux jours et demi de préparation avant chaque match, notre
Mental en plastique, nos internationaux à cinquante match cramés avant de jouer (y compris dans la tronche) et notre mode de fonctionnement à réaction et aux hormones, à défaut de cerveau, le XV de France est aujourd'hui l'équipe nationale la moins pro de France. Y a qu'à voir la froideur et la rigueur des handballeurs tiens, et pourtant ils en ont des hormones...
Tiens j'étais inspiré