Liste des groupes Metal Mélodique La-Ventura White Crow

Après une longue traversée du désert, le groupe de metal symphonique mélodique néerlandais revient en force avec ce second album full length. Rôdé à l'exercice depuis déjà huit ans, le quartet issu de Goes (Zélande) nous avait laissés sur une note plutôt positive à l'instar de son premier album « A New Beginning » (2008). Suite à « Breaking the Silence », discret EP réalisé en 2010, après trois ans d'une longue attente, d'aucuns se demandaient si l'avenir commençait à s'assombrir pour le combo batave. Il semble, au contraire, que le groupe s'est laissé le temps de peaufiner les dix titres de son nouvel effort et que la production en a profité pour bénéficier d'une qualité d'enregistrement aussi convaincante que le mixage s'est avéré équilibrant, avec un soin particulier accordé aux détails et aux finitions. On comprend donc que cette attente a été récompensée par une œuvre ayant gagné en maturité dans sa globalité.

Initialisé par le bassiste Michael Saffrie, le guitariste Sascha Kondic et la chanteuse au timbre de voix chatoyant Carla van Huizen, le combo signe ici une production artistiquement soignée, de par les paroles aux textes finement élaborés, techniquement éprouvée et mélodiquement enivrante. On déambule alors dans une œuvre metal symphonique mélodique, atmosphérique, avec quelques touches heavy et power, parfois progressives. Les climats sont variés et nous font évoluer entre plusieurs courants d'influences, entre l'atmosphère éthérée d'Autumn, en passant par les incandescents arpèges de Lacuna Coil, les arrangements d'Evanescence, et quelques vocalises et cheminements mélodiques empruntés à Within Temptation, entre autres. Dans l'ensemble, le message musical se veut essentiellement vitaminé et enjoué, rythmiquement nerveux mais sans agressivité, délivrant nombre d'harmonies sulfureuses et d'arrangements rondement menés. Si certains titres dominent, les moins immersifs ne sont pas à prendre en défaut pour autant, l'homogénéité de la tracklist concourant à nous faire suivre le disque d'un seul tenant. C'est dire que l'on a affaire à une savoureuse galette dont on ne laissera pas une miette.

Parmi les titres les plus dynamiques, quelques gemmes se détachent de l'écrin. A commencer par l'entame de l'opus. Ainsi, l'entraînant « Falling Down », titre power mélodique aux riffs griffus, laisse déambuler la sirène, non sans rappeler Sharon den Adel, avec une empreinte moins lyrique, notamment sur des refrains catchy, à la façon de Within Temptation. Un premier hit en puissance se dessine sur cette piste. Dommage que la clôture soit aussi radicale. Mais là ne s'arrête pas le spectacle. D'inspiration heavy symphonique, l'énergisant « Song for an Idiot » déploie ses couplets bien customisés et ses refrains qu'on entonnerait à tue-tête. Ce titre taillé pour les charts ne ratera pas sa cible, et ce, eu égard à un tracé harmonique très précis et à des inflexions dans les médiums des plus infiltrantes signées Carla. Exercice relevé de main de maître. Mais, l'oreille sera tout autant magnétisée par d'autres moments forts. A la façon de The Murder Of My Sweet concernant l'atmosphère, avec un zeste de Lacuna Coil sur les lignes de chant, le vitaminé et engageant « Close to You » attire immanquablement le tympan dans tous les compartiments où se meut la maîtresse de cérémonie. Comment échapper également aux griffes de « White Crow » ? Un sensible piano et des nappes synthétiques nous accueillent sur ce titre éponyme de l'album, mélodiquement immersif, à la rythmique plombante et aux riffs graveleux, évoluant le long de couplets et de refrains alternés de fort bonne facture et aux enchaînement rigoureux. Difficile de ne pas succomber à l'envie subreptice d'un headbang, notamment sous l'impact des attaques oratoires de la déesse. Enfin, titre virulent où claquent les tambours, « Human Vanity » n'oublie pas de se montrer avenant sur sa ligne mélodique, à la façon d'Evanesence. L'adhésion s'opère donc sans encombres sur cette plage, même si la fin s'avère abrupte.

Mais, le combo a su varier son offre, en nous proposant des mid tempi à la robuste orchestration et aux arpèges des plus délectables. Ainsi, mid tempo syncopé aux riffs arrondis et aux arrangements affinés, « Drowning » déploie ses couplets bien ciselés et ses refrains quasi imparables. Et ce, d'autant plus qu'ils se voient magnifiés par la présence féline de la diva, élargissant son spectre vocal d'un cran, tout le long. Et la magie opère, sans avoir à forcer le trait. Dans cette veine, un riffing crayeux, non sans rappeler Autumn, capte le pavillon avant que l'interprète, de ses subtiles modulations, ne s'infiltre opportunément pour nous happer sur le mélodieux mid tempo « Time and Time Again », sur les sculpturaux couplets comme sur les envoûtants refrains. On se plaît alors à la suivre dans ses pérégrinations sur un titre pouvant évoquer Jaded Star.

Au regard de ces perles, les titres restants, sans faire pâle figure, semblent émotionnellement moins puissants, bien que techniquement convaincants. Des riffs massifs nous étreignent sur « The Only One », titre symphonique mélodique aux harmoniques saisissantes et à la dynamique avérée, non sans rappeler Lacuna Coil. L'immersion s'opère progressivement, la belle nous fouettant le tympan comme pour nous inviter à rester calé sur une piste où chauffent les fûts et où la ligne mélodique n'est pas des plus inconsistantes. On l'aura compris, on ne se situe ici qu'à un bémol en-deçà des titres sus-cités, le charme pouvant également opérer.
A un cran en-dessous du lot, il y a le fouettant « Neverending Story », qui nous cale sur un mid tempo à la massive rythmique et aux riffs mordants, que l'on parcourt non sans entrain. Mais, là où le bât blesse, c'est que, par moments, on pourrait aisément perdre le fil du tracé mélodique. Quant à « Watch Me Go », mid tempo progressif et outro de l'opus, il offre des riffs corrosifs et un tapping martelant sur une mouture mélodique pouvant renvoyer à Elysion. Toutefois, sujet aux répétitions et à un manque d'ouverture du spectre mélodique, ce morceau a, lui aussi, du mal à se hisser au niveau des meilleurs moments de ce propos.

Au final, le combo batave nous offre là une production plutôt efficace, agréable à parcourir, souvent stimulante et émouvante, voire hypnotique par moments. On comprend que des progrès ont été effectués depuis leur premier full length, qui ne laisseront pas indifférents les aficionados du quartet néerlandais, ni même les amateurs de metal symphonique à chant féminin non lyrique. Encore dans l'ombre des formations dominantes de ce registre, ils pourraient bien, à l'aune de cette jouissive production gagner quelques échelons et peut-être un jour rejoindre la cour des grands. Pour cela, il leur faudra encore étoffer leur palette musicale avec notamment des instrumentaux, fresques, ballades et enrichir les parties vocales de duos, choeurs, grunts, avec une éventuelle inclusion d'invités, pouvant alors jouer un rôle probant comme l'évolution actuelle du genre le laisse présager. A l'heure où celui-ci se tourne davantage que par le passé vers l'opéra, avec ce que cela implique d'un point de vue artistique, logistique, technique, orchestral, il s'avère crucial qu'ils puissent dépasser le cadre strict des codes de leur courant d'appartenance. Pour le moment, on pourra se laisser tenter, et même aspirer, par une œuvre susceptible d'éveiller d'authentiques plaisirs.