L'Écosse, c'est de la pluie en été, et de la pluie en hiver. Il y fait gris, il y a du vent, il y a peu d'arbres, ce n'est pas très habité (65 habitants au kilomètre carré), bref, un endroit morne et déprimant, mais propice à l'inspiration.
Falloch, toute jeune formation menée par Andy
Marshall et Scott McLean, a puisé à la source de son pays d'origine, pour nous fournir un black metal atmosphérique teinté d'éléments tirés du folklore écossais aux influences post-rock très marquées.
Un bon cocktail en perspective, et les premières impressions sont très bonnes. À l'ouverture du premier morceau, on croirait entendre le nouvel album de
Primordial, jusqu'à ce que, surprise! on switche aux guitares acoustiques et à une voix claire étonnamment légère, qui lorgne du côté du post-rock / shoegaze. Et à travers des morceaux relativement longs (une moyenne de 8 minutes sans compter les deux pistes instrumentales), on enchaîne sur une musique tantôt black metal, blast-beats à l'appui parfois, tantôt moins lourde, et dans ce cas soutenue par des guitares acoustiques, des claviers, une flûte parfois, et des vocaux franchement shoegaziens. Une atmosphère un peu triste se met en place, mais pas déprimante, moins négative qu'
Alcest tiens, en parlant de shoegaze. On roule plus sur la beauté de la mélancolie que sur sa négativité, le résultat donne des mélodies toujours belles, jamais dissonantes.
Mais heureusement, les rares hurlements, les blast-beats, bref, l'influence black metal ôte beaucoup du kitsch, du côté gnan-gnan qu'on reproche parfois (à juste titre) au shoegaze. Ca donne également du dynamisme à la musique, rendant les morceaux moins répétitifs. D'autre part, la musique gagne en profondeur grâce à l'addition de quelques parties atmosphériques, qui, comme chez
Negura Bunget mais dans une ambiance radicalement différente (entre l'Écosse et la Roumanie il y a quelques kilomètres quand même), donne beaucoup d'identité au groupe à travers l'incorporation d'éléments issus de la tradition locale. On salue donc l'initiative qui permet à l'auditeur d'entendre un véritable tin whistle, mais hélas le reste sera géré par les claviers (qui se révèlent parfois un tantinet insistants à mon goût mais peut-être ai-je été traumatisé par
Dimmu Borgir).
Maintenant, si les vocaux sont très beaux, on regrette parfois l'absence de plus de hurlements en bonne et due forme pour donner plus de puissance à l'ensemble. Car les chants clairs, sans tomber dans la lourdeur sirupeuse d'un
Alcest, restent à des lieues de la prestation d'un vocaliste comme A.A. Nemtheanga de
Primordial. C'est pourquoi les rares hurlements de l'album se savourent précieusement, pour l'intensité qu'ils donnent à la musique, mais ils auraient pu être fort bien accueillis en moult autres endroits.
Parce que oui oui, c'est beau, oui! Chouette ambiance légère et feutrée, ça s'écoute sans problème avant d'aller dormir ; mais
Falloch montre qu'il sait prendre de la puissance, alors on soupire parfois, à l'idée qu'il n'ait pas plus misé sur le soulèvement du coeur de l'auditeur, plutôt que de, le plus souvent, le toucher timidement, juste de quoi lui faire jeter un regard gris au loin. C'est donc ennuyeux de devoir adresser des reproches à un cd qui plaît, beaucoup même, car il est très joli. Mais peut-être ça s'arrête là. Pour le comparer aux grands noms du genre, les passages atmosphériques de
Negura Bunget donnent des frissons tellement ils vibrent de cette mystérieuse magie roumaine, ici les passages atmosphériques créent seulement une ambiance, avec cette p'tite flûte qui s'envole avec lyrisme et ces tambours, on reconnaîtrait presque le thème de Braveheart! Et pour le reste, dans l'âme ça reste plus proche d'un post-rock shoegazien que du black metal (malgré certains passages).
Difficile au final de dégager une impression générale de ce groupe et de son premier album. Les premiers contacts sont excellents, et on ne s'ennuie pratiquement pas. Seulement le groupe n'innove pas de manière transcendante, mélangeant surtout entre eux des éléments (post-rock / black / doom / folk) que d'autres groupes exploitent mieux en ne misant que là-dessus. De plus, on aurait bien aimé mieux connaître le côté furieux de
Falloch, qui ne se révèle qu'occasionnellement, et de manière un peu timide.
Mais malgré toutes ces remontrances, je ne peux paradoxalement que vous recommander de poser une oreille sur cet album, parce qu'il ne lasse pas si vite, et regorge de bonnes idées. S'il ne sera pas un coup de canon dans le milieu, il leur assure toutefois un avenir prometteur, à ces deux Écossais, et je me réjouis de voir ce qu'ils nous apporteront une fois l'expérience et la maturité accumulées.
Pour finir, je ne vois pas vraiment le lien avec le black metal, j'avais l'impression d'avoir affaire à un espèce de core/folk/doom. Déjà qu'on a parfois du mal à classer Negura Bunget et Agalloch dans le black metal, mais là c'est encore moins évident...
Bref, belle chronique mais parfois tu as la critique facile.
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