Jimmy Page

Nom Jimmy Page
Date de naissance 09 Janvier 1944
Pays Royaume-Uni
Ville Londres

The Firm

Coverdale Page

Jimmy Page Robert Plant

Lord Sutch And Heavy Friends

Led Zeppelin


Depuis 1968 La page du groupe

Jimmy Page connut au moins deux naissances. Une physique et une artistique. La première est, bien sûr, commune à tout homme. L’autre fit de sa vie une exception. Pourtant les hommes se consacrant aux arts sont nombreux. Mais il excella dans le sien comme rarement on le fit. Ce faisant il permit à d’autres de faire de même.

James Patrick Page naquit à Heston, une ville proche de Londres, le 9 janvier 1944. Sa mère était secrétaire chez un médecin, son père directeur du personnel. C’était donc une famille plutôt aisée. Cela n’a pas été sans conséquence pour la suite.
Il faut dire un mot de l’époque. Elle était terrible. La guerre touchait à sa fin. Mais les allemands ne s’avouaient pas vaincus. Ils résistèrent jusqu’au bout de leurs forces et même au delà. Le nazisme, cet ogre de l’humanité, voulait encore son tribut de chairs tourmentées. Seule sa mort, programmée, arrêta sa folie.
Le bruit des avions traversant le ciel. C’est le souvenir de Jimmy Page d’Heston. Faut-il y voir une influence originelle de sa musique ? Idée tentante mais exagérée. Mais déjà l’importance du son. Les oreilles vives.
Quand il eut 8 ans la petite famille s’installa plus au sud, dans la campagne proche de Londres, à Epsom. Sa mère se souvient de son fils sage jusque dans ses jeux. Il se liait difficilement avec les autres enfants. Etre seul cela ne le gênait pas. C’était un solitaire. Cette situation inquiétait quelque peu sa mère. Quelques années plus tard tout allait devenir plus bruyant et agité.

Apprenti guitariste

A l’age de 13 ans il entendit « Baby, Let’s Play House » d’Elvis Presley. Dans la grise Angleterre cette énergie, cette joie, qui se dégageait du morceau marqua le jeune adolescent - comme tant d’autres d’ailleurs. Immédiatement il voulu en être. C’est sa deuxième naissance. Une fois chez lui il s’empara d’une vieille guitare espagnole abandonnée là par un oncle. Par la suite il prit quelques cours. D’après ses dires, il en sut bientôt autant, sinon plus, que son professeur. Cette aisance était surprenante : Ses parents étant totalement étrangers au monde de la musique. Loin de s’inquiéter de cette passion soudaine ils l’encouragèrent. Le salon fut dédié à la musique. S’y entassèrent, petit à petit, une chaîne hi fi, des enceintes, des guitares, des amplis, une batterie, un orgue, un enregistreur. Le parfait laboratoire d’un apprenti musicien.
Sa mère lui offrit sa première guitare électrique, une demie caisse Hoffman. Puis rapidement se furent une Grazzioso, une copie de Stratocaster, et enfin une vraie Fender Stratoscaster.
Le voilà étudiant les jeux de Scotty Moore et de James Burton. Tous les deux venaient de la country et ils avaient adapté leurs jeux à la guitare électrique. Moore avait une technique dérivée du fingerpicking. Burton utilisait le flatpicking, une technique au médiator venue du banjo. Le jeu de Jimmy était un compromis des deux : il utilisait le médiator et aussi ses doigt (1). Cette technique lui permit de très bien sonner en acoustique. Ce qui plus tard impressionna beaucoup car on le cantonnait dans un jeu dur électrique. En fait un simple retour aux sources. Il y avait aussi le fabuleux Cliff Gallup – le guitariste de Gene Vincent. Jimmy fit la connaissance d’un autre apprenti guitariste qui adorait comme lui Cliff Gallup : Jeff Beck. Ils passèrent bientôt des heures à décortiquer les solos des maîtres du rock’n’roll. Ils se lancèrent aussi des défis. Les doigts devenaient douloureux à force de jouer.
Désormais plus aguerri Jimmy se joignit à des groupes locaux. Quelque chose de bizarre avait lieu. En jouant il se métamorphosait. L’adolescent poli et réservé laissait place à un joueur passionné. Il se livrait sans retenu à la musique comme un derviche tourneur à sa danse mystique. Il devint bientôt une référence pour les jeunes guitaristes du coin. Il les emmenait dans le fameux salon reconverti à la gloire de la musique. Dans la cuisine la mère de Jimmy préparait du thé pour la bruyante assemblée. Sa guitare avait encore changé. C’était maintenant une énorme Gretsch Chet Atkins.

