Author & Punisher est le one-man-band du musicien américain Tristan Shone, fondé par ce dernier en 2004. Si
The Painted Army et
Warcry, ses deux premiers opus, proposent un
Metal industriel préfigurant ses travaux suivants, c'est avec
Drone Machines, en 2010, qu'il adopte réellement la formule qui est désormais la sienne. Car la particularité de
Drone Machines et des albums postérieurs repose sur l'utilisation, en combinaison ou en remplacement des instruments plus typiques du genre, de machines créées de toute pièce par Shone lui-même. Cette démarche, touchant à l'essence même de l'art industriel, est au cœur de la fascination que peut exercer le one-man-band californien: en mettant de côté les instruments plus "traditionnels", celui-ci a la possibilité de se rapprocher de l'idéal d'un
Metal indus entièrement mécanisé et robotisé. Et si l'être humain a tout de même sa place dans l'ensemble, y compris lorsque la phase de composition laisse place à celle d’exécution, son rôle au sein de celui-ci semble parfois être plus proche d'un simple composant que d'un véritable chef d'orchestre maîtrisant l'intégralité du processus, le chant lui-même, auquel il est pourtant par essence difficile de faire perdre sa dimension humaine, étant fréquemment trituré, torturé, transformé via l'utilisation de différents types de micros eux aussi créés par Shone.
Les prestations lives du bonhomme ont de fait une dimension franchement surréaliste, Tristan Shone se retrouvant véritablement en lutte avec ses créations, celles-ci ne semblant d'ailleurs guère enclines à se laisser aisément dompter par l'être humain au vu de la force visiblement nécessaire pour utiliser certains instruments. On ne sera de fait guère surpris de voir que le musicien déclare chercher à explorer "l'érotisme de la relation avec la machine", tant celle-ci a ici une dimension purement physique, charnelle, épuisante.
Car épuisante, la musique que nous propose Author & Punisher, mélange de
Doom, de
Drone, et d'Indus, quelque part entre
Godflesh, P.H.O.B.O.S et
Zaraza, l'est clairement. L'auditeur est fréquemment écrasé, compressé, broyé, atomisé par la lourdeur des morceaux. Les lentes montées en intensité, méticuleusement construites, produisent un effet souvent dévastateur, soutenues par les hurlements à l'unisson du musicien californien. L'impression d'entendre un ouvrier abandonner sa tâche pour se lancer dans une improvisation bruitiste à l'aide de sa machine-outil est réelle, sans que l'on soit pour autant capable de déterminer si la musique en question sert à exprimer sa haine ou son amour de l'usine qui l'entoure.
Et si
Women & Children, l'album présentement chroniqué, joue dans un registre bien moins
Doom que le lent, lourd et monolithique
Drone Machines et bien moins éprouvant que l'excellent
Ursus Americanus (on pensera notamment au monstrueux "Set
Flames"), il n'en propose pas moins des morceaux à l'intensité étouffante et douloureuse, mettant à profit l’expérience grandissante de leur auteur en la matière. Le morceau-titre ouvrant l'album en est un bon exemple, malgré l'impression que les (relativement) calmes bourdonnements qu'il affiche sur sa première partie pourraient donner.
Mais la recette a aussi gagné en subtilité. Un morceau comme "In
Remorse" cherche par exemple plus à hypnotiser qu'à soumettre l'auditeur par la force, et si ce genre d'exercice prenait déjà place sur les précédents opus, il représente ici une part inédite de l'album, le même commentaire s'appliquant au morceau "Melee", malgré ses occasionnelles poussées destructrices.
Encore plus flagrant est le rôle joué par les passages plus calmes au sein de l'album. Si ceux-ci pouvaient déjà être trouvés auparavant, notamment via des séquences Ambient comme celles qui figuraient dans des titres tels que "Beginning of
End" (malgré son final assez intense) ou "
Mercy Dub", et que certains titres pouvaient déjà se faire plus mélancoliques à l'occasion ("Skies O'er", "Throttle and
Hymn"), on n'avait pas vraiment d'équivalent à un morceau tel que 'Tame as a
Lion", et son chant clair désabusé soutenu par des notes de piano. Si le morceau en question conserve toute de même des accents assez sombres et inquiétants, il n'en propose pas moins une douceur assez inédite pour les derniers albums du one-man-band. C'est encore plus vrai pour "
Pain Myself", qui termine l'album et reprend plusieurs éléments de "Tame as a
Lion" en y ajoutant une légère touche plus lumineuse.
Le résultat est de fait assez intéressant, et est assez bienvenue après s'être fait malmené par les titres plus intenses, le côté mélancolique donnant une dimension presque post-apocalyptique à l'ensemble (à moins qu'il ne s'agisse de tristesse post-coïtale, si l'on désire poursuivre avec le vocabulaire charnel évoqué plus haut). Cela étant, si cela donne un ensemble très équilibré, on pourra néanmoins regretter la perte d'une partie de la démesure et de l’extrémisme qui caractérisait le projet, et les personnes désirant se frotter directement à la facette la plus difficile d'accès de la bête feraient bien de s'essayer à
Drone Machines ou au terrifiant
Ursus Americanus plutôt qu'à ce
Women & Children. Ce dernier n'en reste pas moins une belle réussite, combinant de fort belle manière intensité et calme et apportant sa propre pierre à l'édifice Author & Punisher..
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