Northfeld | A Blaze in the Northern Sky porte bien son nom : en cette année maudite de 1992, il est l’un des albums précurseur d’un genre qui gagnera une popularité inimaginable, le black metal.
Cet album est totalement différent du précédent, Soulside Journey. En effet, Soulside Journey est un album typiquement death à l'époque: des rythmes tourmentés changeant souvent de tempo, deux guitares désaccordées alternant accords efficaces et notes dissonantes, et parfois, je dis bien parfois, une voix caverneuse provenant d’on ne sait quelle partie du corps. Mais la formation alors constituée de 4 musiciens, se lasse de ce genre qu’est devenu le death metal, trop populaire, trop propre, avec une production trop « plastic », ne correspondant plus à leur vision du metal underground. Il leur fallait changer, mais le changement effraie : Dag Nilsen, le bassiste, quitte le groupe.
Certaines sources diront que c’est l’influence de Mayhem et l’ambiance du Helvete qui ont poussé Darkthrone sur la voie du black metal. D’autres diront que c’est le groupe lui-même qui s’est créé sa propre voie à travers le chaos des genres. L’important est que des concertations entre les membres du groupe est née cet album unique en son genre.
Darkthrone enregistre très rapidement, ce qui sera leur marque de fabrique pour le restant de leurs productions. Le résultat est donné gentiment à Peaceville qui leur dit texto : « what the hell is that shit !? ». Fenriz répond d’un air ahuri « man, this is black metal ». Pour Peaceville, difficile de vendre un album de cette trempe : son pourri, couverture en noir et blanc très old school (avec la gueule de Zephyrous en corpse paint au premier plan), bref, tout en opposition avec le death metal et le courant musical de l’époque. Cependant, Peaceville distribue quand même le fruit du labeur de nos Norvégiens : d’une part ils ne voulaient pas perdre la face en ne distribuant pas un nouveau groupe qui se veut innovateur et avec lequel ils avaient un contrat, et d’autre part Fenriz qui menaçait de faire produire l’album par Deathlikesilence Productions. Finalement, l’étincelle brille dans le ciel nordique !
On commence par une intro super glauque, oppressante, avec Fenriz qui chante une invocation d’on ne sait quel maléfice, et Nocturno Culto qui gémit, que dis-je, vomit par-dessus, comme agonisant d’une plaie béante aux tripes. L’ambiance étant posée, la musique démarre : sans basse, avec une saturation maximale, le son est acéré, tranchant, mettant à mal nos baffles et nos tympans. Les riffs démarrent en chainsaw avec le martellement du Fenriz, et les vociférations caverneuses de Nocturno Culto semblent provenir d’outre-tombe. La légère reverb sur la voix augmente cet effet de distance entre l’auditeur et le chanteur, on sent réellement que la musique provient d’ailleurs, d’un endroit où personne ne voudrait aller de son plein gré. Parfois la batterie se calme et on a le droit à un riff de pure froideur et de colère, avec des accords plus lents à la guitare et des séquences de tambourinages grandement inspirées de Motorhead, mais cette colère est mesurée, canalisée, attendant son heure : celle du blast beat qui finit toujours par revenir et qui nous scotche sur notre siège. Les lyrics ne sont pas une première : sataniques, sombres, évoquant d’autres époques, d’autres lieux, des gens maudit et des Dieux morts… mais sous la plume de Fenriz et sous cette musique, elles prennent tout leur sens et nous glacent le sang.
Toutes les chansons sont excellemment bien menées, malgré l’enregistrement rapide, et le son pourri ne fait qu’attiser l’effet sinistre et glauque de la musique. L’album est clôt par les mêmes incantations que celles de l’intro : la boucle est bouclée, les ténèbres sont venues puis parties, l’étincelle de la mort a luit pendant 42 minutes puis s’est éteinte comme si rien ne s’était passé. Un grand moment de noirceur !
Cependant, cet album n’est pas black à 100%. Certaines chansons le sont, comme « Kathaarian Life Code », la célèbre « In The Shadow Of The Horn » et « Where Cold Winds Blow ». Toutes les autres sont un mélange de black et de death, essentiellement dans les riffs à la guitare lorsqu’ils ont une rythmique plus tortueuse. Donc A Blaze in the Northern Sky est un des pionniers du genre, mais il n’est pas pur black : impossible de virer aussi rapidement pour un groupe qui est le précurseur d’un genre et qui faisait du death avant !
En conclusion de cette chronique longue et chiante, il faut l’avouer, c’est un album unique en son genre, un classique, un culte, à posséder autant que le Transilvanian Hunger, pour tous les fans de BM : non seulement parce que c’est presque une pièce historique, mais parce qu’il est génialissime.
En espérant que cet avis vous sera utile.
2011-07-17 20:13:00
|
|