Préliminaires

Un soir Neil Christian, un chanteur de rock’n’roll alors célèbre, était de passage à Epsom. A la fin du concert Jimmy Page, âgé de quinze ans, monta sur scène. Neil le remarqua aussitôt (le bonhomme avait du nez. Il engagea aussi Albert Lee puis Ritchie Blackmore). Il lui proposa de le suivre en tournée. Les parents de Jimmy donnèrent leur autorisation et le voilà sur la route avec Neil Christian And The Crusaders. Les chemins de la gloire s’ouvraient devant lui. Mais rapidement ils devinrent boueux jusqu’à être impraticables. Le fragile Jimmy Page supportait mal la vie en tournée. Il tomba malade et retourna chez ses parents. Il finit par s’inscrire dans une école d’art à Suton. Rideau sur la musique pendant quelque temps. Mais, déjà, des rumeurs circulaient sur lui. On avait remarqué ce jeune guitariste plein de promesse ; bien avant que l’on parle d’Eric Clapton ou de Jeff Beck. Mais pour l’instant ses doigts s’occupaient de pinceaux et de couleurs.
Pourtant la musique était toujours là. Il s’exerçait en solitaire et allait voir des concerts. Après plus d’un an de silence il participa de nouveau à des jams. Il emmena dans sa maison un autre type timide comme lui : Eric Clapton. Dans le salon regorgeant de matériel c’était maintenant le blues que l’on jouait. Un soir Jimmy accompagna un géant du genre : Muddy Waters.
Alors que ses camarades tentaient leur chance avec leurs groupes, Jimmy devint musicien de studio. Il enregistra très vite avec deux anciens Shadows : Jet Harris et Tony Meehan. Le titre s’appelait Diamonds et fut un succès. Plus tard il croisa un autre musicien de studio, plein de ressources, qui avait tourné avec Jet et Tony alors lancés par Diamonds : John Paul Jones. Cette réussite initiale lança la carrière de musicien de studio de Jimmy, ou plutôt Little Jimmy Page comme on l’appelait alors. Sa guitare était maintenant une Gibson les Paul Custom, Black Beauty. (Pour plus de détail concernant la période studio voir le dossier de Juke Box Magazine.)
Les studios avaient un besoin urgent de musiciens. Les enfants du baby-boomers inventaient une nouvelle classe d’age : les teenagers. Ils voulaient avoir leur mode de vie et s’amuser. Les industriels les y aidèrent. Ils leurs vendirent des habits, de la nourriture, des mobylettes et des scooters, des magazines et des livres. Sans oublier des disques que promotionnaient les radios en les passant en boucle. Little Jimmy participa activement à l’élaboration de cette bande musicale qui accompagna ces années de joie et d’innocence. Le travail ne manquait pas.
A vrai dire labeur ingrat que celui de musicien de studio. Il n’était pas souvent crédité sur les pochettes des disques. En face les groupes devaient supporter ces requins de studio recrutés par les producteurs et les maisons de disque. Ces derniers se sentaient rassurés par la présence de professionnels qui comptaient déjà des succès à leur actif. Frustration réciproque.
En 1965 Eric Clapton quitta les Yardbirds. Il trouvait inadmissible l’orientation pop du groupe. La place fut proposée à Jimmy. Mais il refusa. Il conseilla à sa place Jeff Beck. Ce dernier, reconnaissant, devait plus tard lui offrir une élégante Fender Telecaster. Jimmy la décora en peignant lui-même des motifs psychédéliques. Il poursuivait les lucratives et harassantes sessions en studio. Il enregistra aussi un single. She’s just satisfies pour la face A et Keep Movin en face B. Il passa totalement inaperçu.

