Noé
Le voilà. Le film que j'attends le plus de l'année, que j'attends depuis un an et demi ! Whaoo.
Il faut être clair dès le début, la controverse autour de ce film pour le génial Darren Aronofsky va aller bien plus loin que le
Seul contexte biblique. C'est tout le film dans sa construction qui va faire des émules et risque d'être critiqué de toutes parts.
Déjà, pour remettre les choses dans le contexte, Darren a fait une BD de Noé en 4 tomes car la Paramount n'a pas voulu financer l'intégralité du projet, pensant que c'était casse-gueule et que la censure serait partout (bingo, les catho américains crient au scandale et au mensonge et le film est censuré dans une grande majorité de pays musulmans, type Emirats-Arabe, Barhein, Indonésie...). Du coup, visuellement, et c'était une volonté, le film est très synthétique et on retrouve cette patte si particulière qui avait fait de The Fountain une oeuvre unique, critiqué par certains pour les qualités des adorateurs. Les premières images des Veilleurs (les Gardiens dans la BD) choquent tant on imagine un Tim Burton des années 90, tout étant relativement mécanique dans l'animation.
Le début met d'ailleurs un peu de temps à se mettre en place, bien que la musique de Clint Mansell (encore) soit monumentale et très noire, très intense. On retrouve aussi cette caractéristique propre à Aronofsky de placer des plans rapides et syncopées pour passer d'un contexte à un autre (flagrant dans
Requiem ou Pi, dans la répétitivité et la schizophrénie des persos). Là, c'est encore le cas avec l'image du
Serpent, de la pomme et de Cain tuant son frère. Aronofsky ne s'est donc absolument pas sacrifié à Holywood, loin de là, très loin...et c'est là que certains vont le critiquer. Oui, ce n'est pas Michael Bay, Spielberg, Cameron ou Scott derrière la caméra avec des moyens illimités. Et la grandeur décadente de Noé provient aussi de l'intimité des personnages.
On pense à ce timelapse incroyable lorsque la graine d'Eden vient abreuver la terre aride, lorsque les animaux viennent à l'arche, lorsque la foret émerge...oui, c'est synthétique mais justement, c'est ce côté "faux" et magique qui donne du sens au miracle qui est sensé se passer de ce contexte biblique (ça me fait rire ceux qui disent que le film est "mensonger". Tu as déjà connu cette histoire en vrai ?). Ce caractère synthétique, très coloré, ne fait que rendre l'ensemble plus immense encore.
Il y aussi cette aversion totale pour l'homme que dépeint Aronosky, que l'on reconnait très largement lors de l'attaque des hommes. Ces hommes pourtant créés à "l'image de Dieu", c'est à dire violent, insolent, brutaux et capable de tout pour survivre ou manger. Ce Dieu qui devient la justification des pires atrocités, notamment envers la Terre et les animaux (oui, le côté écologique est évidemment présent). Ce Dieu auquel obéi pourtant aveuglément un Noé pensant être élu, se disant être le
Seul capable de mener à bien la mission du Créateur (jamais mentionné autrement que par ce terme). Ce Noé interprêté magistralement par un Russell Crowe en état de grâce, prenant littéralement plusieurs années à l'écran et transcendé par son personnage.
La bataille dantesque précédent le déluge ainsi que le déluge en lui-même resteront probablement des moments immenses de cinema, dans la brutalité visuelle qu'elles décrivent, dans la violence effroyable qu'elles transmettent. Les tableaux sont à ces instants d'une noirceur sans précédent. Le rapport entre les personnages prend de l'épaisseur et encore une fois, c'est ici que le réalisateur prend des libertés et évoquent les émotions qu'il veut faire passer. Ceux qui regretteront les textes ne comprennent donc pas que, malgré une évidente liberté d'adaptation, on ne pouvait pas faire autrement avec une telle épopée.
Noé devra être vu plusieurs fois, c'est certain. Et il faudra que je le revoie très bientôt mais c'est à mon sens un très grand film. Il fallait oser et il était surement le seul à pouvoir donner une vie à ce projet titanesque. Et il l'a fait en faisant fi des conventions et des avis autour de lui, même des producteurs, qui ne voulaient pas le suivre. Et des réalisateurs comme ça, de véritables artistes, manquent cruellement au cinema américain aujourd'hui...
Welcome to the Desert of the Real