Comment ça
Vardan, vous ne connaissez pas ? Rassurez-vous, c’est normal. One man band sicilien formé en 1997 par
Vardan himself, le combo ne sort sa première démo qu’en 2004, qui passera relativement inaperçue dans le petit microcosme du black. S’en suivra un split avec
Striborg ainsi qu’un nombre incalculable d’albums,
Vardan suivant en ce sens la voie de moult formations underground anonymes extrêmement prolifiques : jugez plutôt, le
Winter Woods dont il est question ici est déjà le sixième (!) album de la formation pour la seule année 2015 !
Il faut dire aussi que la musique de
Vardan n’est pas la plus difficile à réaliser ni à jouer, notre triste sire évoluant dans un DSBM minimaliste et extrêmement dépouillé comme en proposent des centaines de groupes plus ou moins reconnus : guitares plaintives et traînantes à souhait qui rabâchent le même riff jusqu’à l’usure, voix ultra saturée qui ne ressemble à plus rien d’humain - d’aucuns diront ridicule tant elle est criarde et noyée d’effets - , batterie au ralenti qui imprime encore et toujours ce même rythme lent et catatonique – surtout pas de changement de tempo ou de pattern un peu plus inventif, ce serait pêcher ! - …, bref, on ne peut pas dire que notre Italien fasse dans la surenchère de technique ou d’originalité.
Ceci dit manque d’originalité ne signifie pas forcément manque de talent, et si l’on parvient à faire abstraction du son horriblement grésillant et à supporter les vocaux terriblement déchirés et irritants de
Vardan, celui-ci parvient sur le premier titre à nous emporter dans les méandres de son esprit dérangé à l’aide de quelques riffs simplistes, d’une basse au bourdonnement lugubre et d’enchaînements judicieux sur des parties ambiant touchantes dans leur sobriété et leur simplicité absolues. Non, l’artiste n’invente rien, mais avec trois pauvres accords, il parvient tout de même à toucher du doigt l’essence du DSBM : créer une ambiance suintant le malaise et nous envelopper d’une chape grise de tristesse et de dépression.
Uroborus
Black Circle impose un mid tempo qui nous tire partiellement de notre léthargie, la basse et la frappe régulière de la batterie apportant une sorte de groove mélancolique à l’ensemble. Là encore, la tempête électrique cède sa place à quelques courtes accalmies ambiant, un peu à la manière d’un
Colossus, mais le son, extrêmement grésillant et nous vrillant littéralement les tympans, gâche largement le plaisir d’écoute (pour avoir écouté au casque, je peux vous dire que le chant de
Vardan écorche méchamment les oreilles). En fait, c’est surtout
Cold Night of My Soul que l’on retiendra, s’ouvrant en douceur sur un riff lancinant de solitude et de désespoir méchamment addictif. La voix lointaine et écorchée de
Vardan, même si difficilement supportable, s’accorde plutôt bien à ce style vraiment lent, mélancolique et désespéré, sonnant comme une sorte d’oraison funèbre. Les riffs sont enivrants, les changements de rythme interviennent intelligemment afin d’éviter à l’auditeur de sombrer dans l’ennui, et la basse nous berce doucement de ses sanglots graves, s’abattant sur notre deuil comme autant de pelletées de terre sur un cercueil afin de créer enfin un vrai titre de DSBM tourmenté à souhait.
Malheureusement, les pistes sont assez inégales, la palme du mauvais goût revenant sans doute à
Winter Woods Part 2, proposant inlassablement les quelques mêmes notes de guitare (à ce niveau là, peut-on seulement appeler ça un arpège ?), et où la voix de l’Italien, sensée être vibrante de folie et de haine, apparaît plus comme le râle d’un phacochère constipé ou le hurlement de douleur un rien pitoyable d’un chien qui se serait coincé les parties dans une porte. The
Cry of
Dying Forests est tout aussi insipide, et d’une manière générale, il faut bien avouer que les 35 minutes de
Winter Woods sont trop simplistes et dépouillées, assez vides musicalement, pour vraiment séduire. Pire, ces cinq pistes frôlent parfois l’amateurisme, notamment à cause d’une qualité d’enregistrement plus que discutable : les plages ne semblent pas toutes enregistrées au même volume, les morceaux s’arrêtent parfois brutalement et enchaînent sans aucune transition avec les suivants (la fin de
Winter Woods Part 2 ou de
Cold Night of My Soul) et la pauvreté technique et le manque de variation sont parfois rédhibitoires.
Pour conclure, on ne pourra pas nier que
Vardan possède un certain talent pour créer une musique aux ambiances délétères et malsaines, mais son art bien trop minimaliste et cru est encore trop amateur et loin d’égaler les références du genre. L’Italien gagnerait probablement à plus soigner ses compos et à travailler sa technique musicale au lieu de précipiter les sorties au rythme des ses inspirations sporadiques et inégales. Ce Wooden Woods n’est ni plus ni moins qu’une sortie anecdotique d’un groupe de DSBM quelconque comme il y en a des centaines et ne présente pas grand intérêt en soi. A recommander aux amateurs du genre uniquement, les autres peuvent passer leur tour sans regret…
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