Chez les Yardbirds

Finalement voulant à tout prix changer d’air il accepta une place chez les Yardbirds. Le bassiste Paul Samwell-Smith ayant quitté le groupe Jimmy, qui n’avait jamais joué de basse, le remplaça au pied levé. Mais c’était temporaire : le temps que Chris Dreja, le guitariste rythmique, se familiarisa avec la basse. Nous sommes en juin 1966. Sur le papier les Yardbirds, ce groupe de seconde classe, avec son duo de guitaristes écrasants – Jeff Beck et Jimmy Page - avait de quoi s’imposer au firmament du show business. Mais rien ne se passa comme prévu.
Au début pourtant tout sembla aller pour le mieux. L’arrivée de Page avait apaisé la mésentente entre les musiciens. Jeff et Jimmy expérimentaient de nouveaux sons. La guitare électrique n’était pas seulement un instrument produisant des notes mais aussi du bruit, plus ou moins harmonieux, cela en poussant les réglages sur les amplis. D’un seul coup la musique devenait plus existante et sauvage. Reste quelques témoignages de ce blindé sonique. Le grand Antonioni filma les Yardbirds, avec les deux guitaristes en accord parfait, pour son film Blow-Up. Mais c'est surtout le fabuleux single Happening Ten Years Time Ago qui démontre jusqu'à quel point Page et Beck pouvaient être divins ensemble.

Troubles et montée en puissance

Mais Jeff Beck devint de nouveau de plus en plus inconstant. La tournée américaine, alors en court, tourna au chaos. Finalement il fut viré du groupe au grand soulagement des autres. Page, lui, savait que cette situation ne pouvait durer longtemps. Avec le départ de Beck il devenait le seul maître à bord. Le seul ? Pas vraiment. Un nouveau manager avait fait son entrée. Entrée titanesque : le type était un ancien lutteur de 120 kilos.
Il s’appelait Peter Grant et était né en 1935. Il avait trouvé sa voie en devenant manager, à la fin des années 50, sur la scène rock. Cet ancien figurant des canons de Navarone traînait avec lui une odeur de souffre. Il avait la réputation de méthodes musclées pour obtenir ce qu’il voulait. Pas si étonnant pour un ancien lutteur.
Il avait aussi été portier de nuit, comme Joseph Vissarionovich Djougtchvili dit Staline. Comme quoi ce métier conduit à tout.
Napier-Bell, l’ancien manager des Yardbirds, avait prévenu Grant que Page était un sale petit fouinard. Grant convoqua alors Page. Ce dernier s’expliqua. Il avait de quoi être curieux : le groupe n’avait pratiquement pas été payé ces derniers temps. Grant mit alors un bon coup de barre dans la bonne direction. Et le navire Yardbirds reprit, encore pour quelques temps, sa progression sur les eaux agitées du rock.
Hélas un album enregistré à la va vite (au nom prédestiné : Little Games) mina d’entrée l’humeur du groupe. Au fil des tournées le chanteur Keith Relf sombra dans la décadence de l’alcool et de cachets qui ne soignaient rien du tout, au contraire. Malgré cela Jimmy Page, sa Telecaster psychédélique en main, imprimait de plus en plus sa marque au groupe. Sa vision musicale s’affirmait. Parfois en ayant recourt à l’expérimentation. Il essayait de toutes nouvelles pédales d’effets, il grattait un archet sur les cordes de sa guitare. Sans grand scrupule il empruntait des chansons qu’il bricolait ensuite à sa sauce. Tout devenait plus lourd aussi.

Transmutations et fin des Yardbirds

Il n’y avait pas que Jimmy Page qui expérimentait. Eric Clapton, un fois sorti de sa retraite, avait créé un nouveau groupe orienté pop : Cream. Sa musique avait pour base le bon vieux blues. Mais le résultat était bourré aux amphétamines. En concert les chansons, souvent réduites aux thèmes initiaux, étaient un prétexte à de longues improvisations ; comme dans le jazz. La guitare ultra saturée de Clapton se frayait un passage dans des terres musicales inexplorées façon bulldozer. Mais toujours avec classe. Ce qui n’était pas un mince exploit. Cependant la révolution vint de l’ouest apportée par un jeune guitariste noir américain alors inconnu : Jimi Hendrix. Ce météore génial inventa, en quelques mois, le langage de la guitare électrique moderne.
La jeunesse poursuivait son émancipation. Elle déboucha sur une révolte contre l’ordre établi. Un constat s’imposait à elle : le monde était pourri. La guerre du Vietnam, l’autoritarisme, L’Etat, le capitalisme, l’aliénation par le travail, l’argent… en étaient les principaux symptômes. De plus la sexualité pouvait être amusante. Elle n’était pas cette chose sale pratiquée à la va vite pour enfanter, avec Jésus planté sur sa croix au dessus du lit, dans une chambre obscure. Les responsables de ces aberrations étaient tout trouvés : les adultes qui avaient laissé faire. L’idéal était de ne jamais être comme eux. Leur héritage avarié il pouvait se le garder (2).
Le monde occidental était spirituellement mort. Pour qu’il changeât en bien il fallait que la spiritualité l’emportât sur la matérialité. Cette quête emmena certains à se rendre en Inde. A Bénarès, sous les murs de pierres ocre d’un Ghât, combien se baignèrent dans le Gange aux milieux de restes de corps calcinés des bûchés de crémation ?
Le rebelle et le guru devenaient à la mode. De Che Guevara à Maharishi Mahesh Yogi (le guru des Beatles) Jimmy Page avait trouvé son guide, mais un bien particulier, mort et pas indien : Aleister Crowley. Il prit dans sa vie une telle importance que l’on peut parler d’un éveil, d’une troisième et nouvelle naissance, toute spirituelle celle-là. Il s’intéressait aussi au zodiaque. Son signe, celui du Capricorne, prédispose aux victoires les plus absolues et aux échecs les plus cinglants. C'est-à-dire capable du meilleur comme du pire…
En juillet 1968 les Yardbirds cessèrent d’exister. Keith Relf était devenu incapable de chanter. Le batteur et le bassiste en avaient assez. Peter Grant se retrouvait avec ce qui restait du groupe : le nom et Jimmy Page. C'est-à-dire pas grand-chose pour assurer les concerts prévus dès l’automne en Scandinavie. Mais, pas plus que Grant, Page ne voulait en rester là. Il parti à la recherche de nouveaux musiciens. Il fallait faire vite, le temps était compté.

Dans le ciel Londonien, au cœur de l’été, un gros nuage noir, aux reflets métalliques, se déplaçait avec lenteur. Il s’évapora peu à peu dans le clair azur.

Héroïne sans héro

Led Zeppelin était le groupe idéal de ceux qui rêvaient les yeux grands ouverts. Mais, peu à peu, le rêve, la part de magie, avaient laissé place aux excès. Si une malédiction pesait sur le groupe, elle était à chercher dans l’abus des drogues et non dans un grotesque pacte avec le diable. Le dernier acte tragique de ces bacchanales était la mort de John Bonham et, ipso facto, du groupe.
Très affecté par la perte d’un ami très cher, Jimmy Page passa de longs mois dans un état dépressif. Lui qui vivait et respirait Led Zeppelin voyait son centre de gravité s’évaporer soudainement. Il était aussi dépendant à l’Héroïne. A cause d’elle, à partir de 1977, il avait fini par devenir sur scène l’ombre de lui-même. Les derniers concerts du groupe en 1980 avaient été pathétiques. C’est seulement en 1984 que Jimmy se soigna. Il a dit ne rien regretter. Peut-être… Mais une chose est sûre : les aiguilles qu’il s’enfonçait dans les bras étaient autant de coups portés contre lui-même.

Reprise

Jimmy finit par sortir de sa retraite. Il était légitime d’attendre beaucoup du maître de Led Zeppelin. Cependant c’était oublier que la réussite du groupe n’était pas due à lui seul mais au travail collectif de ses membres ainsi qu’à l’harmonie qui régnait entre eux. Il ne faut pas non plus oublier la figure paternelle de Peter Grant, ni « l’efficacité » dans de nombreux domaines de Richard Cole. Cet ensemble faisait ressembler Led Zeppelin à un clan très fermé. Jimmy Page allait-il réussir à retrouver cette rare alchimie ? Rien n’était moins sûr. Il faut aussi réaliser que c’est dans les brumes de la drogue et du sevrage qu’il traversa la première moitié des années 80.
L’heure de la reprise du travail sonna quand un de ses voisins, Michael Winner, lui commanda la bande musicale de Death Wish II ("Un justicier dans la ville"). Le film était une série B. Il avait pour héros Charles Bronson jouant des revolvers et des mitraillettes dans un New York abandonné par la police et livré à une idiote et très méchante racaille. Jimmy s’acquitta parfaitement de ce travail. Le film sorti en 1982 et ne marqua pas les mémoires cinéphiles.
Pendant la même période il se pencha sur le cadavre encore frais de Led zeppelin pour voir ce qu’il pouvait en tirer. Car Swan Song devait encore un album de Led Zeppelin à Atlantic. C’est non sans mal qu’il porta au jour 8 chansons. John Paul Jones trouva le titre : Coda. Album constitué de maigres reliefs du festin Led Zeppelin. Album de toutes les frustrations aussi. Y allait-il avoir une suite ?
En 1983 il participa à deux concerts aux Royal Albert Hall pour l’A.R.M.S. (Action for Research into Multiple Sclerosis) organisés sous la houlette de Ronnie Lane (ex-Small Faces) atteint par la maladie. Le pôle d’attraction principal était constitué par le légendaire trio des anciens guitaristes des Yardbirds : Eric Clapton, Jeff Beck et bien sûr Jimmy Page. Ça sentait bon la réunion d’anciens combattants, de plus, pas au meilleur de leur forme. Page ? Un pantin mécanique triturant des cordes d’acier dans la lumière crue des projecteurs. Devant le succès de l’événement quelques dates furent organisées aux Etats-Unis. Jimmy n’y avait pas joué depuis 1977. Il avait pour partenaire, en remplacement de Steve Winwood, Paul Rodgers (ancien Free et Bad compagny). Les deux hommes, retrouvant franchement goût à la musique, décidèrent de former un groupe. Quelque chose de nouveau et d’original ne lorgnant pas vers un passé trop écrasant.

Listen To This, Eddie

Ce titre est celui d’un des plus célèbres bootlegs de Led Zeppelin. C’était une réponse indirecte à Eddie Van Halen critiquant le jeu de Page qu’il trouvait parfois erratique en concert. L’écoute de ce concert du 21 juin 1977 étant censé lui donner tord…
Depuis la fin des années 60, la guitare électrique avait évolué. Eddie Van Halen en révolutionna le jeu, après Jimi Hendrix, à la fin des années 70. De nombreux guitaristes intégrèrent ses apports. Presque exclusivement dans le Hard-Rock. Jimmy Page eut beaucoup d’influence sur lui. Un morceau comme Heartbreaker étant une de ses références fondamentales. Il reprit aussi régulièrement des titres de Led Zeppelin en concert. De son côté Jimmy n’emprunta rien à Van Halen, tout en connaissant ses découvertes comme le Tapping.
Pour tout dire son jeu était moins inspiré qu’avant, même si, dans ses meilleurs moments, il restait un très grand guitariste. En fait il n’a jamais cherché la virtuosité. « J’ai toujours été un guitariste un peu négligent. Je n’ai jamais eu la technique d’un McLaughlin, il a fallu que je travaille très dur pour apprendre ce que je sais. La manière dont je porte ma guitare très bas est une indication du mépris que j’ai pour le classicisme technique. Je suppose que l’originalité créatrice remplace la technique. » (Guitares magazine, 1990).
Jimmy Page donna souvent l’impression d’être en équilibre entre le gouffre et le sublime. Et il bascula plus d’une fois d’un côté ou de l’autre.

The Firm

En 1984 avec Paul Rodgers, il s’occupa de former leur nouveau groupe. Ils engagèrent Chris Slade (ex-Manfred Mann et futur AC/DC) à la batterie et Tony Franklin (de chez Roy Harper) un virtuose de la basse freetless. Le groupe s’appela The Firm. Un choix judicieux en cette époque où le gentil hippie avait disparu au profit du yuppie assoiffé d’argent comme le vampire de sang. The Firm accoucha de deux albums (The Firm et Mean To Business). Le premier étant le meilleur et pas une merveille. La musique, très dans l’air du temps, consistait en un Hard-Rock FM sans âme. A noter que le titre Midnight Moonlight était une version achevée de la fameuse Swan Song restée à l’état d’ébauche du temps de Led Zeppelin. Le groupe connu un succès d’estime même parmi les jeunes. Ils étaient sans doute attirés par cette musique à la mode jouée par des légendes du rock anglais. Il tourna aux Etats-Unis. Parfois même à guichet fermé. Finalement il splitta en 1986. Jimmy déclara, légèrement pince sans rire, que le groupe n’avait jamais eut l’intention de dépasser les deux albums.
En 1985 Jimmy a aussi participé à un album de Roy Harper (Whatever Happened To Jugula). Il se terminait par le bruit de Roy urinant et tirant la chasse d’eau. Oui, il était temps de passer à autre chose…

Outsider ?

Alors que Robert Plant en était à son quatrième et alors meilleur album solo, Now And Zen, Jimmy enregistra enfin le sien.
Il s’entoura de vieux requins de studio ainsi que de Jason Bonham, le fils de John Bonham, Robert Plant était aussi de la fête pour un titre : The Only One.
L’album s’appela Outrider. Sur la pochette on pouvait y voir un Jimmy Page revigoré à l’air décidé, frisé comme un mouton, et tenant fermement une guitare. Un léger effet de flou brisait le côté statique de la photo. Jimmy Page prêt à se remuer, à mordre, comme au bon vieux temps ? Malheureusement l’album n’offrait pas de quoi affoler les foules. Tout en étant des plus honnêtes. Deux titres sortaient du lot : le bel instrumental Emerald Eyes et Prison Blues à l’atmosphère chaude et moite avec un solo fiévreux de Jimmy. Il sorti en 1988 et se vendit à peu près autant que les albums de The Firm.
Pendant la tournée Jason se montra être un batteur solide mais au jeu un peu trop académique. Quand à Jimmy il retrouva des couleurs. En fait, il joua ses meilleures parties de guitare post-Zeppelin.
Les shows se terminaient par des versions instrumentales de Stairway To Heaven. Comme autant d’appels à un absent qui, finalement, le resta… Jimmy parti alors en quête d’un nouveau compagnon.

Coverdale/Page

En 1993 la nouvelle de la collaboration entre Jimmy Page et David Coverdale étonna et, le plus souvent, indifféra. Le vieux maître du Zeppelin semblait avoir définitivement perdu l’art des morceaux taillés dans un clinquant airain. Quant à David Coverdale, il sortait d’une expérience très éprouvante pour Whitesnake avec Steve Vai.
Pourtant, vaille que vaille, un album surgit des mains d’abord lasses puis frétillantes de nos deux compagnons d’infortune. Le rejeton de ces noces contre nature se vit nommé, en toute simplicité, Coverdale/Page. Comme si ces deux noms accolés étaient pourvoyeur de merveilles et de bonnes nouvelles pour le rock. Au demeurant, il était assez réussi, assez bizarre et un rien pompeux.
Dès sa mise en vente, il grimpa en flèche dans les classements. Il finit même par atteindre la 5ème place des charts aux Etats-Unis. On s’emballa ! On ne prévit pas moins de 45 dates pour quadriller le territoire américain ! Hélas, après quelques semaines, aussi vite qu’il était monté, l’album disparut dans les profondeurs des classements. Pis : la vente de billets se révéla trop faible pour envisager la moindre date sur la terre promise du billet vert.
Le duo se contenta d’une ou deux dates à Londres. Il réussit quand même à monter une tournée japonaise. Il est vrai que les fans hardcore japonais sont toujours prêts à avaler le bouillon musical d’ancienne gloire du show-business que, partout ailleurs, on recracherait dans l’assiette avec une mine de dégoût. Les shows furent classieux et très professionnels. Coverdale avait cependant l’irritante manie de hurler et d’imiter l’aboiement du chien. Quand à Jimmy il se montra irréprochable. C’est aussi la dernière fois qu’il interpréta seul de belles versions de White Summer et Black Mountain Side avec sa fidèle Danelectro noire et blanche.
D’après la rumeur, il existerait une poignée de titres inédits alors gardée en réserve pour le deuxième album. Mais, le duo se séparant, il ne vit jamais le jour. Un vieil ami de Jimmy avait enfin repris contact avec lui. Quand à David Coverdale il s’en retourna vers une nouvelle mouture de Whitesnake.

Retrouvailles

C’est quasiment au dernier moment que Robert Plant se décida à renouer avec Jimmy Page. Ce dernier atteignant les 50 ans… Oubliées les petites phrases assassines auxquelles Jimmy, repoussé dans les derniers retranchements de l’espoir d’une réunion, répondait quelquefois avec mollesse et amertume.
Ils s’étaient déjà retrouvés le temps d’une chanson ou deux sur album et lors de rappels. Led Zeppelin avait même été deux fois reformé, avec John Paul Jones, pour deux prestations des plus moyennes en 1985 (Live Aid) et pour les 40 ans d’Atlantic en 1988. Une tentative, tenue secrète, a eu lieu en 1986 à Bath. Mais le batteur Tony Thompson, déjà présent au Live Aid, eut un accident de voiture sans gravité en rejoignant les ex-Zeppelin. « Dans le genre présage, on ne fait pas mieux. On s’est arrêté là. » Constata un Jimmy Page sensible et superstitieux.
La réunion Page & Plant devait se faire dans le cadre strict d’un Unplugged de MTV avec une forte orientation World-Music. En fait ce projet était déjà dans l’air du temps de Led Zeppelin (On se souvient des fameuses Bombay sessions et d’un morceau tel que Kashmir). Mais faute de temps, d’aléas, et de l’inertie de la machine Led Zeppelin qui se nourrissait surtout de rock, il n’avait jamais abouti. L’idée venait de Plant et de Page ce qui explique, en partie, la mise à l’écart de John Paul Jones. L’autre explication est que Robert Plant ne voulait plus seulement être associé à Led Zeppelin mais être enfin reconnu comme un artiste à part entière, et deux ex-Led Zeppelin c’était déjà beaucoup...
C’est donc certainement sans trop y croire que les deux vieux amis se réunirent autour de boucles de percussions enregistrées par Martin Messonier. Mais il se passa quelque chose. La musique circula à nouveau entre eux.
Ils enregistrèrent en direct dans la belle région de Snowdonia en Angleterre. Au Maroc avec les Gnawas, une tribu noire locale, dont la musique est censée avoir des vertus thérapeutiques. Egalement de façon plus conventionnelle au studio Albion, devant public, à Londres avec une section de cordes anglaise et une autre de percussions égyptiennes.
L’album était une réussite éclatante. Les chansons de Led Zeppelin prenaient une nouvelle dimension (sauf No Quarter en deçà du reste). Il se terminait par une superbe version de Kashmir. Une cassette vidéo sortie également. Les images les plus magiques étant celles avec les Gnawas et celles de The Truth Explodes sur la place de Marrakech. Elles montraient nos deux vieux boucaniers du rock dans un exercice sur la corde raide devant un public plutôt interloqué. Surtout quand Jimmy empoigna la manette d’une drôle de petite boîte noire pour en sortir des sons stridents.
L’album fut 4ème aux Etats-Unis en 1994. Les tournées furent somptueuses. Ils sillonnèrent l’Europe et les Etats-Unis. Elle se termina en apothéose début 1996 au brésil, au Japon et en Australie avec une set list de rêve.
La réunion ne s’arrêta pas là. Un album avec un matériel entièrement neuf s’imposait. Hélas toujours sans John Paul Jones. Les séances d’enregistrements se déroulèrent pendant l’été 1997. L’album s’appela Walking Into Clarksdale en hommage à la ville vivier du blues. Steve Albini (Pixies, Helmet, Nirvana, PJ Harvey…) en était le producteur inattendu. L’album sonnait très direct et rock. Il avait une beauté aride et une atmosphère attachante. La guitare de Jimmy se promenait en eau trouble, entre tranquillité amère et brutalité effrénée. Mais il manquait de souffle. On pouvait s’attendre à mieux de la part de Page et Plant après les avoir entendus lors de la tournée Unledded. Il est aussi vrai qu’Albini, trop respectueux, n’avait pas toujours osé critiquer leur travail. Heureusement certains titres comme When The World Was Young, Walking Into Clarksdale, Most High ou encore When I Was A Child furent d’incontestables réussites.
« Les gens croient que je ne sais (…) plus jouer, je vais leur prouver le contraire. » En fait Jimmy n’avait plus le choix. Sans orchestre symphonique ni second guitariste pour le soutenir, il allait de nouveau être exposé en premier ligne, aux regards et aux oreilles.
La tournée débuta en Europe de l’Est début 1998. La guitare de Jimmy se révéla très acérée et à peine apaisée le temps d’une poignée de titres acoustiques. Loin de se reposer sur sa gloire passée, il s’investissait dans les concerts comme un jeune guitariste voulant conquérir le monde à coup de riffs tranchants. C’est certainement devant cette montée en puissance que Robert Plant commença à se demander ce qu’il faisait là. Allait-il être l’éternel second de Jimmy Page ? N’avait-il pas encore une carte solo à jouer ? Fin 1998, en pleine tournée, il mit fin à sa collaboration avec Page. Ce dernier dépité mais toujours avide de jouer se tourna alors vers les Blacks Crowes, ravis de jouer avec un de leurs idoles, pour une tournée qui débuta en 1999 et un album live en 2000. La même année Jimmy se blessa au dos et la tournée prit fin prématurément.

L’archiviste

Une fois Led Zeppelin mort, Robert Plant et John Paul Jones prirent leurs distances avec l’illustre cadavre. C’est à Jimmy Page, toujours hanté par sa création, qu’incomba la tâche d’entretenir l’œuvre de Led Zeppelin. Pour la bonne cause : le groupe n’avait pas offert tout ce dont il était capable de son vivant.
Des années après l’épisode Coda, il remasterisa tous les albums studios du groupe. « Quand les albums du Zep ont été réédités en CD, personne ne m’a contacté. Alors ils ont fait n’importe quoi… » (JP, 1993.) Deux coffrets remasters sortirent avec une astuce commerciale : l’intégration d’un petit nombre d’inédits dans ce qui n’était finalement qu’une compilation. Suivirent un coffret, The complete Studio Recording, comprenant aussi les fameux inédits, et les albums remastérisés achetables un par un. Variation sur la chanson du citron…
Le succès commercial dépassa toutes les espérances. Led Zeppelin connaissait une deuxième naissance post-mortem. Jimmy Page se remit donc, une fois de plus, au travail. Il fallait absolument un live à la hauteur du groupe. On devait jusque là se contenter de la bande musicale, mal fichue, du film The Song Remains The Same et… de bootlegs. Ce fut chose presque faite (seulement en 1997 !) avec les superbes BBC Sessions. Le coup de marteau fut asséné en 2003. D’abord avec l’extraordinaire How The West Was Won. Ainsi que deux DVD, plus de 5 heures de film, retraçant la quasi-totalité de la carrière du groupe. Bizarrement les images les plus impressionnantes et touchantes étaient celles de Knebwoth où l’on peut lire sur les visages, les corps, la déchéance des membres de Led Zeppelin. Le moins atteint semblant être John Paul Jones et le plus touché Jimmy Page.

Présent

Depuis la tournée avec les Black Crowes, Jimmy Page se montre plus rarement. Il parcourt encore le monde pour recevoir des récompenses et participer à des manifestations officielles. Il retrouva Robert Plant le 7 juillet 2001 pour un court set rock and roll en l’hommage à Sun Records. Le fameux label pionnier du genre dont Jimmy collectionnait les vinyles. En 2002 il a interprété Dazed And Confused au Royal Albert Hall. Il a eu 60 ans en 2004. Un âge canonique pour une star du rock Sensibilisé par sa femme il consacre aujourd’hui de son temps aux œuvres de charité, en particulier pour aider les enfants déshérités du Brésil. On peut aussi compter sur lui pour sortir, de temps en temps, des petits joyaux estampillés années 70.

« Mon mode de communication idéal est la musique et je crois que c’est à travers elle que je me révèle. Je suis juste un joueur de guitare. »